DEDICACE
A ma mère, WABALENGA, pour tant de tendresse,
A mon père, KYATENDA, pour la justesse de ses conseils,
A mon frère, MUSIEBIRO, qui m’a hébergé toute ma scolarité durant, A mes sœurs, WAKUMBILE et WABIGWA, pour leur aide moral et matérielle désintéressée,
A celle qui sera ma femme,
Je dédie ce mémoire
AVANT-PROPOS
Ce mémoire est l’aboutissement d’un grand effort collectif.
Nous remercions tout d’abord le Révérend Père Directeur General de l’I.S.P./Bukavu, Dominique MILANI, pour l’admission qu’il nous a accordée et pour les conseils nobles qu’il nous a toujours donnés pendant les cinq années que nous venons de passer dans son Institut.
Nous tenons également à exprimer nos sentiments de profonde gratitude à tous les professeurs qui ont assuré notre formation et singulièrement au citoyen NJANGU Canda Ciri, qui a accepté de diriger honorablement ce mémoire.
Nous serions ingrat si nous n’adressions pas nos remerciements d’une façon particulière aux citoyens NDOMBA LUSOMBO, KILUWE MUZENZE, MUSAFIRI MUGENI et au Père Deforce pour toutes les informations qu’ils nous ont fournies.
Enfin, à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre ont contribué à la réalisation du présent mémoire, nous disons merci.
Bukavu, le 15 juin 1977
YALALA KYATENDA MUKUMBUKWA Roger
PRINCIPAUX SIGLES UTILISES
AIMO : Affaires Indigènes et main d’œuvre
A.T. : Administrateur Territorial
A.T.A. : Commissaire de District
MININTERPRO : Ministre Provincial des Affaires Intérieures
P.V. : Procès-verbal
INTRODUCTION GENERALE
- POURQUOI AVONS-NOUS CHOISI L’HISTOIRE SOCIO-POLITIQUE DES BAKISI (ZONE DE SHABUNDA) COMME SUJET DE NOTRE MEMOIRE DE LICENCE ?
Les Bakisi constituent l’une des nombreuses collectivités du grand peuple Lega. Jusqu’à ce jour, quelques études à caractère descriptifs ont été déjà menées sur les Balega. Nous songeons ici au commandant Delhaise qui a publié en 1909 une monographie ethnographique des Balega et au Docteur Daniel Biebuyck qui s’est attelé à l’étude de l’art Lega.
Un travail à caractère historique c’est-à-dire qui présente l’évolution des Balega n’a jamais été entreprise. Certes, par ci-par là, les étudiants d’université ont déjà présenté l’un ou l’autre aspect de l’histoire lega mais pas un travail d’ensemble. Pour pallier à cette lacune, nous nous sommes engagé à amorcer cette étude évolutive des Balega mais dans le cadre restreint des Bakisi.
Nous nous sommes limité aux Bakisi parce que le temps et les moyens matériels dont nous avons disposé ne nous auraient pas permis de côtoyer tout le territoire Lega. Étant donné la rareté des moyens de communication dans l’immense territoire lega (deux fois plus grand que la Belgique en superficie) l’on comprend aisément les difficultés auxquelles s’expose le chercheur en s’embarquant dans cette étude.
En outre, étant nous même de cette collectivité, nous estimons que nous la connaissons mieux que toutes les autres.
- SUBDIVISION DU TRAVAIL
Notre travail comportera trois parties :
- La première portera sur les généralités. Le lecteur se rendra compte que les Balega habitaient un immense territoire forestier au climat équatorial et au sol fertile où la nature est favorable à l’homme.
- Dans un second temps nous allons parler de l’évolution sociale des Bakisi, les coutumes ne sont pas demeurées intactes. Elles ont évolué d’une certaine manière.
Ainsi, le mariage polygamique jadis limité à quelques foyers riches s’est généralisé après le séjour arabe chez les Bakisi et se trouve aujourd’hui, suite à l’influence du christianisme, sensiblement réduit.
Le Bwami, symbole et réalité de l’unité sociale et gardien de la culture Kisi et Lega en générale, a débouché aux abus : l’exploitation éhontée des profanes (Bagunda) par les initiés (Bami).
C’est pourquoi il est déconsidéré par la jeunesse laquelle manifeste aussi le désir de se libérer de la mainmise sur elle du monde traditionnel.
- La troisième partie sera consacrée à l’évolution politique des Bakisi. Le clan est l’unité politique de base. Dans cette société, le rôle de l’homme est mis en évidence. Assurer le bien-être de l’homme, voila la raison d’être du pouvoir politique. Au cours de leur histoire, les intérêts de l’homme doivent être protégés sinon rien ne marche. L’histoire ne peut d’ailleurs pas se concevoir sans l’homme. C’est avec raison que Fernand BRAUDEL écrivait : « l’histoire c’est l’homme, toujours l’homme et ses admirables efforts. »[1]
L’avènement du Bwami contribuera à accentuer la division politique des Bakisi cependant que l’administration coloniale les unifiera pour mieux les gouverner. Cette procédure anti-coutumière connaitra des suites fâcheuses.
Déjà, pendant la colonisation, les oppositions à la centralisation du pouvoir existaient. Mais tous les mecontents étaient purement et simplement écartés.
Il faudra attendre l’accession du pays à l’indépendance pour que les conflits s’extériorisent ; et, si l’on n’a pas encore changé l’organisation politico-administr ative des Bakisi c’est parce que les autorités du pays veulent maintenir les structures du pouvoir héritées de la colonisation.
- SOURCES
- Sources écrites
Elles sont maigres. Pour la période précoloniale nous utiliserons les renseignements fournis par deux auteurs :
– DELHAISE avec sa monographie ethnographique « Les Warega »,
– BIEBUYCK qui a centré ses recherches sur l’art lega et l’association secrète du Bami.
L’un et l’autre ne tiennent pas compte des particularités locales. Ils présentent un travail d’ensemble descriptif sur les Balega. D’autre part, nous nus sommes inspiré des archives privées de la mission catholique de Shabunda.
En ce qui concerne la période coloniale, nous allons nous servir essentiellement des archives officielles trouvées à la Zone de Shabunda et à la collectivité des Bakisi.
Non seulement elles ne sont pas intactes mais également nous les avons trouvées dans un état de délabrement total. D’autre part, les instances supérieures de la Zone nous ont refusé l’accès à certains documents (tel le registre des renseignements politiques) parce qu’elles ont suspecté notre présence et ce malgré les garanties et les justifications leur données.
Quant à la période postcoloniale, curieusement, nous n’avons pratiquement rien trouvé. Les raisons sont simples. Depuis le 30 juin 1960, les services d’archives fonctionnent mal dans le pays, car, la plupart des cadres administratifs ignorent leur importance. La Zone de Shabunda, ayant été très mouvementée dans les premières années de notre indépendance, certains des ses politiciens, pour justifier leur action ou compromettre celle des autres ont déplacé et ont fait disparaitre certains documents datant même de l’époque coloniale.
Enfin, certains étudiants qui ont travaillé avant nous sur les archives de Shabunda se sont emparés de certains documents par malhonnêteté intellectuelle et à cause de la trop grande liberté leur accordée.
- Sources orales
Nous avons pu recueillir tous les renseignements fournis grâce à un appareil enregistreur dont nous disposions. Tout d’abord, nous avons tenté un dialogue dirigé en nous servant d’un questionnaire dressé d’avance. Mais ce procédé s’est avéré inefficace par ce que les réponses du questionnaire ne cadraient toujours pas avec les questions posées. Tantôt il répondait hors sujet, tantôt il débordait le problème posé.
Par la suite, nous avons procédé à l’interview libre. Il ne s’agit pas d’une causerie fortuite mais d’une conversation provoquée dans un but d’information précise. Elle suppose au préalable une préparation minutieuse du thème à discuter. Cette méthode a été doublement avantageuse :
– l’interrogé ne se sentait pas gêné. Il était à l’aise ;
– parfois, il touchait aux problèmes qui avaient échappé à notre perception lors de la préparation.
C. Expérience personnelle
Enfin, notre expérience personnelle a apporté une contribution non moins importante à cette étude. En effet, nous avons-nous-même vécu certains événements récents. Il s’agit essentiellement des crises qui ont suivi l’avènement au pouvoir de KLUWE chez les Bamuguba/Sud, d’une des sept localités de l’actuelle collectivité des Bakisi.
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES BALEGA
CHAPITRE I : LE CADRE PHYSIQUE
SECTION I : SITUATION GEOGRAPHIQUE
Les Balega, appelés improprement les « Vuarega, Valega, Baleghe, Walega, Warega… »[2] Occupent toute la partie de la foret de Maniema entre Lualaba (Kindu) et les montagnes déboisées du Kivu habitées par les semi-pasteurs Bashi. En effet, le préfixe du pluriel « Wa » n’existe pas dans les langues bantu. Il en est de même de la consonne « r » que la plupart des Bantu prononcent « L ». Seuls les arabes et les Wa-Swahili écrivent « W » et « r » et c’est parce que dans la région des Balega étaient situés de grands centres arabes que l’orthographe swahili est si souvent adoptée.[3]
Pour sa part, parlant de l’appellation « Balega », KITOGA dit : «… Nous retenons et adoptons cette orthographe, nous souvenant par ailleurs, qu’au point de vue linguistique, le préfixe substantival de la classe nominale 2 est bien « Ba » en Kilega et jamais « Wa ». Ainsi au radical lega, il faut ajouter les préfixes nominaux « Mu » (singulier) et « Ba » (pluriel) pour designer l’ethnie et les habitants, « Bu » pour la région et « Ki » pour la langue… »[4]
Le Bulega est situé entre 26° et 28°30 de la longitude EST. Au Nord et au Sud le territoire est compris entre 2°20 et 4° de latitude Sud. La superficie est de 54 545 Km², soit ¼ celle du Kivu ; la densité est de 7 habitants au km² et la population s’élève à 371 876 habitants.[5]
Le pays Lega comprend actuellement quatre Zones administratives :
- Pangi,
- Shabunda,
- Mwenga et
- une partie de Walikale.
La Zone de Shabunda, composée au Nord de la Collectivité des Bakisi et au Sud de la Collectivité des Bakabango, est située au centre de la région du Kivu entre 27° et 28°24 de longitude EST et entre 2° et 4° de latitude Sud.
La superficie est de 25 216 km², soit, 1/10 celle du Kivu ; la population s’élève à 139 716 habitants[6] soit une densité de 5,5 habitant au km².
Shabunda est limité :
- Au Nord par les Zones de Punia et Walikale ;
- Au Sud par les Zones de Kasongo, Kabambare et Fizi ;
- A l’Est par les Zones de Mwenga, Walungu, Kabare et Kalehe,
- A l’Ouest par les Zones de Pangi et de Kindu.[7]
SECTION II : CLIMAT ET VEGETATION
1. Climat.
Le climat est du type équatorial. Il est caractérisé par une chaleur constante et une forte température moyenne annuelle –non moins de 25°). Il pleut régulièrement toute l’année et la moyenne annuelle des pluies est estimée à 1600 mm. L’humidité est tellement élevée qu’il est difficile de distinguer la courte saison sèche de la longue saison des pluies. La hauteur des pluies diminue de l’Est à l’Ouest : cette diminution est attribuée au relief.
2. Végétation.
A ce climat, correspond une végétation de type équatorial. Il s’agit de la forêt dense avec ses innombrables essences. Le para solier en est la plus rependue dans la foret secondaire (Muvunga), laquelle s’oppose à la foret primaire (Mbala).
SECTION III : HYDROGRAPHIE
Deux grandes rivières, dépendantes du Lualaba, arrosent la Zone de Shabunda. Il s’agit de l’Elila et de l’Ulindi.
- La première coule de l’EST à l’OUEST jusqu’au confluant de Kama. Ses principaux affluant sont : Simuanambi, Lwino, Kilombwe…
- La seconde coule aussi dans le sens Est-Ouest. Ses principaux affluents sont : Kindi et surtout Lugulu, qui recoit elle-même les eaux de Nduma sur la rive droite et de Lubimbe sur la rive gauche. La Lugulu constitue à elle seule un bassin au Nord de la Zone de Shabunda en raison de l’important réseau hydrographique qu’elle draine.[8]
Toutes ces rivières sont coupées par des nombreuses chutes et par des rapides importants. Entre ces obstacles, elles sont peu navigables par suite de la rapidité du courant et des arbres nombreux déracinés par celui-ci et qui arrêtent les embarcations.[9]
SECTION IV : RELIEF
Shabunda comprend deux types de relief. Il en est de même de tout le Bulega.
- Le Malinga ou l’Ouest qui comprend la Zone de Pangi et le Sud-ouest de Shabunda, est dans l’ensemble une région des plateaux et des plaines.
- Le Ntata ou l’Est, comprend la Zone de Mwenga et une partie de celle de Shabunda, est une région des montagnes.
Comme le fait bien remarquer Verhaegen, la division de Bulega en deux groupes à savoir Ntata (gens du haut, des montagnes) et Malinga (gens du bas), est banale, car elle ne repose sur aucune signification anthropologique ou historique.[10]
Dans le langage courant, en effet, les habitants de l’Ouest dénomment « Ntata » leurs frères de l’Est et ces derniers dénomment « Malinga » leurs frères de l’Ouest. Ainsi, des groupes appelés « Ntata » par rapport à leurs voisins de l’Ouest utiliseront de même nom pour designer les populations occupant une situation encore plus orientale alors qu’eux-mêmes seront qualifiés de « Malinga » par ces dites populations. Ces appellations sont exclusivement des qualificatifs.
CHAPITRE II : LE CADRE HUMAIN : LES MIGRATIONS LEGA
Dans ce chapitre nous allons présenter les principales versions qui existent à propos de l’origine et de la dispersion des Balega en mettant un accent particulier sur la répartition des Bakisi dans la Zone de Shabunda. Nous appuierons ensuite la version qui nous paraitra la plus vraisemblable.
SECTION I : ORIGINE ET LA DISPERTION DES BALEGA SELON LA TRADITION ORALE
- Origine et migration primaire.
La tradition orale situe le foyer primaire des Balega dans les régions du Nord de l’Uélé. Les Balega auraient vécu longtemps en contact avec les populations au teint pâle appelées « Wakansemale ». Ces dernières réussirent à réduire les ancêtres des Balega en esclavage. En effet, les ancêtres lega pratiquaient souvent la chasse pour le compte des Wakansemale.
Au moment donné, on assista à la mort massive des Balega, en particulier des femmes et des enfants, qui, ajoutée aux vexations dont les sujets lega étaient victimes de la part des Wakansemale, révolta les Balega. Ainsi, la guerre éclata entre les deux races. Probablement, Lega, ancêtre éponyme des Balega, commandait déjà ceux-ci, et, BUTA-BUTAOU VUNDA-VUNDA assurait la direction des Wakansemale. Les Balega perdirent plusieurs batailles et se refugièrent en conséquence vers le Sud, dans la direction de la Tshopo, affluent de Lualaba vers un endroit dénommé Kisanga et Mabilabondo (actuellement Kisangani).
Les Balega croyaient que la supériorité militaire des Wakansemale pourrait s’expliquer par leur peau blanche. C’est pourquoi, ils résolurent de leur opposer des albinos (Wakiema). Sur ces entrefaites, un certain Muntita[11] prévint Lega de l’arrivée prochaine de Buta-Buta puis traversa le fleuve et remonta avec ses gens jusque vers Lomami. Le lendemain Buta-Buta arriva et massacra les « Wakiema » de Lega et les Balega s’enfuirent vers le Sud en remontant le fleuve Lualaba.
Ils s’installèrent en amont de Ponthierville (Ubundu), à proximité des Ba-Mituku et des Ba-Mumbu, groupement frères des Balega. Ils auraient laissé près de la Tshopo un petit clan, les Ba-Manga.
Les deux ethnies Balega et Ba-Mituku, dirigées respectivement par Lega et Mituku, ont vécu pendant longtemps en bonne intelligence. Mais, un jour, Mituku obligea la belle mère de Lega à avoir des relations sexuelles avec lui.
Cet acte d’immoralité énerva Lega, lequel décida d’émigrer vers le Sud. Il convient de signaler que Lega et Mituku étaient frères utérins, en d’autres termes, ils étaient des demi-frères (même père mais mères différentes). Mituku se servit de son petit frère Kimbimbi pour calmer la colère de Lega et pour le convaincre à renoncer à son projet de départ. Devant le refus de Lega, une guerre éclata entre les deux ethnies qui se termina par la défaite des Balega. Cette défaite précipita le départ des Balega vers le Sud jusqu’au confluent des rivières Lugulu et Ulindi, au lieu dit Kakolo. Peu de temps après, Lega mourut.
- Dispersion ou migration secondaire.
A la mort de son père, Kenda-Kenda prit la direction des Balega. Ceux-ci vécurent longtemps à Kakolo. C’est là que furent nés les derniers grands ancêtres éponymes de différents groupes lega tels que Kisi, Nkoïma et les générations actuelles. Il avance le XVIIe siècle comme étant l’époque où les ancêtres éponymes de groupes actuels lega ont vécu et situe le début des migrations secondaires au XVIIIe siècle.[12]
Quelles furent les raisons de la dispersion des Balega ?
Il y avait tout d’abord la poursuite de la guerre entre les Ba-Mituku et les Balega. Apres la mort de Lega et de Mituku, Kenda-Kenda et Kimbimbi étaient respectivement à la tête des Balega et des Ba-Mituku.
Ensuite, la dispersion et la séparation des Balega étaient dues aux rivalités intestines entre les descendants de Kisi et ceux de Nkoïma. Il s’agit d’une injure grave que Kibelamini, un descendant de Kisi avait lancées à Ikama, fils de Nkoïma.
Ce dernier décida de retourner vers le Nord. Kimbelamini s’y opposa et une guerre éclata entre les deux lignées lega qui se termina par le massacre de plusieurs hommes d’Ikama. Mais, Kibelamini fut défait et tué par Bombwe, fils de Kisala et petit-fils d’Ikama.
Enfin, il y avait l’hostilité entre les Bakumu (limitrophes des Balega) et les Balega. Comme on peut le constater, l’unité lega se perdait de plus en plus au fur et à mesure que l’on s’éloignait de l’ancêtre légendaire Lega et que les migrations continuaient. C’est peut-être cela qui a poussé Delhaise à dire que les Balega connaissent dans l’ancien temps un pouvoir centralisé avec un chef unique. Dans son livre « Les Warega », il écrit notamment : « on a souvenance, chez les Warega, de l’existence dans les temps très anciens d’un chef suprême régnant sur toute la tribu. Depuis très longtemps ce souverain a disparu. »[13]
Mais cette affirmation, cette hypothèse de Delhaise n’est pas confirmée par la tradition orale. Il semble tout simplement que Lega, Kanda-Kanda et autres auraient joué le rôle d’encadreurs pendant les moments difficiles des Balega et non celui de puissants chefs.
Il y a eu trois groupes de migration constitués lors de la dispersion :
Le groupe Nkoïma et Beya se sont installés dans le bassin de l’Elila après avoir traversé les chutes de Kakolo. D’autres branches Nkoïma et Beya ont continué leur route jusqu’aux regions salines de Kihembwe etr de Kama. D’autres encore se sont fixés sur le plateau de Kalole :
- La première fraction du groupe Kisi (composée principalement des Balega ou Banamwenda actuels et de quelques groupes claniques de la Zone de Mwenga), a traversé la Lugulu. Apres un très long séjour dans le pays Kumu, Kwame, Nyanga (Walikale) et Tembo (Kalehe), les Bakisi sont arrivés aux sources des rivières Lowa, Lugulu et Ulindi ;
- La seconde fraction du groupe Kisi, composée de Kyunga, Gabo, Igala, et Ngoma, a quitté Kakolo, après avoir vaincu définitivement les Bamituku, pour s’installer dans la région basse de Shabunda. Il semble que le chef Kimbimbi des Bamituku fut capturé et noyé dans la Lugulu. Ils seraient partis pour fuir la revanche éventuelle des Bamituku.
- En ce qui concerne la répartition des descendants de Kisi, ancêtre des Bakisi actuels, fils ainé de Kenda-Kenda et petit fils de Lega, elle s’est effectuée de la manière suivante :
Kyunga s’installa en amont de la rivière Lugulu, ancien emplacement de son grand père Kenda-Kenda ;
Muguba s’installa près de chutes de Kankina, appelées plus tard Musweli, au Nord-Ouest du ment Ikozi ;
Liga, Alias Mwenda alla se fixer d’abord au Nord de la Lugulu (Musweli). Par après, il se rapprocha de l’Ulindi pour s’établir de deux côtés de cette rivière aux environs de Mulungu et vers le Sud, jusqu’à la limite du bassin de l’Elila. Les Baliga se sont dirigés vers le Sud jusqu’au pays des Wazimba puis se sont tournés vers l’Est jusqu’à l’Ulindi supérieur.
« Ils auraient chassé à ce moment les Banyambongo de la branche Ngweshe, de leur montagne Migele et auraient repoussés vers le lac Kivu. »[14]
D’autre part, SABIYA, établit une généalogie des Balega depuis la dispersion de Kakolo, dans laquelle Bungo, ancêtre éponyme des Banyabungo serait un des nombreux fils des Lega.[15]
La voici :
LIGA, MUGUMBUGUMBU, BEMBE, MWENDA, BULAMBO, KENDA-KENDA, BUNGO, KIUNGA, IKAMA, BEYA, LUSANGA, BEBE, etc.
Il écrit notamment : « les Benia-Bungo ne sont pas tels qu’on le prétend, d’origine Bashi bien qu’ils vivent aujourd’hui côte à côte et même en plein pays du Bushi. Les descendants de Bungo, fils de Lega, s’étant installés dans la région de la Haute Ulindi, avaient formé les Benya-Bungo. On entend par là les groupes Banyintu (Nya Burinyi). »[16]
Plus loin, Sayiba dit que Kabare Kaganda, qui est Munyabungo, (Munyintu), a usurpé le pouvoir au Bushi et ce sont ses descendants qui règnent jusqu’à maintenant au Bushi.
Voici-il écrit : « ce dernier (Kabare Ka ganda) revenant de la chasse tout mouillé, surgit dans un village Shi où il trouva un mwami entouré de ses sujets autour du feu. Celui-ci par imprudente hospitalité céda la chaise à l’étranger lega.
Par ce fait les gens dirent : nous acceptons le nouvel homme comme mwami car notre mwami lui-même lui a cédé sa chaise symbole de son pouvoir. Désormais l’étranger devint mwami des Bashi. »[17]
Que dire des affirmations de Corbisier et de Sabiya ?
L’affirmation selon laquelle les Banyabungo de Ngweshe auraient été chassés de leur montagne Migele par des immigrants liga (du groupe Kisi) nous parait invraisemblable. En effet, au cours de nos enquêtes nous avons interviewé les vieux du montagne Migele. Ils ne signaleront nulle part les traces des Banyabungo dans leur pays.
Gratuite aussi nous semble l’affirmation de considérer Bungo, ancêtre éponyme des Banyabungo, comme un des nombreux fils de Lega. Partout où nous sommes passés, les Balega n’admettent pas la généalogie des migrations secondaires tracée par Sayiba.
Quant à l’appellation Banyabungo, elle tire son origine du Rwanda. L’histoire nous apprend que les Bashi actuels vivaient jadis au Rwanda au début de la domination tutsi. A un moment donné, ils parvinrent à se libérer du joug tutsi. Ainsi, ils traversèrent la Ruzizi et s’installèrent dans le Bushi actuel. Cependant vers le XIIIe siècle après Jésus-Christ, un prince du Rwanda, le nommé Kanyabungo, à qui son père ou son grand père avait légué les terres du Bushi actuel poursuivit les fuyards shi pour les soumettre.[18]
C’est probablement pour cette raison que les Banyarwanda ont appelé les prétendus sujets de Kanyabungo, Banyabungo. C’est ce que Njangu nous explicite dans le passage suivant : « … à ce stade, un non commun s’impose aux bashi, leur pays Bushi et leur chef Bashi. Ce nom peut provenir aussi des Baluzi. Nous avons reconnu que le prince Tusti qui est venu pour conquérir le royaume s’appelait Kanyabungo ; il est ainsi appelé dans cette littérature parce qu’est nommé, pour ainsi dire, roi des Banyabungo. C’est par ce nom que les Banyarwanda désignent les Bashi. Il signifie très probablement ceux qui ont déménagé. Mais en réalité les groupements errants fuyant devant les flèches des Batutsi n’avaient pas de nom commun.
C’est donc en se constituant en groupe organisé qu’ils se sont trouvé un nom. Ce nom peut être le même qui était utilisé par les Banyarwanda, c’est-à-dire, Banyabungo car nous le trouvons connu jusqu’au Buganda et au Sud de l’Urega. »[19]
Les Barega ont connu cette appellation « Banyabungo » au cours de leur séjour dans la région de Bunyakiri (Kalehe), laquelle est voisine du Bushi.
En ce qui concerne l’avènement de Kabale Kaganda, celui-ci est un clan Banamoca originaire de la Haute-Ulindi et de la dynastie Baluzi qui a régné sur les Bashi. Kabale Kanganda n’est pas d’origine « Munyabungo » ou « Munyintu » comme le prétend Sayiba.
Il faut aussi noter qu’il y a eu des migrations partielles des Bashi dans les régions voisines. Le document suivant nous le montre clairement : « … differentes fractions des Bakisi se trouvaient scindées géographiquement de la tribu : les Bana Keigo (Elila) ; les Bana-Misisi (Elila), les Bana-Kabunga (Kunda) qui sont des Bamuguba st les Banabalo (Elila) constituant la branche ainée des Bakyunga.
… le commissaire de district Ledocte déclare qu’il ne serait pas difficile de rattacher à la chefferie Bakisi les Balobola de Kiendamina (Gandu), les Ba-Kaseile de Kandolo et de Pene Kibonge englobés actuellement dans la chefferie de Wakabango. »[20]
SECTION II : ORIGINE ET DISPERSION DES BALEGA SELON LES SOURCES ECRITES
- Moeller.
Le mouvement migratoire des Balega a débuté au XVIIe siècle, peu après la formation du royaume de Bunyoro par les Nilotiques, en remplacement des Tchwezi ; les Tchwezi déchus auraient quitté le territoire entrainant avec eux des groupes bantu parmi lesquels on note les Balega.
Suivant la carte tracée par Moeller, le groupe lega aurait quitté la vallée de Muzuzu dans le royaume de Bunyoro en Uganda au XVIIe siècle. Ils auraient pris la direction de l’Ouest jusqu’à la rivière Semiliki où le groupe se sépara :
Un petit groupe continue sa route vers la région de l’ouest pour s’installer au Nord-est de la région de Gety. Tandis que l’autre groupe, le plus important, se dirige vers le Sud-ouest. Il longe d’abord la chaine occidentale des montagnes de l’Est, passant par le pays du Banande, de Beni et de Lubero.
(…) les vagues Balega traversent ensuite le territoire des Banyanga, en territoires de Walikale et Masisi, puis le territoire de Kalehe chez Batembo. A partir du pays des Batembo les contingent Balega prennent progressivement la direction du Sud-ouest. Ils traversent les confluents de la Lowa. Ils suivirent la forêt traversée par la Lugulu.
Ils atteignent enfin la plaine de Shabunda. Ils poussent alors vers la région de Basse-Ulindi, à Kakolo, au confluant de l’Ulindi et de la Ligulu.[21] De Kakolo, les différents groupes lega se répandirent dans le Bulega actuel.
- Nicolas de Kun.
Dans son livre « L’Art lega », de Kun écrit à propos des migrations des Balega ce qui suit : « selon les chroniqueurs de la cour du Rwanda, de féroces guerriers lega venant du Sud-ouest de l’Uganda auraient franchi la plaine s’étendant du lac Edouard aux volcans ; ils auraient attaqué au XVIIe siècle les avant-postes rwandais de Rutshuru pour pénétrer vers le Maniema où la pointe de cette percée aurait divisé en deux, en Songola et Zimba, la tribu Binja qui les auraient précédés. (…)
Selon la tradition orale des lega occidentaux, ils auraient même franchi le fleuve près de Kindu ».[22] Les Balega auxquels on fait allusion ici seraient probablement ceux constituant les clans « Balega du Bushi-Bukavu ».
De son côté, JAN VANSINA souligne que les Lega sont le plus anciens dans la région qu’ils occupent que les pasteurs shi du Kivu, ils doivent donc s’y être installés avant le XVIe siècle, date à laquelle la présence shi est signalée dans la région.[23]
Il semble également que les Balega sont arrivés dans leur région avant que les pygmées n’aient pu s’y répandre. Les Balega n’employaient ni arc, ni flèche, or, l’arme caractéristique des pygmées est précisément l’arc et jamais les Balega n’auraient pu les détruire sans adopter eux-mêmes cette arme. Il faut avouer que l’arme des Balega était « extrêmement primitive : un large couteau à bout arrondi. Contrairement aux autres régions de l’Afrique centrale, il faut admettre que dans l’Ulega ce sont les Bantous qui ont devancé les pygmées. »[24] Toutefois, les Balega de Mwenga reconnaissent avoir rencontré les pygmées dans les monts Itombwe qu’ils ont défaits et assimilés du reste. Ceci est confirmé par le passage suivant : « sur leur territoire les envahisseurs Lega auraient trouvé des pygmées dispersés, qu’ils ont assimilés, tout au mois en partie, comme le montre leur faible taille moyenne, surtout dans les monts Itombwe au Sud de Mwenga. »[25]
Pour synthétiser ce chapitre retenons que tous les informateurs sont unanimes à localiser le berceau des Balega au Nord de la région qu’ils occupent actuellement (Bunyoro) mais les avis sont partagés quant à l’itinéraire qu’ils ont suivi pour s’installer dans leur emplacement actuel.
L’hypothèse qui fait venir les Balega du nord en passant par l’ouest nous parait la plus vraie, car elle est citée et connue par la plupart des Balega. En conclusion de Moeller et de Nicolas de Kun qui ont estimé que les Balega ont emprunté la voie orientale pour atteindre leur région actuelle proviendrait du fait que les Balega (les Bakisi) ont séjourné pendant longtemps dans le pays de Nyanga (Walikale) et dans la région environnante du Bushi (Bunyakiri). Et, il n’est pas impossible, qu’ils aient livré une guerre féroce contre les Bashi avant de s’étendre dans le Bulega actuel.
D’autre part, l’autorité politique qui semblait forte ou plutôt unique au départ s’est morcelée avec les migrations et les guerres intestines. Et aujourd’hui on trouve neuf groupes Lega :
Les Basile, s’étendant dans les environs immédiats de la localité des centres de Mwenga dans la Zone de Mwenga ;
Les Wamuzimu, autour des centres de Kamituga et de Kitutu dans la Zone de Mwenga ;
Les Bakisi, occupant le centre de Shabunda, Matili, Kigulube, Lulingu, Mapimo, Mulungu dans la Zone de Shabunda ;
Les Bakabango (groupe A) dans le centre de Kakole, Penekusu, Zingu, Itula, Lusenge, Ngoma et Museme en Zone de Shabunda ;
Les Bakabango (groupe B) dans les centres de Kayuyu, Kampene, Biumbutu et Samueli, en Zone de Pangi ;
Les Ikama, dans les centres de Kama et les régions de la cours inferieur de la rivière Kama ;
Le Babene, autour des centres de Moyo, Wandemba et Pangi dans la Zone de Pangi ;
Les Beia, occupant les regions autour de Sabyazo-Kibila, Kalima, Lubile, Kibonge et Kyelu, Kisanga, Misisi, Zone de Pangi ;
Les Bakano, ethniquement faisant unité avec le groupe Bakisi, mais administrativement vivant dans la Zone de Walikale, dans la région de Kabunga.[26]
Voici la généalogie légendaire des Balega
I ère variante :

II ème Variante :

Lega apparait parallèlement à Lulimba sans parenté définie.
III ème Variante :

VOICI LA GENEALOGIE DES BALEGA FOURNIE RECEMENT PAR LA TRADITION ORALE

DEUXIEME PARTIE : EVOLUTION SOCIALE DES BAKISI
CHAPITRE I : ORGANISATION CLANIQUE
SECTION I : LA FAMILLE
La famille kisi ou lega en général déborde le cadre nucléaire. Elle débouche sur une conception large. En plus du père, de la mère et des enfants, la famille kisi comprend des oncles, des tantes et des grands parents. Les enfants pris à la guerre sont adoptés et reçoivent le même statut et les mêmes soins que les autres enfants de la maison. Ce fait peut être expliqué par l’absence de l’esclavage chez les Balega. Voyons ce Delhaise écrit à ce sujet :
- « Mais les prisonniers de guerre ?
- On les tuait ou on les mangeait.
- les femmes ? On les amenait, et ces étrangères jouissaient bientôt de la même considération que les femmes du village, elles se trouvaient dans la même condition sociale.
- Et les enfants ? On les adoptait ; ils se confondaient avec les enfants de la famille. »[29]
Une harmonie parfaite caractérise les relations familiales. Les rapports parents-enfants sont des rapports d’amour et d’affection. Ils éduquent les enfants de façon qu’ils puissent devenir des hommes adultes capables de les remplacer dignement après leur mort. Aux conseils moraux s’ajoutent des épreuves physiques pour la formation de la personnalité des enfants. D’ailleurs, les enfants assistent et parfois participent aux activités des adultes en tant que futurs successeurs de ces derniers.
En échange, les enfants doivent respect et obéissance inconditionnés à leurs parents et aux supérieurs. Ils entretiennent les vieillards et les infirmes par leurs services et cadeaux.
Bref, appelés à prendre la relève de leurs parents, les enfants doivent bien se comporter en vue de bénéficier de la bénédiction des ancêtres par le canal des vieux.
La femme mariée continue à faire partie de la famille élémentaire. Quoique étrangère à la famille de son mari, elle est respectée. Elle n’occupe pas une position marginale dans la mesure où à part ses activités ménagères elle participe à la chose publique.
Elle est présente dans les réunions de la communauté clanique de son mari et peut gravir les degrés de la hiérarchie sociopolitique du bwami. Impressionné par le rôle que la femme joue dans la société lega, Delhaise écrit :
« Si l’on doit mesurer le degré de civilisation d’un peuple au respect dont il entoure la femme, les Warega méritent d’occuper une place d’honneur parmi les Nègres africains. »[30]
SECTION II : LE CLAN
Le clan est l’unité sociale de base. Par clan nous entendons un ensemble d’individus ayant un ancêtre commun souvent mythique en ligne paternelle ou maternelle.[31]
Les Bakisi et les Balega en général pratiquent le régime patrilinéaire. La structure sociopolitique est du type segmentaire. Généralement, le clan se divise en une série de lignage. Les membres d’un lignage se réclament d’un ancêtre fondateur commun réel et jamais mythique.[32] Ils habitent soit un village soit des villages voisins. Un homme adulte marié qui se querelle continuellement avec les membres de son lignage peut les quitter et s’établir dans un autre lignage du même clan ou tout simplement fonder son propre village avec les siens.
Quoique territorialement divisés les membres d’un clan ont la conscience d’appartenir à une même communauté et demeurent unis.
Ecoutons BIEBUYCK à ce sujet : « le clan des Balega, basé sur une stratification de huit à onze générations, et si on nous permet ce terme, une entité fissipare c’est-à-dire qu’il se perpétue en se scindant en segment toujours plus nombreux et plus petit que les Balega appellent Kébundu, Bukolo, Kékalo, Kabanda, Ibele, Mulula, Kelombo. Ce processus de momification de branches, a ceci de particulier que toutes les lignées ainsi formées continuent d’être structurellement liées. »[33]
Mais, qu’est ce qui peut expliquer la solidarité lignagère et clanique chez les Bakisi ? Essentiellement la culture. Comme nous le verrons plus loin l’élément unificateur des clans kisi et lega en General c’est l’institution sociopolitique du bwami.
D’ailleurs, cette segmentation est inhérente à la mentalité à la mentalité des Balega. L’homme lega est épris d’indépendance et de liberté. Il ne supporte aucune forme de domination.
Toutes les fois que l’on porte atteinte à sa liberté, ils se révoltent. Cela ne veut pas dire qu’il est rejeté. Il a toujours un mot à dire dans les réunions claniques et prend part activement autant que les autres membres du clan à la chose publique. C’est ce que Verhaegen nous explicite dans le passage suivant : « les Warega ont avant tout un besoin fondamental de se sentir libres. Chacun désire se libérer de toute emprise que quelqu’un d’autre voudrait exercer sur lui. Chacun veut se sentir autonome avec ses femmes et ses enfants. Cette attitude, les Warega la manifestent partout et contre n’importe qui… »[34]
Pour résumer ce chapitre, nous pouvons affirmer que sur le plan familial nous avons une famille étendue. Les parents ont le devoir de préparer ont le devoir de préparer leurs enfants à la vie adulte. Les enfants imitent leurs prédécesseurs (adultes) considérés comme modèles. Tant qu’ils restèrent enfants les jeunes gens et les jeunes filles devront se soumettre et obéir sans répliquer. Cependant, de nos jours, une certaine tendance au relâchement des mœurs se dessine et même se généralise. L’observance des traditions et des coutumes n’est plus stricte. Souvent, les enfants se dérobent à leurs devoirs vis-à-vis des supérieurs.
Sur le plan clanique, nus pouvons conclure à l’existence de l’unité sociale kisi et lega en générale et ce, malgré les scissions lignagères et claniques continues. Même aujourd’hui les Balega se sentent culturellement unis. Les coutumes et particulièrement le bwami y sont pour beaucoup.
CHAPITRE II : LA NAISSANCE
Nul n’ignore que la naissance des enfants constitue un événement marquant pour la vie des noirs africains. Chez les Balega et chez les Bakisi en particulier, elle est la raison d’être du mariage.
SECTION I : LA GROSSESSE
Chez les Bakisi l’apparition de la grossesse surtout la première constitue le couronnement de la gymnastique sexuelle que les époux ont faite une certaine période durant. C’est à ce titre qu’elle est considérée comme un grand événement. Non seulement elle prouve la puissance du couple mais aussi marque une étape considérable pour l’intégration totale des époux dans la société.
Une confidence certaine entoure la grossesse au départ. Ensuite, le mari est appelé à informer officiellement sa famille. Ce n’est qu’après cela que le fait est connu du public. A la question de savoir pourquoi il est défendu de faire allusion à la grossesse aux deux premiers mois, les Bakisi répondent : « c’est pour éviter que les sorciers détruisent le fœtus avec leurs moyens maléfiques. »[35] Bien entendu, l’on croit que le fœtus est sujet à destruction dans les premiers mois.
En plus, l’interdiction est faite pour la femme de manger un certain nombre d’aliments, une certaine catégorie du gibier, du poisson etc. tous ces interdits vise à accoucher des enfants vigoureux et robustes et non des chétifs. D’autre part, pendant la grossesse, ni la femme ni l’homme ne peut accorder ses faveurs à une autre personne que son conjoint. Si tel était le cas, la femme et son enfant mourraient pendant l’accouchement. Même à l’heure qu’il est l’observance de ces interdits reste stricte.
SECTION II : ACCOUCHEMENT
- Accouchement ordinaire.
Par accouchement ordinaire, nous entendons la mise au monde d’un seul enfant. Cet accouchement a toujours lieu en dehors de l’habitation conjugale, dans une maison construite à cet effet. La porte de la maison est tournée vers la foret et non vers le village. Ceci pour qu’aucun homme ne puisse y regarder.
Lors de l’accouchement, la femme en douleurs est assistée de sa belle mère, de sa mère ou de sa sœur ainée. Une femme sage ayant déjà eu plusieurs enfants remplit les fonctions d’accoucheuse. Ce sont elles qui conduisent la femme à cet endroit aux premières douleurs.
Comment la femme accouche-t-elle ?
« La femme accouche habituellement assise sur un tronc d’arbre couché en travers de la maison, et pour aider la jeune mère, l’accoucheuse lui passe une étoffe pliée en lanières sous les reins et lui donne un mouvement de va et vient. »[36]
Le cordon ombilical est coupé en deux : une partie reste attachée à l’enfant et une autre est soigneusement cachée dans la foret car personne ne peut la voir. Toute négligence dans ce domaine pourrait porter atteinte à l’existence de l’enfant. Au bout de trois ou quatre jours, le cordon ombilical resté attaché à l’enfant tombe. La mère l’enveloppe et le pend avec une ficelle au plafond de la cuisine au dessus du feu. Apres quelques temps, la ficelle se brise et tout tombe dans le feu. Personne n’est autorisé à en parler.[37]
Les autres femmes du village ne peuvent rendre visite à leur voisine qu’après l’accouchement.
Au retour au village, après trois ou quatre jours, le père de l’enfant doit récompenser l’accoucheuse appelé « musama » et toutes les femmes qui ont assisté son épouse. Jadis cette récompense consistait en poules essentiellement. De nos jours, le père offre en plus des poules, des étoffes, des couvertures, des casseroles…
Pendant tout le temps de l’allaitement (environ une année), les époux s’abstiennent des rapports sexuels. Pour Delhaise, cet acte traduit une haute moralité sexuelle des Balega. « L’atmosphère de la morale sexuelle des Warega est, en somme d’une pureté d’assez belle qualité. On y respire un certain air de chasteté auquel on n’est guère habitué en cette Afrique brulée par la passion déréglée et corrompue par le chancre arabe. »[38]
En réalité, ce qui explique cette longue période d’abstinence sexuelle c’est d’abord la peur d’empoisonner le lait maternel. En effet, si les parents ont des relations sexuelles, le sperme de l’homme passe dans le lait maternel, et est poison pour l’enfant. Il est peut le rendre malade. Ensuite, étant donné que l’on doute de la fidélité conjugale du mari, ses relations sexuelles extraconjugales peuvent être nuisibles à son épouse en cas de partage de la même couche conjugale.
Il va sans dire que l’espace inter génésique des Bakisi datant est raisonnable : trois ans.
Il est devenu de cinq ou six ans lors de l’invasion arabe du pays lega. Ceci est dû à l’insécurité qui régnait partout à cette époque. De nos jours, les jeunes couples kisi, influencés par la modernité et les tribus voisines ne se conforment plus à ces observances traditionnelles. L’espace de naissance dans la plupart des foyers est devenu d’une année et demie. Comme conséquences, la mortalité infantile est très élevée et les femmes vieillissent vite.
Il arrive quelque fois que l’accouchement soit difficile. Ce fait est attribué à la méconduite de la femme ou de l’homme ou de ces deux à la fois pendant la grossesse. Quant à la femme, elle doit designer nominativement tous les hommes avec lesquels elle a eu des rapports sexuels et si non elle mourra en accouchant ou avant d’accoucher d’une maladie appelée « mpinde ».
En ce qui concerne le mari, il doit énumérer les noms des femmes avec lesquelles il a couché pendant la grossesse de son épouse sinon cette dernière mourra des mpinde.
Jusqu’à ce jour, les Bakisi continuent à faire confiance aux mpinde. Ce qui explique les relations sexuelles de certains époux sont disciplinées autours du berceau de l’enfant dans une certaine mesure.
- Accouchement des jumeaux.
La naissance des jumeaux est considérée comme quelque chose d’extraordinaire. Autrefois, on voyait en eux des mandataires d’ancêtres qui venaient surveiller l’usage des us et coutumes. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’obligations en découlent. Ainsi, pendant les premiers mois (jusqu’à la poussée de la première dent), on leur offrait une partie du gibier qu’on attrapait, du poisson qu’on péchait…
Si pour la naissance d’un enfant, il n’existe pas de cérémonie, pour la naissance des jumeaux il en existe une. Elle est du type obscène. Durant une semaine, le village entier danse à l’honneur des jumeaux ? Tout participant à la danse doit offrir au préalable quelque chose aux jumeaux. Les offrandes qu’on leur offre sont chaque fois en double.
Une autre caractéristique qui distingue la naissance des jumeaux de celle d’un enfant est qu’après la naissance des jumeaux, la mère rentre le même jour au village alors que pour la naissance ordinaire le retour se fait trois ou quatre jours après.
Quant aux parents, cet événement apporte une grande joie. C’est aussi preuve de leur force virile. Ainsi, pour manifester sa joie, le père, à l’annonce de la nouvelle, s’expose complètement nu, assis devant la porte, les jambes écartées.[39] Par cet événement, les parents acquièrent des droits qui sont refusés à d’autres. Ils ne sont plus taboués ou plutôt ils sont soustraits de certains interdits.
Ainsi, le couple peut insulter n’importe qui sans que cela soit considéré comme un scandale. Dans le même contexte, la femme peut appeler ses beaux-parents par leurs noms de naissance alors qu’en cas normal elle ne pourrait pas se le permettre.
Aujourd’hui l’influence du christianisme a atténué des pratiques telles que s’exposer nu en public, injurier, mais, malgré tout, les jumeaux continuent à bénéficier des soins particuliers et demeurent sujets à curiosité.
SECTION III : LE STATUT SOCIAL DE L’ENFANT
Chez les Bakisi tous les enfants ont le même statut social. Toutefois, une certaine préférence est donnée aux garçons. La raison est simple : les garçons sont appelés à perpétuer la famille. Pour ce faire, ils sont préparés à prendre la relève de leurs pères. L’éducation qu’ils reçoivent est centrée sur les responsabilités futures qui les attendent. Quant aux filles, quoiqu’attachées socialement à leurs familles après le mariage, elles en sont séparées physiquement. Leur séjour au sein de la famille est donc passager et par conséquent le rôle qu’elles jouent au sein de la famille est limité.
Bien que patrilinéaire, les enfants kisi appartiennent à la famille soit du père soit de la mère. Ce qui détermine l’appartenance de l’enfant à une famille c’est la dot. En effet, un enfant né d l’union libre appartient à l a famille de la mère et jouit de la même considération que les autres enfants de la famille. En outre, si de la cohabitation d’un couple naît un enfant avant que la dot soit versée à la famille de la fille, il appartiendra à la famille de sa mère. Si son père tient à l’avoir, il devra payer une double dot :
- Une pour mériter la femme et
- Une autre pour avoir l’enfant.
Pour leurs générations actuelles, la double dot n’est plus de mise étant donné la cherté de la vie. Les parents de la fille s’aperçoivent de plus en plus que l’éducation des enfants (surtout la scolarisation) coûte cher. C’est la raison pour laquelle ils se limitent à une seule dot.
Les enfants naturels n’existent pas. L’adultère n’est, certes, pas encouragée, toutefois, si une fille se méconduit et en devient grosse, ses parents la grondent mais lui pardonnent en dernière analyse. Cela signifie que la fille n’est pas expulsée et son enfant est intégré d’ailleurs dans sa famille. Par contre chez d’autres peuples, les Bashi par exemple, un tel cas est passible de renvoi de la fille du toit familial.
Ceci explique en partie la délinquance féminine beaucoup plus prononcée chez les Balega que chez leurs voisins Bashi.
A l’heure actuelle, les Bakisi qui vivent dans les centres urbains, sanctionnent sévèrement ce genre de cas pour garder leur honneur, par imitation des autres et compte tenu du coût de la vie. L’influence du christianisme diminue aux villages la débauche.
SECTION IV : EDUCATION DES ENFANTS
Elle se donne séparément selon qu’il s’agit de filles ou de garçons.
Les jeunes filles sont encadrées par leurs mères, grandes sœurs, tantes, grand-mères et les femmes sages du village. La formation consiste en la soumission aux hommes, en l’obéissance aux maris, aux beaux-parents…
L’apprentissage de services culinaires et d’autres travaux ménagers se fait par imitation à force de vire ensemble avec les femmes adultes. En outre, à travers les contes, les proverbes et au moyen d’exemples des femmes adultes, elles assimilent le sens de générosité, de souplesse, de clairvoyance et surtout de chasteté.
Elles reçoivent l’éducation sexuelle de leurs grands-mères. Celles-ci leur enseignent le comportement au lit avec le mari lors de leur mariage, quand il faut s’abstenir des relations sexuelles… l’éducation dure tant que la femme vit. Mais une fois mariée, la fille change d’agents éducatifs. Ces derniers sont des femmes adultes issues la plupart du temps de sa belle famille.
Quant aux garçons, depuis le bas âge ils sont pris en charge par leurs pères et tous les hommes sages du village. Ce sont eux qui assurent leur éducation au barza et en sont responsables. Les leçons sont données aux jeunes gens le soir autour du feu. Ici aussi, à travers les mythes, les légendes, les contes… on apprend aux garçons la manière de se conduire dans la vie : la simplicité, la serviabilité, la franchise, etc.
D’autre part, on les familiarise à l’histoire de leurs clans, de leur peuple mais aussi on les sensibilise aux responsabilités futures qui les attendent dans la société. Le couronnement de cette première éducation juvénile est constitué par l’initiation obligatoire appelé « bwali » par laquelle passent tous les garçons mûrs. Cette initiation qui se matérialise par la circoncision marque le passage de l’enfance à l’âge adulte. Les rites relatifs au bwali ont un caractère secret mais son importance fondamentale réside dans le développement de la personnalité des jeunes gens et dans leur intégration effective dans la société.
Cette formation des Bakisi, amorcée depuis le bas âge, se poursuit jusqu’à la vieillesse. C’est dans ce contexte, comme nous le verrons plus tard, que l’institution sociopolitique du bwami trouve sa signification, celle de parfaire la formation des hommes.
En guise de conclusion, comme dans les autres sociétés traditionnelles africaines, et peut être beaucoup plus, la naissance des enfants et de beaucoup d’enfants est l’idéal d’un couple. Le célibataire n’a pas de place dans cette société. Il est déconsidéré car il n’est pas entièrement homme. Le plus grand malheur d’un foyer c’est la stérilité d’un des conjoints ;
Actuellement, avec l’éducation payante et le coût de la vie, avoir beaucoup d’enfants n’est plus un idéal du moins pour les intellectuels qui saisissent le problème. Quelques enfants suffisent. D’autre part, une certaine tendance à prolonger le célibat existe chez les jeunes cultivés, ce qui était inconcevable il y a quelques années.
CHAPITRE III : LE MARIAGE
Le mariage en Afrique noire unit un groupe de parents à un autre et confère à l’individu un nouveau rôle dans la société lequel consiste en un faisceau de droits mais aussi des devoirs.[40]
SECTION I : LE CHOIX DU CONJOINT
Il incombe aux parents du jeune homme. En effet, lorsqu’un garçon devient mûr c’est-à-dire capable de construire une maison, de cultiver, de chasser…, bref lorsqu’il est à même d fonder un foyer et d’entretenir une famille, son père lui cherche une fille. Le choix tombe de préférence sur une fille qui a un bon caractère et qui est apte aux travaux ménagers. La beauté physique est accessoire. On part du principe : « tel père, tel fils et telle mère, telle fille. »
Les parents du jeune homme choisissent une jeune fille réputée pour sa bonne conduite sur le plan social et moral.[41]
En définitive, dans le choix de la fille, son caractère ainsi que celui de sa famille entrent en ligne de compte. Comme le dit Delhaise, « … des parents acariâtres, querelleurs, insatiables trouvent difficilement à caser leurs filles. »[42]
Les parents du garçon ou plus exactement le père du garçon prend contact avec le père de la fille et jusque là ni la fille n’est mis au courant de cette démarche.
Apres cette première requête, un laps de temps plus au moins long s’écoule avant que les parents de la fille donnent une réponse ; dans l’entretemps, ces derniers se renseignent sur le comportement du garçon et de sa famille. Sur la réponse affirmative, les parents du garçon dépêchent leurs fils pour offrir du gibier à sa future belle-mère. Et c’est seulement alors que le jeune homme découvre sa proposée. Il en de même de la fille.
A l’origine donc, la liberté de mariage n’existe pas. Garçon et fille ne peuvent pas transgresser l’ordre de leurs pères sous peine de malédiction.
Le garçon particulièrement doit se ranger au choix de son père d’autant plus que ce dernier détient les biens dotaux. A cette époque, les biens dotaux qui sont en nature essentiellement et dont nous parlerons plus loin sont censés être détenus par les vieux.
Autrefois, les Bakisi conçoivent le mariage comme une union entre deux groupes de parents différents. Groupe doit être pris ici au sens large.
De nos jours les jeunes gens se libèrent de plus en plus de la mainmise de leurs parents. Ils choisissent leurs conjoints avec ou sans le consentement des parents. Cette libéralisation dans le choix du conjoint trouve son explication dans la facilité que les jeunes gens ont de rassembler d’eux-mêmes la dot. Ils peuvent se passer des vieux dans la mesure où la dot en nature étant remplacée par celle en espèce, les jeunes gens se procurent plus facilement de l’argent que les vieux.
Si dans le temps, le mariage est virilocal et exogamique mais toujours au sein de l’ethnie, actuellement ou se marie parfois en dehors de la tribu. Dans quelle mesure les coutumes de la tribu de la tribu du garçon ? La réponse à cette question est délicate et justifie l’inquiétude des vieux (représentants du monde traditionnel).
SECTION II : LES FIANCAILLES
De même que pour le choix du conjoint le rôle des parents est important, de même les fiançailles sont en gros l’œuvre des familles du garçon et de la fille. Les intéressés dans le cadre de leurs familles respectives prennent part à ce phénomène de fiançailles, comme le dit KABANDA : « Les fiançailles durent le temps nécessaire pour permettre aux futures conjoints d’atteindre leur maturité au cas où ils seraient fiancés très jeunes, et au cas où les fiancés seraient déjà arrivés à la maturité, les fiançailles durent le temps nécessaire pour permettre surtout aux parents de la jeune fille de préparer celle-ci à la vie conjugale et éventuellement permettre aux beaux parents de connaitre leur belle fille ou leur futur gendre au cas où ils ne se connaitraient pas encore. »[43]
Bref, les fiançailles chez les Bakisi dans le temps, sont une occasion pour les futurs époux non de se connaitre directement mais plutôt de se connaitre par le truchement de leurs parents.
Comment cela des concrétise-t-il par les faits ?
Pour la famille du jeune homme c’est l’occasion de montrer ce qu’elle est capable. Régulièrement le garçon séjourne à sa future belle famille accompagné d’ailleurs de quelques membres de sa famille ou lignage. Ceci pour montrer l’esprit d’entente, de solidarité et d’organisation qui règne au sein de son lignage. Là, ils s’occupent à construire des cases pour leur belle-mère et leurs belles-sœurs (grandes sœurs de leur future épouse). Ils cultivent également des champs et chassent des animaux sauvages.
Dans toutes ces activités le prétendant doit se distinguer. Son dévouement au travail, sa persévérance, son courage, sa personnalité dégagent de ces épreuves.
Pendant la durée de ce stage qui peut s’étaler sur un mois, il n’y a pratiquement pas d’entretiens entre le garçon et la fille. Tout au plus, cette dernière apporte de la nourriture, de l’eau aux hôtes de marque et prépare leurs lits. Le garçon ne peut prendre contact qu’avec son beau-père, ses beaux-frères, ses belles-sœurs (petites sœurs de la fille) et de ses grands parents. Il doit se conformer à ne pas s’entretenir avec sa belle-mère, ses belles-sœurs (grandes sœurs de la fille) considérées aussi comme des belles-mères et dans une certaine mesure avec sa future épouse.
En ce qui concerne la fille, elle est invitée généralement en période de semence et de récolte dans sa future belle-famille pour aider sa belle-mère. Elle s’occupe pendant cette période des travaux domestiques à part ses occupations de champs. Ces visites régulières sont une occasion pour les membres du lignage de se familiariser à elle mais surtout de connaitre son caractère et sa conduite. Les contacts avec son futur mari et le monde mâle en général son quasi-inexistants.
Résumant les comportements de la jeune fille et du jeune homme envers leurs futurs beaux-parents en Afrique noir Kabanda dit : « La jeune fille a, vis-à-vis de sa future belle-mère les mêmes relations qu’envers sa propre mère tandis qu’elle ne peut jamais donner la main à son futur beau-père, ni entrer dans la maison lorsqu’il s’y trouve.
Le jeune homme de son coté, considère son futur beau-père comme son propre père tandis qu’il doit beaucoup plus de respect à sa future belle-mère. Il ne peut jamais lui donner la main ni la regarder ni entrer dans la maison lorsqu’elle y est.
Les futurs beaux-parents ont vis-à-vis de leurs futurs beaux enfants le même comportement que ceux-ci ont à leur égard. Ils les considèrent comme étant leurs propres enfants. Ces relations se poursuivent aussi longtemps que dure le mariage. »[44]
Quant aux rapports entre futurs beaux-parents, ils sont essentiellement amicaux.
La durée des fiançailles varie selon que la fille est oui ou non mûre. Dans le cas normal (c’est-à-dire si les fiancés son adultes), la durée est d’environ six mois.
Actuellement l’esprit des fiançailles continue à être respecté dans les conditions normales au village. Si le garçon œuvre loin du village de la fille et qu’il ne peut séjourner longtemps à sa future belle-famille, seule sa famille se charge des formalités de mariage. Parfois aussi, les jeunes gens aisés brulent les étapes du mariage à cause de la cupidité du père de la fille. Mais ce genre de mariage est généralement désapprouvé par la coutume traditionnelle.
SECTION III : LA DOT
- Signification.
La dot, chez les Bakisi d’antan, revêt une signification symbolique. Il s’agit d’une compensation de la famille de la fille pour le transfère d’une de leurs membres à la famille du garçon. Elle ne constitue pas du tout un achat car la fille, quoique mariée, continue à appartenir à sa famille d’origine. La dot constitue une sorte de caution remboursable en cas de divorce.
Ici, le mariage doit être conçu comme la prolongation de la famille d’origine des conjoints et non la fondation d’une nouvelle famille. D’ailleurs, les droits de l’homme sur son épouse sont très limités.
S’il arrive que l’homme maltraite sa femme, la famille de celle-ci peut intervenir et peut même casser le mariage en restituant la dot.
Comme je l’ai déjà dit, la dot constitue essentiellement un gage de la stabilité du mariage et l’amour que le jeune homme manifeste envers la jeune fille. Mais on peut se poser une question : quel est l’usage de la dot chez les Bakisi traditionnels ? Elle sert à faire remplacer la fille mariée. Grace à la dot de sa sœur, le frère peut épouser une fille. Cette dernière remplace sa sœur. La dot n’est nullement un moyen de s’enrichir.
Avec l’introduction du bwami au XIXe siècle, les biens dotaux ont été destinés à d’autres fins. Un profane désireux de s’installer au bwami ou un mwami désireux d’accéder à un grade supérieur devenait de plus en plus avide pour donner sa fille en mariage. Jusque là seule la famille du prétendant proposait le montant de la dot, ce qui était presque toujours accepté. Mais suite à ces nouveaux changements c’est la famille de la fille qui fixe le montant de la dot. Le montant est en général exorbitant.
La dot, depuis l’introduction du bwami chez les Bakisi, perd de sa valeur symbolique. Toute fois, l’influence de la famille de la fille sur celle du garçon demeure forte.
L’arrivée des Européens a accentué la cupidité des parents de filles. En effet la dot en nature a été remplacée essentiellement par la dot en espèce.
Cet argent a servi à des usages multiples : payer l’impôt, acheter des articles dans les magasins des Blancs, se marier, célébrer le bwami…
Le problème de la dot se pose avec acuité pour les filles intellectuelles. Les parents ont tendance à comptabiliser les dépenses faites pour l’instruction de la famille. Et c’est au prétendant à restituer globalement ces dépenses dans la dot. Cependant, les filles se rebellent généralement et se marient sans suivre la procédure normale au grand mécontentement de leurs parents.
Tout en aimant leurs filles mariées et en les considérant comme membres à part entière de la famille nucléaire, les parents sont devenus de plus en plus exigeants pour satisfaire à ces divers besoins créés par l’influence européenne.
- Biens matrimoniaux.
Les biens dotaux donnés marquent un tournant au processus du mariage. Ils le rendent légitime.
D’abord ces biens matrimoniaux ont consisté en :
- Coquillages terrestres. Il s’agit de rondelles qu’on enfile à partir des coquillages d’escargots. Ces coquillages (cauris) constituent la monnaie lega d’autrefois, du reste.
- Chèvres, moutons et chiens. En ce qui concerne le chien, une marque s’impose. Certes, le chien est un bien dotal destiné non à la consommation mais à la chasse. Les Balega en général et les Bakisi en particulier sont un peuple sédentaire mais également chasseur. Contrairement à ce qu’affirment certains gens, les Balega ne mangent pas le chien mais s’en serve pour chasser les animaux sauvages. Quant à la chèvre et au mouton, ils sont rarement consommés. Les bami au cours de leurs cérémonies en égorgent quelques uns. On en tue aussi à l’occasion d’une visite de marque ou au cours des grandes fêtes.
- Objets en fer : haches, lances, machettes, couteaux. On utilise ces instruments pour cultiver, pour chasser et pour guerroyer.
Les bami, malgré les abus, n’ont rien ajouté aux biens dotaux.
Avec l’arrivée des Blancs, la monnaie a été incluse dans les biens matrimoniaux. Elle a pris le dessus sur les autres biens et aujourd’hui, elle constitue à elle seule le principal bien dotal. Actuellement, toutes sortes d’articles : radios, pantalons, chemises, chaussures, couvertures, draps, casseroles, assiettes, etc. servent des biens dotaux.
Chez les Bakisi, il faut noter que la dot qu’on donne à la famille de la fille pour l’obtenir en mariage ne constitue qu’une tranche. Le mari s’efforce de parfaire cette somme (dot) toute la vie du mariage durant. C’est-à dire qu’il n’y a pas de montant définitivement fixé pour le mariage. Autrement dit, la première tranche de la dot est la plus significative mais non la seule. Le mari essaie de satisfaire à toute demande de sa belle-famille dans la mesure du possible.
D’autre part, la fille avant de regagner le toit conjugal collecte un certain nombre de biens : des poules, du poisson fumé, de la viande boucané, des pattes d’arachide, une à deux chèvres, des cauris (musanga),…
Ces biens sont partagés entre les membres de sa belle-famille et scellent ainsi officiellement la cohabitation.
D’autres unions se réalisent sans passer par toutes ces phases. Il s’agit de :
- Lévirat : c’est le mariage entre un homme et une veuve de son grand-frère décédé. Il arrive aussi qu’un homme épouse une veuve de son père défunt à l’exception bien sûr de sa propre mère. dans l’un ou l’autre cas, la nouvelle union est possible si la veuve a du bon caractère et si elle est travailleuse. Le but du lévirat est surtout d’assurer la sécurité des enfants restés mineurs. Parfois, la veuve choisit elle-même un mari parmi ses beaux-frères.
- Sororat : c’est le mariage entre un homme et la petite sœur de son épouse défunte. Ce mariage est un signe d’estime que la famille de la femme porte à son gendre. Ce mariage est d’autant plus recommandé que la petite sœur de la femme décédée est la personne la mieux placée pour assurer la sécurité et l’éducation des enfants mineurs de sa grande sœur morte. Le veuf ajoute généralement un complément de dot pour acquérir sa nouvelle femme.
- Mariage par enlèvement : il a lieu lorsque les parents de la fille, malgré les garanties fournies par la famille du garçon hésitent à se prononcer directement. C’est considéré comme un acte viril et de fierté dans la mesure où le garçon prouve par le fait même qu’il est aimé par la fille. Si les parents du garçon sont au courant du projet d’enlèvement, ceux de la fille ne le sont pas toujours. Ainsi, avant de verser la dot, les parents du garçon réparent la faute par le payement d’une ou de deux chèvres.
Jusqu’à ce jour ces types de mariage existent. Le mariage par enlèvement est parfois encouragé par la famille de la fille lorsqu’elle est courtisée par un homme aisé. Ceci pour ne pas perdre sa chance.
SECTION IV : FORMES DE MARIAGE
- La monogamie.
C’est la forme la plus rependue et non la plus enviée. L’homme peut se remarier en cas de divorce ou du décès de sa première épouse. Tant qu’il a une épouse à la fois, le mariage est monogamique.
- La polygamie.
Tout Mukisi, jadis, aspire à devenir polygame. Souvent, la polygamie s’explique pour avoir beaucoup d’enfants. Elle est due aussi à la stérilité de la première femme. Il n’est pas impossible que la femme stérile elle-même propose à son mari d’épouser une seconde femme susceptible de lui donner des enfants. Car, ne l’oublions pas, le but de tout mariage chez les Balega, est de perpétuer la famille. Le plus grand malheur qui puisse arriver à un couple c’est de manquer des enfants.
La polygamie est aussi conçue comme une marque de richesse et de virilité : l’idéal c’est d’avoir beaucoup de femmes en vue de produire davantage les récoltes. Dans tous les cas, les femmes n’ont pas horreur de la polygamie. Elles ne demandent pas mieux que d’être très nombreuses ; c’est une preuve de richesse et cela allège leurs travaux.[45]
Les femmes habitent des pièces particulières mais généralement contigües. Une harmonie règne entre elles. Selon leur ancienneté les femmes ont de l’autorité l’une sur l’autre. D’ailleurs, les jeunes épouses pour manifester leur marque de respect à la première, la désignait sous le nom de « maman ».
Le mari traite de façon juste et égale ses épouses. Toutefois, une certaine préférence est accordée à la première. C’est en effet elle qui détient et conserve les biens de son mari. Les enfants ont un statut égal, comme je l’ai déjà dit.
Dans l’ensemble, avant toutes influences étrangères, la polygamie se réduit chez les Bakisi à la bigamie.
L’arrivée des arabes a amplifié la polygamie. Depuis leur arrivée et surtout après leur départ la tendance à épouser plusieurs femmes s’est généralisée. Des gens aisés comme les chefs de clan atteindraient même vingt femmes.
Un autre apport des Arabes, c’est le mariage de fille non encore nubile. Bien sûr, on épousait déjà des filles mineures avant l’arrivée des Arabes. Mais, elles ne cohabitaient jamais avec leurs maris. Avec les Arabes, la cohabitation est autorisée.
Lors de la colonisation belge, les Eglises catholique et protestante ont lutté contre la polygamie et le mariage des filles mineures. Elles ont en partie réussi car la polygamie est en régression. D’autre part des foyers chrétiens ou non se moquent de familles qui acceptent la cohabitation avec les jeunes filles non encore mûres.
SECTION V : LE DIVORCE
Le divorce existe rarement dans la société traditionnelle kisi et lega en général. Lorsqu’un des conjoints est gêné par les agissements de l’autre, il porte plainte auprès de sa belle-famille. Celle-ci prodigue des conseils à son enfant pour le remettre sur le droit chemin. S’il demeure incorrigible, le divorce s’en suit.
Cette mesure extrême arrive notamment lorsque la femme pratique l’adultère. Une femme adultère, surprise en flagrant délit sérieusement battue mais aussi entraine la vengeance de la famille de son mari sur celle de son amant, de son conjoint concubin. Ce conflit ente deux famille se transforme en une guerre entre deux lignages et pourquoi pas entre deux clans. Une femme paresseuse, menteuse et qui injurie ses beaux-parents est répudiée. De même un homme qui se permet d’injurier sa belle-mère est jugé indigne. Par conséquent, sa femme lui est retirée. D’une façon générale, on décide du divorce lorsque tous les moyens de réconciliation s’avèrent vains.
Dans tous les cas de divorce, que l’épouse ait laissé ou pas d’enfants, la totalité de la dot du gendre est restituée. La dot est remboursée directement si la femme est rendue responsable du divorce. Dans le cas contraire, la dot est réclamée à partir du moment où la divorcée est remariée.
Les enfants restent chez leur père. S’ils sont trop jeunes, ils suivent la mère jusqu’à ce qu’ils puissent se passer d’elle.
En résumé, nous pouvons affirmer que chez les Bakisi, le mariage est une affaire qui engage deux familles essentiellement et deux individus accessoirement. Le rôle de chaque membre de la famille se retrouve dans toutes les étapes du mariage :
- Au choix avec ses suggestions,
- Aux épreuves de fiançailles avec sa participation,
- A la dot avec sa cotisation et
- Au divorce avec ses conseils.
Malgré les abus, la dot ne constitue pas un prix d’achat de la fille, laquelle du reste, jouit d’un respect de la part de la famille de son mari et compte sur la protection de sa famille nucléaire. Il s’agit d’un contrat qui unit les familles du garçon et de la fille. Enfin, la dot consacre le mariage ou lien juridique unissant les deux conjoints.
CHAPITRE IV : LA MORT
Chez les Noirs, le mal suprême est la mort, car elle est la plus catégorique de toutes les ruptures d’harmonie ou d’équilibre. Elle est la plus radicale de toutes les diminutions de force. C’est en elle que les autres formes du mal se réalisent au maximum.[46] C’est la raison pour laquelle elle bouleverse la vie des Bakisi.
SECTION I : L’AGONIE
Depuis toujours, lorsqu’un homme est à l’agonie, le village, le lignage voire le clan tout entier entre en crise. On recourt à tous les procédés possibles pour sauver la vie du moribond. Les devins interviennent ; les guérisseurs aussi. Plus personne ne vaque à ses occupations quotidiennes jusqu’à ce que le patient perde la vie ou se rétablisse. Dans le premier cas, on détermine la cause et les auteurs de la mort.
SECTION II : LA MORT
En droit, toute mort émane de Dieu, mais en fait les Bakisi ne croient pas à la mort naturelle. C’est ce qui explique le fait qu’après la mort d’un individu on recherche à dépister le coupable.
Qui détermine le coupable de la mort ? C’est le devin. En effet, le devin est censé connaitre ce qui s’est passé, ce qui se produit et ce qui arrivera. Il a une clairvoyance au dessus de la moyenne. C’est le manipulateur d’une société donnée. C’est lui qui fait la pluie et le beau temps.[47]
Très souvent une femme et surtout une vielle femme est rendue responsable de la mort. Il arrive parfois que le devin n’y voit pas clair. Dans l’un ou l’autre cas ; les femmes du village doivent être soumises à l’épreuve du poison.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de l’absorption d’une tisane faite de racines appelées « kabi ». Le kabi constitue un violent poison. Une fois le liquide absorbé, les présumées coupables sont transportées près de la rivière. Là, elles boivent une bonne quantité d’eau. Des vomissements s’en suivent. Les innocentes échappent tandis que les coupables périssent selon la croyance des Bakisi.[48]
Depuis l’avènement du bwami cette pratique a été tempérée dans la mesure où les bami ont généralisé l’usage du contre-poison. En effet, une femme qui tombait évanouie après l’administration du kabi, buvait du contre-poison.
Ceci adoucissait les effets meurtriers du kabi et généralement la patiente se rétablissait après plusieurs jours. Sa famille devait payer une indemnité consistant en chèvre, musanga (cauris),… elle était presque toujours répudiée.
Pendant la colonisation européenne, les Blancs ont lutté contre cette pratique. Ils estimaient que selon la quantité du breuvage rejeté, les accusées pouvaient ou non échapper à l’action nocive du breuvage.
SECTION III : LES FUNERAILLES
Jadis, l’enterrement n’existait pas. Lorsqu’un homme mourrait, on l’exposait sur une table à proximité du village. C’est là que les animaux et les chiens mangeaient son cadavre.
Avec l’avènement du bwami, on a commencé à enterrer les morts. Les profanes et les bami jusqu’au grade de « yananio » sont enterrés au lendemain de leur décès sans cérémonie aucune au cimetière, à quelque mètres du village. Seules les femmes pleure le mort jusqu’au cimetière.
La disparition d’un mwami de kindi nécessite de remarques particulières. Tout d’abord, il est enterré deux ou trois jours après sa mort non au cimetière du village mais à coté de sa maison. Ensuite, il est enterré dans une position accroupie, la tête ressortant à l’extérieur. Le jour où la décomposition de son organisme deviendra totale, les bami du même titre, détacheront la tête du tronc. Son crane doit être précieusement conservé au village et ne sera confié à son fils que le jour où il sera consacré kindi.
En outre, on organise des cérémonies d’initiation au bwami. Certains profanes font leur entrée dans le bwami, les bami (quelques uns) montent de grade. Enfin, si dans le village, il n’y a personne d’autre qui détient le grade de kindi, après le deuil, on déménage. Ceci parce qu’aucun habitant du village ne peut calmer ses esprits.
Les femmes de quelque grade du bwami qu’elles soient sont inhumées comme les profanes.
SECTION IV : LE DEUIL
Si les membres d’autres lignages pleurent le mort pendant trois jours, les membres de sa famille lèvent le deuil après :
- Un mois pour un adulte marié,
- Deux semaines pour un adulte célibataire et
- Une semaine pour un enfant.
Pendant toute cette période, les hommes de différents lignages du village font des veillées nocturnes à la famille du défunt. Les femmes non directement concernées apportent de la nourriture à la famille éprouvée et à toute l’assistance. L’interdiction est faite aux participant au deuil de se laver avant l’échéance.
Le délai fini, les pleureuses et les pleureurs se dirigent à la rivière pour se laver. Ensuite, ils se font raser la tête. Ainsi, ils deviennent purifiés. Tant que le deuil dure, tous les participants sont impurs.
Alors, intervient la levée du deuil, c’est une grande fête au cours de laquelle on s’efforce de réintégrer la vie normale. Le deuil se termine toujours par une causerie qui indique de façon définitive les auteurs de la mort. Ces derniers si on ne les tue pas payent comme je l’ai déjà dit de fortes amendes.
SECTION V : PAYEMENT DE LA VICTIME : IDIGO
Chez les Bakisi et chez certains clans lega de l’ouest, la pratique d’Idigo reste toujours en vigueur.
Lorsqu’un homme (célibataire ou marié) ou un enfant meurt, ses oncles maternels, armés de lances et de couteaux forment un cortège désigné sous le nom de « mugizika » en diction de la famille du défunt. Cette dernière pour éviter la guerre, dépêche un petit frère ou une petite sœur du disparu à quelques mètres du village pour arrêter le cortège en question. Le mandataire doit offrir à ses oncles maternels une chèvre et des musanga. C’est ce qu’on appelle « kagingi ».
En quoi consiste la vengeance des oncles maternels ? Les Bakisi pensent et disent que ne peut te tuer que celui qui l’es familier. Car, comme les Bakisi ne croient pas à une mort naturelle, les oncles maternels attribuent la responsabilité de la mort à un membre du lignage du disparu. C’est la raison pour laquelle ils viennent venger leur neveu.
Apres le deuil, la famille éprouvée doit payer aux oncles maternels du disparu d’énormes quantités de musanga et quatre à six chèvres. Autrefois tout le village collectait ses biens. Aujourd’hui, on se désolidarise de plus en plus ; et, la famille éprouvée paye le gros si pas la totalité es biens destinés à l’Idigo.
Si une femme mariée meurt chez son mari, le cortège des oncles maternel se double de celui des oncles paternels de la défunte. Ils viennent en guerre. Un enfant du disparu attenue leur colère en leur offrant une chèvre à titre de kagingi à l’entrée du village.
Leur présence au village du mari de la défunte fait trembler tout le monde. L’Idigo est beaucoup plus important ici et peut même égaler la dot. Dans ce cas aussi, le lignage du mari est rendu responsable de la mort de sa femme. Tous les morts sont dédommagés à l’exception d’un cas de noyade.
Des Blancs ont essayé de lutter contre cette pratique mais sans succès. Le problème qui se pose à l’heure qu’il est celui de décès dans les centres urbains.
Dans quelle mesure cette coutume peut elle rester praticable ? La question est délicate. Des fois, la famille éprouvée ne paye rien par imitation des autres cultures des populations urbaines. Ailleurs, elle envoie une somme d’argent aux oncles maternels du disparu à titre d’Idigo.
SECTION VI : SORT DE LA VEUVE ET DU VEUF
Une veuve digne et vertueuse est repoussée au bout d’une année par un petit-frère de son mari ou un enfant de son mari lorsqu’il était polygame. En revanche, si elle se méconduisait, à la mort de son mari, une pluie de coups va s’abattre sur elle. Elle sera répudiée et sa famille devra dans l’immédiat restituer la totalité de la dot du disparu.
Quant au veuf, c’est pareil. Il peut, s’il est jugé digne et moyennant versement d’une nouvelle dot, remarier une petite sœur de sa femme morte. Dans le cas contraire, il est privé de son droit. Dans tous les cas, à la mort de son épouse, le veuf n’a pas le droit de réclamer sa dot.
SECTION VII : HERITAGE DES BIENS DU DEFUNT
Lorsqu’un homme meurt, ses biens sont hérités soit par un de ses petit-frères, soit son fils ainé s’il est adulte. La personne qui hérite s’engage à prendre la relève du disparu et à entretenir sa famille.
Depuis l’introduction du bwami les choses ont changé. Tous les objets du bwami ainsi que tous les autres biens trouvés dans la même pièce sont accaparés par les dignitaires du même titre.
Les Blancs ont condamné cette coutume dès leur arrivée et ont même tenté de la supprimer. Ils n’ont pas réussi.
En guise de conclusion, les Bakisi considèrent la mort comme le mal par excellence. C’est pourquoi, ils réservent aux ennemis de la vie les punitions les plus exemplaires. L’épreuve du poison est un moyen parmi tant d’autres pour détecter les sorciers et s’en débarrasser.
L’Idigo qui, apparemment semble bizarre, trouve sa signification dans le souci des oncles maternels de veiller à la protection de leur neveu le plus longtemps possible.
TROISIEME PARTIE : EVOLUTION POLITIQUE DES BAKISI
CHAPITRE I : EXERCICE DU POUVOIR POLITIQUE AVANT L’INFLUENCES ETRANGERES :LE POUVOIR DU CHEF DE CLAN (NYENE KISI)
Défini comme « la capitale que possède un acteur de la vie politique d’en obliger un autre à accomplir un acte déterminé… »[49], Le pouvoir existe partout où il y a des hommes. Ces derniers le rendent légitime et sont appelés à obéir à l’autorité qui l’incarne. Il faut donc admettre avec GEORGES BALANDIER qu’il existe de société sans Etat mais jamais de société sans pouvoir politique. « Pas de société sans pouvoir politique, pas de pouvoir politique sans hiérarchies et sans rapports inégaux instaurés entre les individus et les groupes sociaux. »[50]
Chez les Bakisi, le personnage qui incarne le pouvoir politique s’appelle le « Nyene kisi ou Mwiya kisi ».
SECTION I : DESIGNATION DU NYENE KISI
Elle relève de la compétence du Conseil. Le chef de clan est désigné parmi les chefs de lignages par les vieux sages composant le Conseil des Anciens et qui se réclament descendants d’un ancêtre commun. Il est généralement le plus digne, le plus impartial, le plus juste et le plus généreux de tous ; une parfaite connaissance de la coutume, une conduite irréprochable et une bonne présentation physique entrent également en ligne de compte. Bref, il se distingue des aitres par ses qualités morales, sociales, politiques et physiques. Il est le meilleur.
Une fois nommé, son autorité s’étend sur toute la communauté clanique. Généralement le fils succède au père. Mais, s’il est indigne, le Conseil des Anciens le destitue et le remplace par un frère ou un proche parent de son père.
Le Nyene kisi porte plusieurs insignes tels qu’une peau de léopard attachée sur l’épaule par deux pattes antérieures, une peau de loutre attachée à la ceinture et qui prend jusqu’à la hauteur des genoux, un collier de dents de léopard (souvent de canines), un bracelet en ivoire aux poignets, une canne (le musumbo) qu’il tient, un siège (le Nkeka) sur lequel il s’assied.[51]
De tous ces insignes, le musombo revêt une importance singulière. En effet, remise à un messager (mugenzi), la canne authentifiait une information annoncée. Elle amenait aussi une période de trêve entre deux lignées en conflit en attendant l’arrivée physique de Nyene kisi. Le lignage qui osait transgresser l’ordre du Nyene kisi s’attirait la coalition de tous les autres lignages contre elle.
Le Nyene kisi considère ses gens non comme des sujets mais comme des subalternes, les collaborateurs, des frères. S’il se comportait en tyran, ses hommes déménageraient et s’établiraient ailleurs où ils seraient les bienvenus. Il se trouverait par conséquent abandonné à lui-même. Il a donc intérêt à vivre en bonne intelligence avec ses gens. Son souci primordial doit être de promouvoir le bien être de son clan. Ceci est général pour tous les Balega et à ce propos, Jan VANSINA écrit : « l’homme Rega est membre du clan, il est fils du clan, il n’est jamais sujet du chef. Il est son frère et non pas son serviteur ou son esclave, d’où ce sens du respect. Le chef du clan qui est l’ainé de la famille a droit au respect comme le cadet a droit au respect et à l’amour. »[52]
En tant qu’autorité clanique, le Nyene kisi a des droits mais aussi des devoirs.
SECTION II : PREROGATIVES DU NYENE KISI.[53]
- Dimes de chasse
- Lorsqu’un phacochère était tué sur les terres du clan, on lui apportait le ventre, la poitrine, la mâchoire inferieure. Le restant revenait à la famille ou plutôt aux membres de la famille qui avaient capturé la bête. Le chasseur recevait toujours une bonne part.
- Lorsque plusieurs phacochères avaient été tués en même temps dans un village groupant généralement plusieurs familles (kikanga ou kikalo), le chef des groupes de familles (Nkangala za kikalo) envoyait une bête entière au chef du clan, lequel se servait le ventre, la poitrine et la mâchoire inferieure et remettait, par générosité, le restant aux vieillards, aux passants, etc.
- Lorsqu’un éléphant était tué sur les terres du clan, le chef de clan recevait la trompe et l’ivoire. Plus tard, lorsque les Arabisés et les Blancs introduiront et pratiqueront chez les Bakisi la commercialisation de l’ivoire, l’on repartira les produits des pointes de l’ivoire entre :
– le chasseur
– le chef du village
– le chef de clan[54]
- Lorsqu’un pangolin (grand pangolin ou Ikaga, petit pangolin ou Kabanga) était tué, on l’amenait au chef du clan. Celui-ci invitait tous les vieux du clan et confiait le dépeçage du grand pangolin à l’un des vieillards qui possédait « le droit de couteau du pangolin ». une fois dépecé, le grand pangolin était distribué, partagé entre tous les individus vieux et jeunes présent lors de son dépeçage.
Une mention spéciale mérite d’être faite sur le dépeçage d’Ikaga. Animale symbolique et rituel des Bakisi en particulier et des Balega en général. Comme on peut lire dans la brochure du Père Georges Defour, « non seulement il (Ikaga) est bon à manger mais aussi par ce qu’il est bon à penser. »
Les poils compacts se regroupent par touffes amalgamées en forme d’écailles cornées, se recouvrant l’une à l’autre et protégeant tout son corps. Cette particularité en fait le symbole de l’union des Lega, s’imbriquant l’un l’autre, dans le clan où chacun a sa place bien définie et, par là, protégeant le groupe tout entier ; Ikaga est censé avoir enseigné aux Lega le secret des toitures de cases. Les Balega chantent « Sans Ikaga, la pluie nous tuerait » ; le pangolin nous enseigne donc qu’il faut s’aimer et se soutenir entre soi, dans le clan, comme les écailles se collent et se recouvrent l’une l’autre… qu’un membre du clan doit bien se garder d’en calomnier un autre… que la désunion provoque l’insécurité et la mort… cette union du peuple se ritualise quand un pangolin (L’animal que personne ne chasse), mort par accident, est partagé entre Bami (vieux) aussitôt appelés à cette occasion.
« Le viol des tabous et de règles du clan entraine de gros ennuis et de fortes dépenses. L’idéal des jeunes doit être d’imiter les anciens… »[55]
- Redevances en travail.
Les membres du clan construisent des maisons non seulement pour le chef de clan mais aussi pour les chefs de villages. Ils cultivent en outre pour eux. En général, chef de clan et chefs des villages disposent des champs vastes en prévision des famines éventuelles et des visites des passants. En plus, le chef du clan reçoit de la part des chefs de villages, les premiers produits de leurs champs.
SECTION III : ATTRIBUTIONS DE NYENE KISI[56]
- Rôle législatif.
Le Nyene kisi, avant de publier un édit, convoquait ses plus proches collaborateurs, à savoir les Ngatu (homme de droit) et les Ntundu (chefs de lignages qui dirigent les villages), dans sa maison où se tenait le conseil (musanganano). Les chefs de lignages assistaient le chef de clan et représentaient dans leurs entités villageoises respectives. Leurs attributions étaient plus administratives que politiques dans la mesure où ils étaient chargés d’appliquer les instructions du Nyene kisi.
Nommés à titre héréditaire par le Conseil des Anciens compte tenu de leur haute personnalité, ils pouvaient par délégation du pouvoir de Nyene kisi présider à leurs tribunaux locaux.
Le Nyene kisi offrait à ses invités un repas magnifique et abondant au cours duquel auront lieu les discussions ; le Nyene kiki signifiait à ses collaborateurs ce qu’il avait édicté, des amendements étaient faits, les Ngatu donnaient leurs avis sur la légalité du nouvel édit. Lorsque l’accord était complet, le Conseil se rendait au barza (lusu) où tout le monde attendait. Le Nyene kisi était assis sur son siège (nkela) ayant les Ngatu à ses cotés.
Le Nyene kisi répétait aux Ngatu à voix basse ce qu’il avait édicté. Les Ngatu le répétaient à haute voix et démontraient au peuple que le nouvel édit « mukongo » était en concordance avec la coutume.
- Rôle judiciaire.
Le Nyene kisi jouait le rôle de justicier. Il présidait le tribunal du clan, lequel était souvent fixe. La séance était publique. Les Ngatu qui jouaient à la fois au juge et à l’avocat étaient des conservateurs de la tradition en matière judiciaire. Choisis par le chef de clan et les chefs de lignage, ils jouissaient d’une très grande estime dans la société.
Les Ngatu instruisaient les affaires portées à la connaissance du Nyene kisi. Lorsque le plaignant et le prévenu provenaient d’une même ligné, un seul Ngatu menait l’affaire. Le résultat de l’affaire était porté au Nyene kisi. Il écoutait l’avis des Ngatu sur l’application de la coutume, tranchait et démontrait par la même justesse de la peine coutumière appliquée.
Les affaires se tranchaient au barza au su et vu de tout le monde. Le Nyene kisi siégeaient sur le Nkeka, les Ngatu à ses cotés et les Ntundu assis à l’avant du public.
En ce qui concerne les peines, il convient de signaler que la peine d’emprisonnement n’est pas coutumière. Les amendes en nature réglaient toutes les affaires.la peine de mort était rarement prononcée par le tribunal ; cependant, lorsqu’en cas de famine un homme était surpris entrain de voler dans les champs d’autrui, la peine capitale était prononcée à l’endroit d’un membre du clan qui portait atteinte à l’autorité du chef (de lignage ou de clan).
Voici quelques autres cas de sanction auxquels la juridiction coutumière se prononçait :
- Assassinat ou meurtre : pour cette infraction les Bakisi ne recouraient à aucun jugement. L’assassin ou un membre de sa famille subissait le même sort. La loi du talion était donc l’usage pour ce genre de faute.
- Homicide involontaire : l’auteur de cette infraction devait indemniser les parents de l victime. Cette indemnité consistait en chèvres, en mbembe ou musinga (monnaie lega), en objet de fer, etc. l’indemnité variait selon l’âge et la situation sociale de la victime.
- Vol : d’abord, le tribunal prononçait la restitution de l’objet volé. Ensuite, une indemnité variant selon la valeur de l’objet volé, était payée.
- Destruction : pour une destruction volontaire, le tribunal exigeait le paiement de l’objet détruit plus une indemnité variable. Pour la réparation.
- Outrages : envers les profanes, le versement de mbembe reparait le préjudice causé. A l’endroit du chef de famille ou des initiés au bwami, la peine de mort s’en suivait.
- Rôle militaire.
En tant que garant de la sécurité de son clan, le Nyene kisi décrétait la mobilisation des éléments adultes valides males lorsque le clan était menacé par une invasion étrangère. Ces éléments remplaçaient alors la garde armée de Nyene kisi, composée des Tunganda (au singulier Kanganda). Un personnage appelé Ngama dirigeait l’armée et devait informer régulièrement le Nyene kisi du déroulement de la guerre.
Comme pour la déclaration la guerre, le Nyene kisi était le seul habilité à demander ou offrir la paix. Pour ce faire, il envoyait un message au chef adverse. La date de rencontre était fixée dans un endroit bien déterminé, on échangeait des cadeaux, les vieux de deux parties participaient à un grand repas commun qui devait effacer toute vengeance ultérieure. De nombreux mariages pour sceller la paix se décidaient dans le but de remplacer les victimes qui auraient été tuées. Tout garçon qui naissait de ces unions se nommait « Mukulumania » ou conciliateur.
Le pouvoir clanique chez les Bakisi de prime abord pourrait sembler écrasant pour l’individu de par les obligations qu’il q à l’égard du chef de clan. Il n’en est pas question. En effet, le tribut n’a jamais existé chez les Bakisi. La coutume ne prévoyait ni sanction ni contrainte à quiconque se déroberait à ses devoirs vis-à-vis de son chef de clan. Tout au plus un blâme public adressé à l’endroit des récalcitrants. Le chef de clan dont la nomination est conditionnée par ses mérites personnels doit veiller avant tout à la sécurité et au bien être de sa population.
CHAPITRE II : LE BWAMI : UNE SUPERSTRUCTURE SOCIALE
Dans ce chapitre, nous allons parler de l’apparition du bwami au Bulega et de ses conséquences. Il a bouleversé les structures sociopolitiques existantes en ce sens qu’il a socialement et culturellement uni les Balega plus qu’avant mais aussi parce qu’il les a davantage divisés sur le plan politique.
SECTION I : ORIGINE DU BWAMI
Comme je l’ai déjà dit, le bwami n’est pas une coutume traditionnelle des Balega. Il a été introduit chez eux au XVIII è siècle, au début des migrations secondaires, par un certain Muntita, homme du clan Kaluba, n’avait pas suivi ce dernier vers le Kasaï, lors de la guerre de Wakansemale.
Apres la fuite des Balega vers le Sud, vers Kakolo, Muntita les avait rejoints. Il semble qu’il était pauvre et cherchait à s’enrichir. Un jour il prépara un panier de raphia (mpeku) et en fit des cordes auxquelles il donna le nom de Kakonga. Dans ce Kakonga, il fabriqua un petit bonnet qu’il baptisa « Kikumbu kya bwami ». Il dit alors à Nkulu (un descendant de Nkoîma) : « prends ce chapeau et donne-moi des biens. Tu n’enlèveras jamais ce chapeau, tu en confectionneras de pareils que tu échangeras contre des biens. Ainsi, tu deviendras puissant et riche. »
Il semble qu’au départ le rituel n’existait pas. Il est apparu et s’est compliqué au fur et à mesure que les vieux sages, les devins, les féticheurs… ont fait leur entrée dans le bwami. Au départ, l’initiation se limitait à l’échange de biens plus des conseils moraux qu’on prodiguait.
Nkulu donna donc à Muntita un bouc, des centaines de mbembe[57], deux paniers d’arachides, un coq, … accompagné de son fils Nsenti, Muntita, traversa le fleuve et rejoignit les gens de Kaluba au Kasaï.
Nkulu, chef du clan Nkoïma de l’époque apprit le bwami à son frère Kabanga, ses fils Kasole et Kasanga, son petit-fils Ikinga Muzimu. Ce dernier introduisit le bwami chez les Bamuzimu, dans l’actuelle Zone de Mwenga.
Kabango apprit le bwami à son fils Ikama ; Ikama à ses fils Musitabyale, Mukompeke, Kabugi, Wamania, Salo, Isanga et Molila. Ces deux derniers introduisirent le bwami chez les Lumuna. Musitabyale, Mukompeke, Kabugi l’implantèrent chez les Bakabango, d l’actuelle Zone de Shabunda.
L’introduction du bwami chez les Bakisi est récente. Elle est connue chez les Baliga et les Bamuguba/Sud depuis environ cent cinquante ans, chez les Bamuguba/Nord depuis cinquante ans, chez les Bakyunga depuis environ 1930.[58] Elle est l’œuvre du nommé Itete, lequel a été fait mwami par Wamania, fils d’Ikanga.[59]
SECTION II : QU’EST-CE QUE LE BWAMI ?
- Notions et définition.
La conception du bwami au Bulega est différente de celle qu’ont les ethnies inter lacustres. En effet, chez les dernières (les Bashi par exemple), le bwami est le pouvoir du mwami. Celui-ci est un roi tout puissant, omnipotent, incontestable et incontesté à qui les biens matériels appartiennent en dernière analyse. Son pouvoir est de droit divin. C’est ce que l’Abbé Mulago nous explicite dans le passage suivant : « l’autorité du mwami est une continuation et une expansion du pouvoir des ancêtres et de là, découle son caractère religieux. Le roi (mwami) n’est pas seulement le représentant des ancêtres, il est beaucoup plus : le roi est d’essence divine. Son autorité procède de Dieu même et ce caractère théocentrique du pouvoir, a une grande importance. »[60]
Chez les Balega, le mwami est tout court un initié à l’un des grades du bwami. Le bwami lega aux grades duquel on accède par une série d’initiations est une institution juridico-sociale fermée aux non initiés. Il désigne aussi le premier échelon du mpala (cérémonie d’initiation). Il signifie en outre l’ensemble des qualités morales d’un homme. Il se veut une école de sagesse dans laquelle les initiés apprennent non seulement l’histoire de l’ethnie, les coutumes traditionnelles, légendes, les mythes, les contes, les fables, les épopées, les proverbes… mais aussi la morale et le savoir vivre.
Comme l’écrit bien le Père George Defour, le bwami lega nous propose un type d’homme sage, généreux, honnête, médiateur, entrepreneur, prudent, ayant du caractère et de la personnalité.
« (…), l’initié est un homme qui a du cœur, de la profondeur, cette sagesse (bwenge) qu’on acquiert en écoutant les anciens et en fréquentant les initiés de haut rang, en progressant dans l’initiation. L’initié doit se montrer modeste : le bananier qui affecte de se dresser sans rien craindre, qu’il attende donc la ruée des éléphants.
Le mwami est un médiateur : l’initié de haut rang est ces gros arbres jetés sur la rivière qui, aide les voyageurs à passer sur l’autre rive. C’est un homme de parole nette et honnête : il ne ment pas, ni n’écoute le menteur. C’est un homme de caractère, tout le contraire d’un homme sans volonté. (…) le mwami est motivé, trouvant son épanouissement personnel dans le travail et l’effort : les Bami sont des pintades ; c’est dans leur propre nid qu’ils trouvent ce dont ils ont besoin.
Il est dangereux de se révolter contre un mwami (…) c’est un homme de prudence et de circonspection, qui s’informe avant de s’embarquer dans un nouveau projet : le bami sont des enclumes bien posées sur le sol : on les interpelle de toutes parts, mais ils réfléchissent avant de venir et de se lever.
Ce sont des éléphants qui ne se soucient pas de sang sues, des ibis blancs qui remplissent l’air, des tortues sages, mais aussi des serpents ngimbi par leur pouvoir dangereux. »[61]
- Condition pour célébrer le bwami.
Elles sont largement démocratiques. Par le fait qu’il est accessible à tout homme capable de par ses moyens matériels et ses qualités morales et physiques d’en célébrer les grades, le bwami ne peut pas être assimilé à une caste, bien qu’une partie du rituel soit ésotérique. En effet, le bwami n’est pas inné mais est le résultat d’un effort personnel.
« De droit, on héritier du bwami de son père, mais de fait on doit travailler pour monter l’échelle de la hiérarchie du mpala, comme un étudiant qui gravit les classes et passe d’une école à l’autre jusqu’à l’obtention du titre ou du diplôme dont il est capable. »[62]
Bref, les conditions générales pour se faire initier au bwami sont les suivantes :
- Avoir été circoncis coutumièrement chez kimbilikiti,
- Disposer de richesses matérielles requises pour la circonstance,
- Avoir une conduite irréprochable,
- Etre équilibré physiquement.
Les femmes et seules les femmes mariées peuvent être admises dans cette école de sagesse, ainsi, c’est le couple qui est initié au bwami.
Il existe aussi des conditions particulières pour les récalcitrants et les malfaiteurs. On initie ceux-ci dans le but de les amener sur le droit chemin, de les rendre respectueux, raisonnables et sages. Est initié de force toute personne qui dévoile indirectement le secret de l’initiation ou plutôt de la circoncision coutumière. De même, quiconque se distingue dans le vol, la pratique de l’adultère, la désobéissance aux anciens et à la coutume, l’insolence… est frappé par la même mesure.
- Les biens exigés pour célébrer le bwami.
Pour célébrer le bwami, il faut payer des biens considérables. Il s’agit de :
- Musanga ou mbembe (cauris, coquilles d’escargot),
- Gibier,
- Chèvres,
- Torches de résine,
- Bananes, arachides, riz, maniocs.
En ce qui concerne le musanga, ses mesures sont prises sur les parties du corps. Chacune d’elle est double de fragments de coquilles. Les mesures connues sont les suivantes en ordre croissant :
- Inyala za babembi (littéralement : ongles des lépreux) ;
- Kabingabinga : longueur des phalanges supérieures et moyennes du médius ;
- Kanue : longueur du médius ;
- Ibungakwanga : longueur allant du bout du médius jusqu’au milieu de la paume ;
- Mangombelo : longueur allant du bout du médius jusqu’aux pouls ;
- Bugulu bwe isindi : longueur comprise entre l’extrémité du grand orteil et l’extrémité du petit orteil ;
- Mbuso : longueur comprise entre l’extrémité du petit orteil et l’extrémité du talon ;
- Ndume : longueur comprise entre l’extrémité du grand orteil et l’extrémité du talon ;
- Kilunga : longueur entre l’extrémité du médius et le pli du bras ;
- Lya Kasigi : longueur allant de l’extrémité du médius jusqu’à la partie supérieure du biceps ;
- Lya Kituli ou Kyekabyogo : longueur allant de l’extrémité du médius jusqu’à l’articulation de l’épaule ;
- Lya Mukibunda ou Lya Mumugizi : longueur comprise entre la plante du pied et le bassin ;
- Lya Mwibele : longueur comprise entre la plante du pied et la mamelle ;
- Lya Mwitue : longueur allant de la plante du pied jusqu’à l’os temporal ;
- Lya Gantanta itue : longueur allant de la plante du pied jusqu’au dessus de la tête.[63]
- Degrés ou grades du bwami.[64]
Le bwami lega comporte six grades principaux dont cinq seulement sont connus chez les Bakisi. Chacun de ces grades est subdivisé à son tour en plusieurs catégories. Il s’agit dans l’ordre croissant de :
– POUR LES HOMMES – POUR LES FEMMES
1° Kongabulumbu (Kagolo) 1° Kigogo
2° Kansilembo (Mpunzu) 2° Bombwa
3° Ngandu dont les étapes sont : 3° Bulonda
– mutondo wa ngandu
– musagi wa ngandu
– lutumbo lwa ngandu
4° Yananio dont les étapes sont : 4° Nyamalembo ou Bulonda
– musagi wa Yananio
– lutumbo lwa Yananio
5° Kindi dont les étapes sont: 5° Bunyamwa
– muzegele wa kindi
– musagi wa kindi
– lutumbo lwa kindi
6° Lwanza
- POUR LES HOMMES
- Kongabulumbu.
- Le rituel:
La cérémonie proprement dite est précédée d’une étape, appelée lukeko, quelques semaines avant. Son but est de vérifier les richesses réunies par le candidat au bwami. Ce dernier a pour parrain (kasimba), un de ses parents, souvent haut gradé. Les Bami de tous grades peuvent y participer mais généralement le nombre est restreint. L’épouse ou les épouses du candidat peuvent intervenir dans le rituel. Toutefois, au premier grade, on tolère encore un célibataire, mais, pour accéder aux grades supérieurs, il devra forcement se marier. La cérémonie qui ne dure qu’un jour se fait en partie au barza (lusu), en partie à l’extérieur, au centre du village au su et au vu de tout le monde. Le Kasimba commence par planter au milieu du village un mugumu (un arbre), à coté, un morceau de bambou ; entre les deux, un pot rempli d’eau et un autre rempli de bière de bananes et de la viande.
– Le bambou signifie : dès que tu seras adepte tu pourras te séparer de ton groupe pour aller fonder ton village ;
– Le mugumu : tu construiras ton village, tu y planteras des mugumu dont tu tireras des étoffes. Il est aussi le gardien du mwami ;
– Le pot d’eau : appelle le mwami à veiller au travail assidu de ses épouses, qu’elles aient toujours de l’eau fraiche à la maison pour qu’elles ne soient jamais obligées d’en refuser à un voyageur ;
– Le pot de bière : tu cultiveras beaucoup, tu planteras beaucoup de bananiers afin de donner de la bière à tes frères.
On lui signifiait ensuite les interdits à son nouveau grade : « tant que tu n’auras pas fait le mpala de bombwa, tu ne pourras plus travailler, ni couper des bananes, ni abattre un arbre, ni cuire de la nourriture, ni pécher, chasser, ni recueillir du miel. Tu demanderas tout cela à tes voisins. »
Le nouvel adepte était alors vêtu d’un bonnet rond (kikumbu). S’il se donnait le luxe de violer ces interdits il reprendrait immédiatement les cérémonies de l’échelon suivant (le kansilembo) en donnant de nouveaux biens.
S’il se désistait, les sorcières, sous l’instigation de hauts dignitaires bami, lui jetteraient un mauvais sort qui causerait sa mort.
Pour pouvoir gravir tous les degrés du bwami les membres de la famille du mwami lui venaient en aide. Au retour, il partageait entre les membres de sa famille ou plutôt de son lignage les richesses qu’il amassait au cours de cérémonies du bwami.
« L’initié était censé connaitre l’interprétation d’au moins deux cent treize proverbes au terme des cérémonies du Kongabulumbu. »[65]
- Les biens exigés :
Trois doubles rangées de la mesure de ibusu, trois doubles rangées de kazizi, vingt doubles rangées de bugulu bwe isindi, un bouc ou à défaut trois antilopes tels sont les biens que les bami présents aux cérémonies du kongabulumbu se partageaient.
- Kansilembo.
Le Kansilembo ne diffère que très peu du Kongabulumbu. Pendant la cérémonie, les profanes sont expulsés du village. On chasse les profanes au lieu de se retirer du village
- Pour s’assurer de leur absence effective,
- Parce que le bwami ayant pour mission première de mettre de l’ordre parmi les hommes, non cérémonial, doit se faire au village des hommes et non en dehors du village, et
- Tout simplement parce que les bami méprisent les profanes.
Sa durée est de nuit. Le rite consiste à expliquer au candidat le contenu du panier du lutala : cailloux, cordes à touffe de plumes, petite calebasse, trident de bois, petit couteau, faisceau, petite assiette en cuivre, cuiller en ivoire… onze aphorismes y sont proclamés.
- Ngandu.
- Le rituel :
Les danses et les chansons sont exécutées au village du candidat en présence des initiés et des profanes. Les biens sont partagés entre tous les participants et le nouvel adepte en reçoit une partie. A partir de ce moment, il bénéficiera d’une part à chaque arrivée d’un nouvel candidat au bwami ; au barza, on enseigne au candidat à travers les chansons, les devinettes et les conseils, la patience, la persévérance et le respect des ancêtres.
- Les biens exigés :
Vingt ibungakwanga, du gibier, deux chèvres, vingt à trente ndume.
- Yananio.
- Le rituel :
Les cérémonies durent quatre jours pendant lesquels tous les invités sont entretenus (nourris et logés) par le candidat. Une bonne partie du rituel est secrète. Au fur et à mesure qu’on danse, on donne des insignes particuliers au candidat qui le distingueront d’une part des profanes, d’autre part des bami de grades inferieurs et supérieurs au sein. Il s’agit de :
– une peau sur laquelle sont fixés quatre tubes formant une croix,
– un allume-feu,
– une patte d’iguane et
– un chasse mouche.
On enseigne au mwami de Yananio le sens de :
– la prudence : imite l’escargot qui voyage avec sa maison et
– qui avance prudemment ; si tu dois traverser une rivière ou la frontière, ne la traverse pas au gué, traverse en amont ou en aval, au gué on trouvera facilement la trace,
– l’hospitalité, la solidarité, la franchise, l’entraide, le respect des biens d’autrui.
On l’incite en outre à atteindre le grade de Kindi.
- Les biens exigés :
Ils sont considérables. Le candidat met au moins une année pour rassembler les biens nécessaires pour la célébration du Yananio.
Cinquante ibusu, vingt ndume, un panier de musanga non enfilés dont il distribue les poignées à ses collègues à la fin de chaque mélodie, une dizaine de gibier, deux paniers de viande boucanée, un bouc et trois chèvres, une dame-janne d’huile de palme, cent torches de résine, etc.
- Kindi.
- Le rituel :
Une fois couronné kindi, un mwami est assimilé au Nyene kisi de part ses droits et ses devoirs. Pour cette cérémonie, on construit une paillote dont les deux entrées sont fermées par des rideaux de fibres végétales suspendues à la partie supérieure. Ce temple prend le nom de Lubungu lwa kindi. Il contient le plus de statuettes, masques et objets initiatiques possibles qui symbolisent la puissance du dignitaire kindi.
Près de la porte de devant sont rangés les tambours, les gongs et les tams-tams qui retentissent sans cesse. Les profanes sont évacués et seulement après que les cérémonies proprement dites commencent. Un des rites oblige le candidat et son épouse ou ses épouses à monter nus sur le toit d’une maison. Désormais le mariage devient indissoluble ; l’homme jure de ne jamais répudier sa femme ou ses femmes ; à leur tour, les épouses jurent de ne jamais contacter des rapports sexuels avec d’autres hommes à part leur mari. Quiconque ne respecterait pas ces engagements s’exposerait à la mort. Des leçons morales sont également prodiguées au candidat, telles que le sens d’entraide, d’hospitalité,…
- Les biens exigés :
Ils sont plus considérables : neuf mibugubugu, deux cent quarante ibusu, sept à dix chèvres, une bonne quantité de viande fraiche, du gibier, etc. étant donné que la célébration du kindi est extrêmement couteuse, pendant les cérémonies d’initiation, les champs du village servent à nourrir les bami conviés.
Les habitants du village sont réquisitionnés à chasser tous les jours jusqu’à la fin des festivités. Si le gibier manquait, on consommerait les chèvres des villageois sans les consulter.
Aucun habitant du village n’est autorisé à voyager avant la fin des manifestations ni ne peut se quereller avec son épouse ou ses voisins. Convertis en argent, ces biens pourraient attendre une valeur de trois cents zaïres aujourd’hui.
- Lwanza.
Comme je l’ai déjà dit, le Lwanza n’existe pas chez les Bakisi. Il consiste en une reprise de tous les grades du bwami depuis le kongabulumbu jusqu’au kindi pendant environ un mois. Il est fondé sur la recherche de la sagesse suprême (le busoga), cette stature morale personnelle et sociale où l’homme trouve son épanouissement et son achèvement. Comme le dit Georges Defour, le busoga correspond au kalokogathia des Grecs, une sorte de concentré de distinction sociale, morale et physique.[66] Les dignitaires lwanza ne portent aucun insigne distinctif et ne peuvent nullement se venger ou punir les profanes.
- POUR LES FEMMES
- Kigogo.
Il s’agit d’un titre conféré à la femme du mwami de Kongabulumbu. La femme participe à tous les rites de kongabulumbu en même temps que son mari et à la fin des rites, elle reçoit de grade de kigogo.
- Bombwa.
C’est l’équivalent féminin du kinsilembo. Il est aussi étroitement lié au degré suivant (Ngandu).
- Le rituel :
Il dure une journée et demie au cours de laquelle u repas agréable comportant du petit gibier, des chèvres, des arachides, des bananes est servi.
Une partie de la cérémonie se fait en plein air, l’autre dans le barza. Hommes et femmes du même grade ou des grades supérieurs participent à la cérémonie de bombwa qui ne comporte qu’une seule partie secrète : le kampumba. Au cours du rituel, on proclame trente six proverbes.
- Les biens exigés :
Dix ibungakwanga pour payer de muzigo (du verbe lega kuziga : faire le feu) et deux gibiers ou à défaut la pate d’arachide (kinda ou bugulu).
- Bulonda ou Nyamalembo.[67]
Le bulonda correspond à la hiérarchie masculine de Ngandu mais aussi de Yananio.
- Le rituel :
Il dure une journée. La cérémonie a lieu en partie dans la case d’initiation, en partie sur l’aire de danse du village. L’époux (Ngandu) assiste à toutes les cérémonies à l’exception de la finale : le kumoko. Il s’agit d’une purification (ablution rituelle) qui se fait à l’endroit où les villageoises puisent de l’eau. Cinquante proverbes y sont expliqués.
- Les biens exigés :
Seul le Ngangu ou le Yananio paye. Le kalonda ou le nyamalembo n’offre rien pour la cérémonie.
- Bunyamwa.[68]
Le bunyamwa équivaut au kindi des hommes. La femme initiée au bunyamwa s’appelle « Kanyamwa ».
- Le rituel :
Il dure un jour. Il se termine à la nuit dans un enclos construit à l’intérieur de la case d’initiation partiellement démolie. Là, les tunyamwa dansent devant les kindi, vêtues seulement d’un petit cache-sexe, en fibres battues ou en peau d’antiloppe naine, orné de piquants de porc-épic et de plumes rouges de perroquet. Un à un, les hommes font mine de les toucher, mais reculent aussitôt, comme repoussés par les piquants de porc-épic ; c’est le symbole de l’inviolabilité de tunyamwa. Plus tard, les hommes tirent sur elles avec des arcs miniatures les fleches retombant sans force sur le sol. La cérémonie se termine par une ablution rituelle. Le mariage devient indissoluble et cette indissolubilité se symbolise par le port d’un phallus à la ceinture.
- Les biens exigés :
Seul le mari paye les biens nécessaires pour célébrer le kindi. Pour le bunyamwa on ne paye rien.
SECTION III : ROLES DU BWAMI
- Sur le plan politique.
S’il est vrai que le rôle politique du bwami n’était pas significatif au départ, il en sera autrement avec le temps. D’une part, les chefs de lignages et de clans ont consolidé leur pouvoir en se faisant initier au bwami, d’autre part les hauts dignitaires du bwami en se substituant à l’autorité politique du Nyene kisi et Ntundu za bilongo ont affaibli le pouvoir politique clanique et ont provoqué le morcellement territorial. Ainsi, une fois parvenu au grade de kindi, un homme devient un maitre absolu de son village.
Comme corollaire, ses décisions sont incontestables et incontestées. Profanes, bami de grades inferieurs ou égal au sien, personne ne peut aller à l’encontre de ses décisions de peur de périr.
D’ailleurs, deux dignitaires de kindi n’habitent jamais dans un même village. Souvent, le dernier mwami wa kindi déménage avec les siens pour fonder un village autonome dont il devient d’office le chef.
L’administration coloniale a lutté contre ce morcellement continuel di territoire en regroupant les habitants le long des grands axes routières, mais en vain.
Même les grands chefs coutumiers lega imposés et investis par l’administration coloniale belge, bien que bami de haut grade, n’osaient pas enfreindre l’ordre, les décisions du bami. Cela a été aussi constaté par le Père Poupeye qui écrit : « plus souvent qu’on ne le pense, le grand chef lui-même n’agit et ne parle que sous la crainte du bwami qui, en réalité est le premier pouvoir dans le pays ; il n’ose rien faire contre les décisions du bwami car lui-même n’échapperait pas à leurs vengeances et à leurs poison. »[69]
- Sur le plan juridique.
Chef politique de son entité lignagère ou familiale, le mwami de haut grade s’attribuait le pouvoir judiciaire. Tout comme le Nyene kisi, le mwami de kindi rendait justice dans son village. Le rôle des Ngatu (avocats et juges) devenait pour ainsi dire insignifiant. Il n y a eu des abus en matière de justice, notamment lorsqu’un différend opposait un profane à un initié, le premier perdait presque toujours le procès.
- Sur le plan social.
Le bwami a joué un rôle de ciment dans une société lega dépourvue d’unité politique. Ainsi, un mwami de Mwenga malgré les différends dialectales est facilement accepté à Shabunda ou à Pangi et réciproquement.
Les bami jouent également le rôle de médiateur dans la société lega et sont au service de leur communauté familiale, lignagère et clanique. Ils donnent de la dot aux jeunes gens orphelins et pauvres en âge de mariage.
Ils distribuent une grande partie des richesses amassées aux cérémonies du bwami aux membres de leur groupement.[70]
- Sur le plan économique.
Le mwami du haut grade réquisitionne les hommes valides de son entité à travailler, cultiver, chasser, réparer une maison pour un membre de la communauté en difficulté (deuil par exemple). Un coup de main est donné aussi aux vieillards qui n’ont plus la force de travailler et aux infirmes.
Le mwami réglemente la chasse au filet, préside au partage de tous gros gibier et surtout au dépeçage et au partage des animaux taboués (pangolin par exemple).
Protecteur de la faune et d la flore, il est le seul habileté à donner à un étranger l’autorisation de chasser dans la foret de son groupement ou de mettre en valeur la terre de ses hommes. Enfin, ce sont les grands bami qui déterminent la monnaie musanga, en détermine la valeur et les mesures et en réglementent la circulation.[71]
- Sur le plan culturel.
Les bami sont des gardiens de la tradition orale, de l’histoire et des coutumes de la société lega. Ils servent d’intermédiaires être les hommes et les esprits et par extension Dieu. A ce titre, ils détiennent les cranes des dignitaires de kindi défunts à travers lesquels les trépassés kindi parlent aux vivants. Les bami jouent aussi le rôle d’officiants.[72]
En guise de conclusion, disons que le bwami a joué un rôle capital au Balega. Il a permis et renforcée la cohésion et la conservation des coutumes lega. Mais son idéal éducatif a évolué et donne naissance à des nombreux abus notamment les dignitaires de kindi se servent des sorcières pour punir de mort les contrevenants à leurs décisions et ordres. L’autorité politique des chefs de clans déjà précaire a été davantage diminuée par le bwami.
Toutefois, son influence demeure encore importante de nos jours ; En effet, chez certaines populations lega de Shabunda, abandonnées à elles-mêmes ou plus exactement devenues incontrôlables par l’administration publique, l’exploitation clandestine de l’or se développe à des proportions inquiétantes. Seuls les bami la réglementent (en interdisant par exemple pendant la période de cultures, de défrichement et d’abattage des arbres).
CHAPITRE III : LES BAKISI PENDANT L’OCCUPATION ARABE (1870 – 1897)
SECTION I : LA PENETRATION ARABE
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les arabes ont envahi l’Est du Zaïre. Ils se sont fixés d’une façon plus au mois durable au Maniema. Le but de leur, déplacement était de s’approprier l’or et l’ivoire des autochtones. Et, comme il faillit transporter cet ivoire, ils réduisaient en esclavage les populations locales.
Au Bulega, comme le note Nicolas de Kun, c’est en 1870 [73] que la pénétration arabe a lieu. Il s’agit plutôt des arabisés car semble-t-il, les vrais Arabes se seraient limités à Nyangwe.[74]
« Entreprise avant tout commerciale, la conquête arabe ravagea le pays de l’Urega qui versa un tribut particulièrement lourd aux trafiquants d’esclaves. Ceux-ci, loin d’être des Arabes authentiques que l’on s’est convenu à décrire, étaient principalement constitués de métis qui vers 1850, composaient l’entourage des sultans de zanzibar. »[75]
L’infiltration arabe chez les Bakisi s’est faite en trois étapes :
- Tout d’abord, de Nyangwe alors capitale du Maniema, les Arabisés opéraient à l’intérieur du pays lega pour récolter les importations (essentiellement l’ivoire et les esclaves) et le transporter ;
- Ensuite, pour écourter le trajet qui separait Nyangwe du Bulega, l’on décida la création en plein pays lega de deux postes : un à Kama et un autre à Misisi (dans la Zone actuelle de Pangi) ;
- Enfin, étant donné que le négoce rapportait beaucoup et prospérait au jour le jour, les postes de Shabunda et de Mulungu furent fondés chez les Bakisi (dans la Zone actuelle de Shabunda).
Une fois établis à Shabunda, les arabisés sont organisés d’une façon systématique le pillage de l’ivoire et la capture des esclaves.
Les Bakisi racontent que lorsqu’ils arrivaient dans un village, les Arabisés le cernaient, massacraient les vieillards et tous ceux qui osaient leur résister et emportaient les survivants enchainés à Shabunda. De là ils étaient conduits jusqu’à Nyangwe en passant par Misisi et Kama. Ils pillaient aussi les poules, des chèvres et brulaient des maisons. Seuls les plus résistants atteignaient Nyangwe car la plupart d’entre eux mourraient en cours de route. C’est pourquoi la formule suivante : « Murega hafike Nyangwe » ou « Le Mulega n’atteint pas Nyangwe » est très courante chez les Balega et chez les Bazimba.[76]
Certaines gens qui réussissaient à se sauver prenaient fuite vers les régions non encore côtoyées par les Arabisés. Ne trouvant pas de quoi manger, le fuyard tuait son semblable et se nourrissait de sa chair. L’anthropophagie qui jusque là se pratiquait seulement en temps de guerre a été amplifiée et systématisée. La population accuse aussi à cette époque une baisse de taux de natalité, laquelle est attribuée au fait que l’homme vivait souvent éloigné de son épouse mais également à la volonté de ne pas avoir des enfants pendant ces moments difficiles.
Pour pouvoir mener à bien leur entreprise, les Arabes ont fini par collaborer avec certains chefs de clans ou en imposer d’autres. Ces derniers appelés Banyampala ou Batwana par les autochtones fournissaient de l’ivoire et des enclaves à leurs maitres. Pour ce faire, les conquérants arabisés leur donnaient des armes à feu, appelées bifumula. C’est ce que WILLAME nous dit implicitement dans le passage suivant : « Tippu-Tib, le plus capable de ces nouveaux leaders, parvint à tailler vers 1870, un véritable empire politique et commerciale au sein du pays des Bakusu (…) qui lui servaient d’auxiliaires pour la chasse à l’ivoire et aux esclaves chez les Warega. Il devenait l’organisateur de l’Etat (…) il remplaça des chefs et les confirma dans leur fonction comme eût fait un souverain (…) le sommet de sa carrière fut la signature en février 1887 d’un contrat qui le faisait gouverneur du district de Stanley-Falls. »[77]
Ainsi, des guerres inter claniques, fromentées par les Arabisés ont davantage divisé les Bakisi et les Balega en général.
Elles ont accru le nombre de victimes humaines et ont bouleversé les structures sociales, politiques et économiques existantes. A ce sujet, « Guide du voyageur au Congo belge et au Rwanda-Urundi » on écrit :
« Le pays lega fut eut être le coin du Congo qui connut les heures les plus tragiques de l’histoire. Au Sud-ouest et à l’Ouest de leurs groupement, étaient installés les centres arabes de Kasongo, Nyangwe et de Riba-Riba (lokandu) et au Nord-ouest, Kirundu ; c’est le pays de l’anthropophagie qui s’était développée dans des portions effrayantes et à la faveur des razzias opérés par les trafiquants arabes et des famines qui s’en suivirent. Les terres furent ruinées par le pillage de la chasse à l’homme et la région était devenue le pays de la terreur et du désespoir. »[78]
SECTION II : INSTALLATION DES ARABISES DANS LA ZONE DE SHABUNDA ET HISTORIQUE DE L’EVENEMENT DE LA FAMILLE MOPIPI AU POUVOIR CHEZ LES BAKISI
Sambi fut le premier Arabisé qui s’installa dans la cité de Kyoli (futur Shabunda). D’autres Arabisés se fixèrent à travers la Zone de Shabunda. Il s’agit de :
- Malilo : se plaça à Itemene (près d’Ikozi) ;
- Mahomedy : habita Bulege (en amont de l’Ulindi) ;
- Mukamaniol : s’installa à Lukundu ;
- Munié Shabudu : demeura à kyabundu ou Katandala (au pied du mont Ikozi).[79]
Ces Arabisés se comportèrent en véritables despotes dans leurs postes respectifs. Une grande cruauté caractérisera leur règne. Comme le note SALUMU, ils perforaient les lobes des oreilles de leurs sujets et otages pour les distinguer des fideles serviteurs et menaient une lutte sans merci contre les Bami.
C’est de cette époque que date la suppression de la ficelle qui faisait attacher solidairement la collecte des bami sur la tête.[80]
Ceci pour enlever le chapeau rapidement lorsqu’on aperçoit les Arabes. Elle sera réintroduite après le départ des Arabisés à la fin du XIXe siècle.
De tous ces Arabisés, Munié Shabudu nous intéresse plus particulièrement. S’il est vrai que les Bakisi n’ont pas opposé une résistance ferme contre la pénétration et l’occupation arabisées, le cas de Banabanga[81] fait une exception. En effet, suite aux excès des impositions exigées par les Arabisés, les Banabanga se sont révoltés. A plusieurs reprises, ils ont livré une guerre contre Munié Shabudu installé au pied du Mont Ikozi et ont massacré plusieurs de ses hommes. Ils laissaient rouler sur eux (Munié Shabudu et ses gens) de grands quartiers de roc.[82] Pour mettre fin à cette crise, Munié Shabudu jugea utile de composer avec ses ennemis. Une rencontre se tint entre les deux camps. Munié Shabudu en profita pour tuer deux des représentants des Banabanga qu’il soupçonna meneurs de ces révoltes.
Devant l’entêtement et l’insoumission des Banabanga, Munié Shabudu retourna à Kyoli. En cours de route, le neveu du chef des Banabanga, le nommé Kinganda, assurait la protection de Munié Shabudu et son ravitaillement alimentaire.
Ce fait montre éloquemment que la famille du chef des Banabanga vivait en bonne intelligence avec Munié Shabudu et que seuls les mebres d’autres familles Banabanga en avaient marre de lui. Certes, l’envoi de Kinganda à Kyoli en compagnie de Munié Shabudu est une manifestation de l’amitié du chef Banabanga envers ce dernier mais c’est aussi une preuve de traitrise de son peuple.
Arrivé à destination, Munié Shabudu débaptisa Kyoli et le nomma Kyabunda en mémoire du poste qu’il venait de quitter. Kyabunda sera déformé en Shabunda par les Blancs plus tard. Pour sceller, consolider et perpétuer l’amitié qui le liait au chef du clan Banabanga (Kangandyo), Munié Shabudu nomma un certain nombre de membres de la famille Kangandyo en qualité des Banyampala ou capitas de villages arabisés.
Il s’agit de :
- Kinganda, neveu de Kangandyo, devint munyampala à Shabunda ;
- Itanganika ;
- Mopipi, dirigeait avec son petit frère Mutimana le poste arabe de Mulungu. A sa mort,
- Mutimana lui succéda et prit son nom. Le même Mutimana, alias Mopipi, sera rappelé peu de temps après par Munié Shabudu pour cumuler les fonctions de munyampala à Shabunda en remplacement de son cousin défunt, Kinganda. Il convient de souligner que Mopipi et Mutimana sont tous deux fils de Kangandyo. Pendant ce temps, un autre fils de Kangandyo,
- Nsumo était désigné munyampala itinérant. Il assurait le transport des importations jusqu’à Misisi.
Des membres d’autres clans kisi ont été aussi élevés au rang des banyampala :
- Bikenge du clan basagani
- Binsilingi du clan Samanzala
- Igulu du clan Basumbu
- Isonga du clan Munwa
- Itangilwa du clan Kitundu
- Kabungulu du clan Ibandi
- Kalumbi du clan Busumbu
- Kibisa du clan Mulila
- Kigulube du clan Basuli
- Mukenge du clan bangongo, etc.
Mais la fin du règne arabe approchait. En 1897, les européens arrivèrent à Shabunda chassèrent les Arabes et s’y installèrent.[83]
Tout éphémère qu’elle ait été, la domination arabe (arabisé) sur les clans kisi a été, lourde de conséquences.
Certes, toutes les activités ont été paralysées par la présence arabe, mais d’un point de vue purement politique, on a assisté à la montée du clan.
Le clan Banabanga s’est affirmé grâce à la soumission aux envahisseurs et a pris le dessus sur tous les autres clans kisi. Cette suprématie du clan Banabanga et notamment de la famille Mopipi sera manifestée pendant la colonisation et même après l’indépendance.
CHAPITRE IV : EXERCICE DU POUVOIR PENDANT LA COLONISATION BELGE
Avec l’arrivée des Européens, un nouveau type de pouvoir est introduit et imposé dans le pays, un type qui, jusque là était inconnu chez les Bakisi ? Il s’agit du pouvoir centralisé héréditaire.
SECTION I : REGNE DE MOPIPI I MUTIMANA (1904-1930)
- Historique de la fondation du poste de Shabunda.
Comme nous l’avons déjà dit, les troupes de l’Etat Indépendant du Congo (E.I.C.) ont mis fin à la domination arabe (arabisée) sur les Bakisi en 1897. Apres avoir chassé les Arabes et les Arabisés, les Européens se sont servis de quelques uns d’entre eux comme auxiliaires. Ainsi, l’Arabisé Munié Shabudu a été utilisé pour récolter les impôts en nature (essentiellement de caoutchouc et l’ivoire) chez les Balega et les ramener à Nyangwe. Comme du temps du règne arabe, Munié Shabudu fit travailler intensément et inhumainement les Balega et se distingua par sa grande cruauté :
« …, et le Blanc commandant à Nyangwe se servit pour percevoir les prestations en caoutchouc de l’arabisé Munié Shabudu qui, brutal et voleur, pressura les Warega. »[84]
En effet, à trois reprises, Munié Shabudu détourna les importations des Banabanga portées à Nyangwe à ses fins personnelles. C’est pourquoi les Banabanga résolurent de porter leurs impositions à Misisi, poste qui venait d’être fondé ainsi que celui de Kama.[85] Sur ces entrefaites, Munié Shabudu fut rappelé par les Blancs à Nyangwe. D’autres clans Bakisi, notamment les Bokilwa, les Basuli, les Banakagela, les Banamunwa, les Banibilila, les Banibandi se joignirent au clan Banabanga pour concentrer leurs impositions à Shabunda.
Alors que Nsumo assurait le transport de ces impositions à Misisi, Mopipi dirigeait Shabunda, une agglomération de 8000 personnes à l’époque, composée essentiellement d’otages.[86]
Là aussi (à Misisi), les caravanes venant de Shabunda furent égarées par les licenciés[87] qui vivaient aux environs de Misisi. Fâché des exactions dont ces gens étaient victimes, Mopipi décida de porter ses impositions à Kama. Cette attitude de Mopipi inquiéta les licenciés de Misisi qui, voulant dissimuler leurs vols, accusèrent Mopipi de rebelle aux Blancs de Nyangwe. Ceci hâta la fondation du poste de Shabunda. En 1904, le commandant CRONE arriva à Shabunda. Il se rendit immédiatement compte que pour mobiliser et mener à bien l’opération « récolte caoutchouc » il fallait un chef puissant capable de s’imposer à tous les clans kisi. La connaissance du swahili faisait déjà de Nsumo et de Mopipi des candidats favoris ; le choix du Blanc tomba sur ce dernier car, semble t-il, son frère ainé Nsumo était faible d’esprit.
- Le régime de Mopipi I Mutimana.
La nomination de Mopipi I Mutimana en qualité de premier chef de tous les Bakisi est d’une importance capitale dans la mesure où elle a changé le cours de l’histoire. Nous avons déjà vu que chez les Balega en général et chez les Bakisi en particulier le clan constitue l’unité politique et sociale de base. La désignation de Mopipi I Mutimana à la tête de tous les Bakisi en 1904 aura été une nouveauté.
La question qui se pose est de savoir comment les autres entités claniques kisi ont accueilli cette nomination. Autrement dit si les autres clans Bakisi ne se sont pas opposés à cette décision des colonisateurs européens.
Tout d’abord certains chefs claniques n’avaient pas pris conscience de cette nomination et de ses répercutions sur le plan politique ou plutôt s’étaient imaginés que le rôle de Mopipi I Mutimana se serait limité à celui d’interprète entre les Blancs et les autochtones.
Ensuite, la très forte personnalité et la grande intelligence de Mopipi I Mutimana ont contribué en partie à assoir son autorité sur tous les clans kisi.
Ce fait est attesté par le passage suivant : « Depuis 1917, époque la plus reculée pour laquelle l’on puisse trouver une opinion écrite sur le chef Mopipi, celles qui le concernent sont unanimes à le considérer comme un chef excellent.
…, son autorité est grande et jalousée. …, il s’est montré juge parfait et politique adroit, intelligent, sachant lire et écrite, fait toujours monter d’un vif désir de savoir. Ses connaissances générales sont entendues pour un homme de sa race, il les doit aux divers agents européens qui s’intéressent toujours à lui et répondirent à ses investigations qui sont quelque fois surprenantes. (Comment fonctionne la T.S.F. ?) »[88]
Dans le même ordre d’idées, l’Administrateur territorial de village fagne constate que l’autorité de Mopipi s’est fait sentir au-delà des frontières des Bakisi. Ce qui a favorisé et poussé l’administrateur coloniale à réviser les limites du pays des Bakisi et à y incorporer les groupes claniques lega non kisi qui lui étaient favorables : « le chef Mopipi est un excellent chef. Son impartialité lui a gagné la confiance de tous ses indigènes ; sa vigilance à sauvegarder les intérêts de ses administrés lui attire chaque jour des nouveaux et nombreux partisans. Sa chefferie a subi quelques modifications quant aux groupements qui la composent ; son étendue territoriale s’est fortement agrandie… »[89]
Enfin, nommé par l’administration coloniale, Mopipi bénéficiait de son soutien. Quiconque osait lui désobéir subsistait de lourdes sanctions de la part des colonisateurs.
Toutefois, un véritable pouvoir ou une autorité repose non seulement sur la puissance matérielle mais aussi sur la croyance dans le bien fondé du pouvoir.[90] C’est pourquoi l’administration coloniale a cherché à légitimer le pouvoir de Mopipi I Mutimana. Le paragraphe suivant nous donnera des clarifications à ce sujet.
- Création de la chefferie des Bakisi en 1928 au terme du Rassemblement de Musweli.[91]
Le « Rassemblement de Musweli de 1927 »[92] a été précédé de deux autres rencontrées :
- La première qui s’est tenue en 1917, a été une prise de contact avec les délégués de trois groupements claniques importants des Bakisi, à savoir les Bamuguba, les Baliga et les Bakyunga.
- La seconde rencontre a eu lieu en 1920 et a consisté à fournir des renseignements sur l’histoire des migrations des Balega et à sensibiliser l’opinion publique sur une éventuelle création des chefferies au Bulega.
Sous le haut patronage de l’Administrateur territorial Moreau, s’est tenu un rassemblement à Musweli groupant les représentants des Balega orientaux. Il s’agit de :
– Mopipi pour les Bakisi
– Molingi pour les Bakabango et
– Longangi pour les Bamuzimu[93]
La consultation des Balega occidentaux aura lieu en 1932.
En ce qui concerne les Bakisi, les trois grands groupements claniques : Bamuguba, Bakyunga et Baliga ont été représentés respectivement par Mopipi, Katumbi et Simbo. En ce moment où l’administration coloniale tenait à créer des chefferies c’est-à-dire des collectivités traditionnelles organisées sur base de la coutume en circonscription administrative et dans lesquelles l’exercice du pouvoir est héréditaire[94], il était impérieux de retrouver à travers les généalogies les fils ainés des ancêtres éponymes de différents groupes de clans lega. Le choix de Musweli se justifie par le fait que c’est là que les Balega orientaux se sont séparés et dispersés.
Apres une semaine de discussions et de polémiques on aboutit aux résultats suivants :
- Muguba : est le fils ainé de Kisi suivi de
- Kyunga
- Liga étant le cadet.
L’autre problème qui a été débattu au Rassemblement de Musweli de 1927 est celui du pouvoir ou plus exactement de l’exercice du pouvoir politique chez les Bakisi au début du XXe siècle. En effet, le pouvoir était confusément exercé chez les Bakisi. Des ordres émanaient à la fois des chefs de clans traditionnels, des banyampala déchu et des auxiliaires arabisés. La confusion était telle que la population ne savait à quelle autorité se fier. Le texte ci-dessous est éloquent à ce propos : « Leur prestiges depuis notre arrivée, sur l’indigène n’a guère diminué, au commencement les Européennes se sont tout permis pour amener les indigènes à la station et leur faire payer l’impôt (C.T.C.) le manque d’autorité des chefs indigènes obligeant les Européens à passer par leur entremise (sic). Les arabisés afin que l’Européen ignore leurs agissements chez les indigènes, entretenant entre eux et nous une méfiance, abaisse le plus d’autorité des chefs et pour s’allier les indigènes n’hésitent pas à les avertir des projets de l’Administrateur et contrecarrer ainsi l’administration du territoire. Il est incompatible que le chef indigène ait de l’autorité et l’on en laisse aux arabisés aussi il faudrait creuser un fossé entre eux. … ils profitent des changements des chefs territoriaux pour y faire recenser des indigènes, qu’ils activent au moyen de cadence de pression (sic) sur les chefs ou de différent entre les dits indigènes. (Sic) … »[95]
Le Rassemblement de Musweli de 1927 devait donc lever l’équivoque et mettre un terme à cette situation anarchique.
Cependant, la légitimité n’est qu’un système de croyance. Il n’y a pas de pouvoir légitime en soi mais des pouvoirs que l’on juge légitimes. Un pouvoir sera jugé légitime par tel groupe parce qu’il reflète ses intérêts et non par tel autre.[96] Ainsi, le droit d’ainesse de l’ascendance Mopipi chez les Bakisi a été mis en cause par certaines personnes.
Ces gens qui, pour la plupart, sont issus des actuels groupements Bangoma et Beygala et qui, curieusement, collaboraient avec les arabisés ont été sévèrement punis par l’administration coloniale. Mais la magnanimité de Mopipi a atténué à chaque fois leurs peines.
Quant aux anciens chefs de clan, leur sort a été déterminé par le Rassemblement de Musweli de 1927 mais l’idée de mettre fin à leur pouvoir héréditaire existait déjà depuis la fondation du poste de Shabunda.
« La chefferie telle que composée actuellement a été organisée en 1923 de l’agglomération de phratries considérées primitivement comme chefferies mais non point reconnues comme telles. Ces phratries sont désignées comme fraction, dont le chef se nomme capita de fraction. Cette terminologie a été employée afin que par la suite l’on ne soit pas tenté de trouver un successeur aux actuels capitas de fraction, ils seront les derniers à exercer officiellement un commandement territorial. A leur lot, la fraction sera évidement loisible à ce dernier de designer un notable pour surveiller l’exécution de ses ordres dans les parties éloignées de sa chefferie. »[97]
En guise de conclusion, la tentative d’introduire le pouvoir centralisé héréditaire est devenue une réalité au terme du Rassemblement de Musweli de 1927 par la création de la chefferie des Bakisi une année après.
Tant que le chef de chefferie (Mopipi I Mutimana) défendra les intérêts de son peuple et se montrera soumis à l’administration coloniale jusqu’à sa mort en 1930, son pouvoir sera accepté par la population et protégé par l’administration coloniale. Mais à partir du moment où son successeur (Mopipi II Mulengeki Paul) bafouera les droits de son peuple, s’attirant par le fait même l’inimité de celui-ci, les anciens conflits claniques resurgiront, entrainant ainsi la contestation de son autorité.
VOICI LA GENEALOGIE DU CHEF MOPIPI

SECTION II : REGNE DU GRAND CHEF MOPIPI II MULONGEKI PAUL (1930 – 1946)
- Vie de Mopipi II Mulongeki Paul.
Fils de Mopipi I Mutimana et de Wakukasa, Mopipi II Mulongeki Paul est né à Shabunda en 1910 et y est mort le 08 mai 1976. Il a fait ses études primaires à l’école des enfants pour chefs de Stanley ville et deux ans post-primaires à l’école normale Saint-Gabriel de la même ville.
Investi grand chef de chefferie des Bakisi le 05 mai 1930, succédant ainsi à son père défunt, il demeurera au pouvoir jusqu’en 1946, année qui a vu sa relégation à Elisabethville. Amnistié en 1959, il reprendra ses fonctions de Grand Chef des Bakisi une année après jusqu’en janvier 1976, date à laquelle il démissionne.
- Héritage de Mopipi II.
Le jeune chef Mopipi II a hérité d’un immense territoire. Mais à la veille de son investiture, la chefferie des Bakisi a été réduite. Le groupement kwame du chef ndeke qui jusque là, faisait partie intégrante de la chefferie des Bakisi a été détaché de celle-ci et incorporé dans le secteur kumu de la Zone de Punia. Il en sera de même du groupement Bakonjo qui sera rattaché administrativement à la Zone de Walikale en 1947.[99]
Comme je l’ai déjà dit, l’introduction du pouvoir centralisé héréditaire chez les Bakisi n’est pas coutumière. Et, l’accalmie relative des clans kisi qui a caractérisé le règne de Mopipi I s’explique par sa très forte personnalité. Il a su à la fois défendre les intérêts de son peuple et satisfaire les besoins de l’administration coloniale.
Sous le règne de son fils, Mopipi II, les problèmes de tous ordres vont se poser. Les conflits coutumiers dus en partie à sa faible personnalité vont resurgir. La fainéantise et le manque d’intelligence de Mopipi II datent de son enfance. Ils se sont extériorisés depuis sa scolarité : « sa postérité (de Mopipi I Mutimana) est peu nombreuse et son unique fils Mulongeki, actuellement élève à l’école pour Fils de chefs de Stanley ville ne fait pas montres de qualité : il est fourbe ; paresseux et imbu de sa naissance, encore jeune, l’on peut espérer qu’il sera corrigé. »[100]
- Administration de la chefferie des Bakisi sous le règne de Mopipi II.
- Abus reprochés à Mopipi II.
D’une manière brusque l’autorité des chefs de clan kisi s’est désagrégée au profit d’un pouvoir centralisé héréditaire. Ainsi au lendemain du Rassemblement du Musweli de 1927 des villages et clans furent réunis dans des groupements. Ces groupements dont le nombre s’élèverait au départ à quatre à savoir :
- Le groupement Bakyunga
- Le groupement Bamuguba/Nord
- Le groupement Bamuguba/Sud et
- Le groupement Baliga
Ont été dirigés par des chefs de groupements ou des notables.
L’erreur commise par l’administration coloniale c’est d’avoir laissé la nomination des notables à la compétence de Mopipi II. Au lieu de designer ses représentants dans les différents groupements parmi les chefs des clans influant, Mopipi II a préféré imposer ses proches parents comme notables. Voyons ce que dit le Rapport AIMO à ce sujet : « Mopipi est parvenu à faire nommer comme gouverneurs de fiefs importants de la chefferie des Bakisi des parents immédiats (de la famille Benia Kakitike)
– Songa : Grand notable de Bakyunga, parents par les femmes de Mopipi
– Mukulumania : Grand notable des Bamuguba/Nord, son cousin sous germain
– Gombe : notable de Benia kamuno, (baliga), oncle maternel de Mopipi
– Kiziba : Grand notable des Bamuguba/Sud, cousin germain de Mopipi. »[101]
Comme corolaire, la population a refusé l’autorité de ces notables autant que celle de Mopipi d’ailleurs. Les anciennes contestations politiques ont réapparu et se sont cristallisées davantage.
La réaction de Mopipi et de son conseil de notables était catégorique : la relégation des indésirables ou de toute personne qui oserait porter atteinte à leur autorité. « Par ses quatre notables qui règnent sur des populations auxquelles ils sont étrangères et contrôlent pratiquement toute la chefferie, Mopipi qui, personnellement ne saurait y parvenir, tient en mais tout le conseil de notables. Dès lors, dès que quiconque ose protester au sujet des abus de Mopipi et des siens le conseil des notables propose sa relégations et l’administration, se basant sur les dires du conseil relègue l’imprudent. »[102]
Le clan des Bana Kitundu a le plus souffert de ces relégations parce que c’est lui qui contestait le plus l’autorité de Mopipi II. Ce fait est illustré par le nombre des Bana Kitundu relégué pendant le règne de Mopipi II.
Voici la liste des Bakisi relègues pendant le règne de Mopipi II.[103]
NOMS | DATE DE RELEGATION | LIEU | OBSERVATIONS |
KAKISE Jean | 06/09/1932 | Chefferie d’origine | Relégué par le Gouverneur General sur proposition Congo « Congo-Kasaï » (Vols, faux en écriture) |
MONGELINA | 20/05/1933 | Katakokombe | Relégué par le Gouverneur général (insoumission au Chef) Levée le 15/02/1937 |
KALINDI Jean | 07/03/1934 | Chefferie d’origine | Relégué par le Gouverneur général (Vols) |
KAMBULI | 06/07/1937 | Rutshuru | Motif : Sorcellerie. Proposée suite à affaire judiciaire ayant entrainé deux condamnations. Décédé à Rutshuru le 20/12/1942 |
KANDUMBI | 06/07/1937 | Rutshuru | Même motif |
ASEMAKE Joseph | 20/12/1937 | Chefferie | Motif : Trafic d’or |
AMBUMA ASSUMANI | 11/07/1941 | Shabunda | Motif : Recel d’or. Levée le 24/04/1945 |
KIMANGANANGA | 22/11/1941 | Village | Motif : Recel d’or |
MBILI | 02//08/1943 | Fizi | Essai d’usurpation du pouvoir |
TANGANIKA | 02/08/1943 | Beni | Même motif. Décédé le 26/10/1944 |
SONGA | 26/07/1944 | Beni | Motif : insoumission. |
Il ressort de ce qui précède que pour les personnes reléguées soit dans leur chefferie d’origine, soit dans leur village natal, il leur est interdit tout simplement de sortir de la surface de leur lieu d’exil.
Selon, De Ryck, seules les relégations de Mongelima, de Mbili et de Tanganika ont été provoquées par Mopipi. Celle de Mongelima : le chef Mopipi n’était pas investi que depuis peu de temps à cette époque et il y a peu de chance qu’il ait déjà voulu écarter arbitrairement un notable qui l’empêchait d’abuser de ses pouvoirs. La relégation fut d’ailleurs levée en 1937.
Celles de Kambuli et de Songa : A.T. de Shabunda dit lui-même qu’elles étaient pleinement justifiées. Celles de Mbili et de Tanganika avant de décider de ces relégations je me suis entouré de toutes les garanties nécessaires et voulues. L’administrateur de l’époque a introduit des propositions circonstanciées appuyées du compte rendu détaillé de la réunion d’un conseil de notables. Le chef Mopipi et deux notables se sont présentés en personne et ont été entendus à Costermansville ; j’ai fait examiner ma proposition par mon assistant qui connaissait à fond le territoire de Shabunda pour l’avoir administré pendant plusieurs années et j’ai même demandé à Monsieur le Gouverneur de province s’il ne désirait pas recevoir ces autorités indigènes avant qu’ils retournent à Shabunda.[104]
En ce qui concerne la justice, Mopipi II ne pressait guère les tribunaux indigènes. Tres souvent pour combler le déficit de la caisse de la chefferie, Mopipi se déplaçait, infligeait arbitrairement de amendes aux gens sans délivrer de quittances : « Mopipi règle la façon simple certains litiges. Qu’il ait un déficit dans la caisse du tribunal (dans laquelle il ne cesse de puiser) il la règle pour une tournée d’inspection…
(Les indigènes appellent cela Safari ya kabinet). Qu’un de ses favoris ait un déficit d’encaisse, il est prêt à tous les expédients.
Tel le cas du greffier Sawasamba. Celui-ci ayant un déficit, le chef Mopipi fait simplement vendre les biens de tous les indigènes du village Kalipa dont Sawasamba est originaire. »[105]
Tout capita du village qui osait se plaindre des agissements de Mopipi se voyait destitué, condamné ou déporté. L’administration coloniale finira par déjouer la manœuvre de Mopipi comme montre le passage suivant : « Mopipi a géré sa chefferie avec un despotisme extrême pour des fins qui l’intéressaient personnellement ou qui intéressaient sa famille. Il a demis de nombreux capita sans prendre l’avis de l’A.T. à ce sujet. Ainsi le capita Malonga du village de Kimbande (87 hommes) demande à Mopipi des explications au sujet de 21 amendes de 75 francs infligées à ses gens en mai 1944 sans que quittances soient délivrées. Malonga est détenu 13 jours par Mopipi. Fin 1944 Malonga souleva à nouveau la question. Mopipi lui enlève son commandement après avoir réuni un conseil de notables de fantaisie. Malonga début 1945 demande à Mopipi pourquoi il a fait infliger irrégulièrement 18 amendes de 150 francs à des femmes de son village. Mopipi le détient ainsi que son fils, pendant trois mois et essaie d’user de son arme habituelle contre ceux qui osent élever la voix centre ses abus : la relégation. Mais la manœuvre cette fois, échoue. Malonga était en fonction depuis 20 ans. »[106]
- Facteurs expliquant la défaillance de Mopipi durant son règne
Le premier facteur qui explique l’exercice abusif du pouvoir par Mopipi est son manque d’expérience et sa méconnaissance ou plutôt sa connaissance insuffisante des coutumes et traditions kisi. Il a passé son enfance, son adolescence et le début de sa jeunesse sur les bancs de l’école à Stanleyville. Et, lorsqu’il est rappelé en 1930 pour succéder à son père défunt, Mopipi semble sous-estimer ou ignorer les conflits politiques latents datant du règne de son père. Il ne déploie pas non plus d’efforts pour s’attirer la sympathie et l’amitié des autres clans. Il néglige l’apprentissage des coutumes ancestrales. Son entourage est constitué principalement de vieux conseillers de son clan Banabanga lesquels cherchent à tout prix à asseoir l’autorité de Mopipi par la force et à se venger contre tous ceux qui oseraient mettre en péril le pouvoir de Mopipi. Le texte suivant illustre ces faits : « il faut retenir à son désavantage que son éducation reçue loin de son milieu familial et social a d’abord influencé sa mentalité et son attitude lors de son retour au pays, où une kyrielle de parasites et de mauvais conseillers l’a immédiatement entouré, le poussant à adopter une conception abusive de son pouvoir. De plus cet éloignement l’a isolé durant des années de la vie coutumière et sa connaissance des us et coutumes Warega est toute limitée : il n’a fait à ce sujet que bien peu d’efforts pour se les assimiler et cette indifférence aux affaires du pays provoque du reste maintes erreurs de sa part… »[107]
Ensuite, il faut noter un certain relâchement de la moralité de la part de Mopipi. Les Bakisi racontent que lorsqu’il inspectait un village, la première chose qu’il demandait c’était la boisson : l’alcool (lutuku), la nourriture était accessoire et parfois il passait des journées entières sans manger.
Même en plein conseil de notables, il se retirait chez lui pour boire un verre de lutuku puis regagnait l’assemblée pour continuer les discutions. Bien entendu, cette passion de boire n’était de nature à favoriser l’exercice normal et légal du pouvoir. « Quant à sa tenue morale, tout le monde sait que Mopipi reste ivrogne. Il est ravitaillé en alcool (lutuku) par divers fournisseurs. L’un d’eux dit que Mopipi lui a déclaré qu’il ne courrait aucun risque avec les autorités puisqu’il était son fournisseur à lui, grand chef Mopipi. »[108]
L’autre facteur qui explique la défaillance de Mopipi II dans l’exercice de ses fonctions c’est l’emprise du bwami. Nous avons déjà dit que les bami, surtout les hauts dignitaires (Yananio et Kindi) se sont substitué à l’autorité politique. Ils prennent des décisions irrévocables. L’arme habituelle qu’ils censés posseder et qui terrorise la population est la sorcellerie. Ainsi, pendant certaines période de l’année, au moment où se déroule le mpala ou cérémonie d’initiation au bwami, les villageois (adeptes et profanes) cessent toutes les activités et admirent, contemplent les danses exhibées par les bami. Même les cultures obligatoires de l’administration coloniale ne sont pas exécutées pendant le mpala. Les autorités coloniales, ignorant la coutume du peuple s’en prenaient à Mopipi et le pénalisaient, le traitant de négligeant. C’est ainsi qu’au mois de mai 1935, le C.D.D. du Maniema a infligé au chef Mopipi une peine disciplinaire d’un mois de privation de traitement pour avoir manqué à ses devoirs de chef en négligeant d’exécuter les ordres qui lui avaient été donnés, notamment : contrôle de l’exécution des travaux agricoles et autres prescrits aux chefferies.[109]
D’autre part Mopipi n’osait pas arrêter ou emprisonner les hauts dignitaires bami qui ne payaient pas d’impôts craignant leur vengeance.
Il convient de mentionner qu’à cette époque Mopipi n’était pas encore initié au bwami et que ses prises de positions en matière coutumière lui étaient généralement dictées par son entourage dont certains membres occupaient de hauts grades dans la hiérarchie du bwami. Parfois, craignant les conséquences fâcheuses qui pourraient lui arriver, Mopipi refusait de percevoir l’impôt payé par les hauts dignitaires bami. Ainsi, le 29/09/1943, Mopipi a été privé de trois mois de traitement pour avoir renvoyé les contributions qui lui portaient l’impôt sans percevoir celui-ci.[110]
Les populations kisi n’ont vu en Mopipi et en ses collaborateurs que des bourreaux, des dominateurs soutenus par les Blancs qui se sont substitués aux Arabes. Elles avaient envers eux crainte et méfiance à la fois, crainte d’être reléguées ou emprisonnées, et méfiance envers l’exercice abusif de leur pouvoir.
Le moindre prestige dont Mopipi jouissait encore dans sa chefferie provenait de la grandeur, du mérite et de la dignité de son père.
Quant à l’administration coloniale, elle a considéré Mopipi II comme un saboteur qui démolissait toute son œuvre et qui transgressait ses ordres. Le seul projet de l’administration coloniale que Mopipi a pu mener à bien est le glissement des populations kisi vers la région de Kasese.
De quoi s’agit-il ?
Kasese est une collectivité située actuellement dans la Zone de Punia mais qui a des frontières communes avec la Zone de Shabunda. Habité par les Bakwame (voisins des Bakyunga-Bakisi) qui sont relativement peu nombreux, Kasese s’est révélé après prospections minières une région riche en minerais de cassitérite. Trois compagnies minières s’y sont implantées.
Il s’agit de :
- La SYMETAIN
- La COBEIMIN
- Le C.N.K.I.
Mais, comme les problèmes de main d’œuvre et de ravitaillement en vivres se posaient avec acuité, l’on proposa deux possibilités :
- Création des fermes ou
- Transplantation des populations.
Finalement l’on adopta la dernière solution. L’administration coloniale saisie de la question procéda au recrutement de 5000 travailleurs chez les Bakisi, Bamuzimu et Bakabango par le truchement de leurs chefs coutumiers respectifs : Mopipi, Longangi et Mopipi II (de 1942 à 1945).
Ces derniers avaient comme tache de sensibiliser leurs populations ou plutôt les convaincre à accepter l’offre de l’administration coloniale. Pour ce faire, ils promettaient monts et merveilles notamment la possibilité de s’enrichir rapidement, de se procurer phonos, chaussures moyennant vente de vivre, etc.
Une fois arrivés à Kasese, les transplantés ont été déçus, et, s’ils n’ont pas pu retourner dans leurs régions natales c’est parce qu’ils étaient contraints à œuvrer dans des mines de cassitérites.
La conséquence logique de la conduite de Mopipi II fut sa destitution suivie de sa relégation à Elisabethville le 17/09/1947. Avant d’atteindre cette ville, Mopipi a passé un séjour en qualité de prisonnier successivement à Masisi et à Lusambo. Ainsi la destitution de Mopipi a mis fin passagèrement au système de chefferie chez les Bakisi. Un nouveau système a vu le jour. Il s’ agit de celui de secteur. C’est cela qui constituera l’objet du paragraphe suivant.
- Le secteur des Bakisi sous l’administration de KYALALA André (1947 – 1960)
- Notion du secteur.
Définir comme étant « une entité ou une circonscription administrative formée par la réunion des groupements traditionnels numériquement trop faibles pour se développer harmonieusement dans tous les domaines »[111], le système de secteur semble conforme et adapté aux mentalités et aux structures sociopolitiques des Bakisi et des Balega en général. En effet, dans un secteur, le pouvoir est décentralisé et les différents groupements qui le composent jouissent d’une large autonomie.
Le seul inconvénient est que la nomination du chef de secteur transcende les institutions coutumières. Elle émane des autorités politico-administratives de l’Etat et ne reflète pas toujours la volonté des administrés. Il aurait été « trop commode, dit MOELLER que l’organisation d’un secteur se bornait à réunir les chefs, souvent déjà nantis d’une investiture plus au moins légitime, à décider que l’un d’eux aura juridiction sur les autres, à dépouiller ceux-ci des insignes qu’ils ont portés, des avantages dont ils ont bénéficié, pour les réserver à un chef choisi. Le chef ainsi désigné sans préparation, sans ascendant, se heurte à l’hospitalité déclarée ou sournoise des chefs naturels des communautés incorporées dans le secteur. »[112]
- Administration de Kyalala.[113]
- Avènement de Kyalala
Fils de Katumbi, ancien munyampala (chef investi par les Arabes) et notable du groupement Bakyunga. Kyalala a été nommé chef du groupement Bakwame par l’administration coloniale compte tenu du grand nombre de transplantés kisi dans la région de Kasese vers 1945.
Apres la déchéance suivie de la colonisation et de la relégation de Mopipi II en 1946, il s’est posé le problème de succession. On a tenté de confier la direction des Bakisi à l’un des petits frères de Mopipi II, Bitingo et Matalatala encore mineur pour perpétuer ainsi le système de chefferie mais en vain. L’administration coloniale avait opposé son véto et était désireuse de mettra fin au règne de la dynastie Mopipi. C’est la raison pour laquelle fut créé en 1946 le secteur des Bakisi dont le premier et l’unique chef d’ailleurs est le nommé Kyalala André. Jusqu’en 1960 Kyalala dirigea le secteur des Bakisi tant bien que mal.
Au retour de Mopipi II en 1960, Kyalala démissionna légalement et œuvra dans le régime, le nouveau régime Mopipi II en qualité de président du Collège permanent[114] jusqu’en 1964. Depuis lors, il dirige un des courants opposés à la dynastie Mopipi.
- Réalisations
Depuis son entrée en fonction jusqu’à sa démission volontaire en 1960, Kyalala s’est montré travailleur loyal et fidele serviteur de l’administration coloniale.
Son avènement au pouvoir a coïncidé avec l’annexion de trois autres groupements portant ainsi le nombre de groupements des Bakisi à sept. Il s’agit de (avec les différents notables qui se sont succédés) :
- Bamuguba/Nord : Mukulumania, Ngombe, Kekambezi
- Bamuguba/Sud : Kiziba, Laisi, Kiluwe, Laisi
- Baliga : Omali Simbo, Kamabeza, Amuli, Mubake
- Bakyunga :Songo, Katumbi, Sadiki, Falahani, Bizambila
- Bangoma : Kandenga, Kisumba, Monga Alimasi
- Beygala : Kingombe, Shabani Miseka
- Bagabo : Kakuli, Bendera, Mwelwa, Kasa[115]
Il a mis convenablement en exécution les cultures imposes de palmier élias à l’Ouest de Shabunda qui, rappelons le, est un pays plat.
La population de cette partie de Shabunda lui reste reconnaissante à ce propos. En effet, l’Ouest de la Zone de Shabunda, dans les quatre groupements de Bagabo, Beygala, Bangoma et Bakyunga, l’huile de palme ne pose pas de problème. Le prix d’une bouteille d’huile de 75 cl. Revient à 20 makuta.
Quant à la partie orientale (pays de plateau dit de montagne) les cultures obligatoires de caféier n’ont pas été rentables.
Dans le domaine social, dispensaires, école primaires, un athénée interracial, une école normale pour garçons, une école normale pour filles ont été construits. A cela, il faut ajouter la constriction d’un SANATORIUM à cinquante lit par CEMUBAC en 1952 et la construction d’un hôpital général de Shabunda qui n’a rien à envier à celui de Bukavu.
Quant au logement, les autochtones de la partie occidentale du territoire ou plutôt de la collectivité des Bakisi ont bénéficié des prêts de tôles et briques pour la construction de leurs maisons.
Bref, l’administration des Bakisi à l’époque de Kyalala a été dans l’ensemble stable à cause de l’accalmie relative des années 50. Et, les réalisations socio-économiques énumérées ci-haut ont été rendues possibles grâce à la relance et à l’essor des investissements au Congo Belge après la seconde guerre mondiale. Enfin, pour ses très bons et loyaux services, Kyalala André a obtenu la carte de mérite civique en 1958.[116]
- Reproches
Si l’œuvre de Kyalala présente dans l’ensemble un bilan positif, elle n’a été profitable que pour une partie de la population. Kyalala, pour ses réalisations, a négligé délibérément la partie Est, constituée des groupements Bamuguba/Sud, de Mopipi II. Il s’est ainsi attiré l’inimitié de ses trois groupements qui, pourtant, sont numériquement plus importants que les quatre autres.
Voyons ce que KILUWE écrit à ce sujet : « Pendant l’exercice de ses fonctions, le chef Kyalala voyant que les Banabanga lui refusait toute collaboration, cependant du coté de ceux de l’Ouest qui lui témoignèrent leur collaboration et délaissa ainsi les habitants des groupements Bamuguba/Sud et Nord. »[117]
Autant que Mopipi II, il s’y connaissait très peu en matière de coutume. Son autorité était boudée et pour l’asseoir il a usé abusivement du pouvoir judiciaire.
« Le plus déplorable c’est que le tribunal était chaque fois présidé par le chef de secteur des Bakisi qui semble devoir suppléer à son manque d’autorité et de prestige par un emploi abusif de l’appareil judiciaire… l’intervention du chef de secteur m’a paru malheureuse, ce chef prit des lois et de tribunaux. »[118]
Les membres du collège permanent des Bakisi étaient exclusivement et entièrement composés des Bakisi de l’Ouest. Kyalala était ainsi animé d’un esprit de clanisme et de régionalisme qui lui sera néfaste au terme du referendum de 1959 entre lui et Mopipi II. Les vieux Bami kisi accusent faussement Kyalala d’avoir conditionné l’administration coloniale à supprimer la pratique du bwami en 1948.
L’application de cette décision coloniale fut plus effective à Shabunda et Mwenga qu’à Pangi. « … le bwami fut interdit par l’administration coloniale en 1948 mais cette mesure fut appliquée à Pangi d’une façon plus libérale qu’à Mwenga et Shabunda. A Pangi, les réunions des Bami continuèrent à être tolérées pourvu qu’elles soient discrètes, tandis qu’à Shabunda et Mwenga l’ordonnance d’interdiction fut strictement appliquée. »[119]
Deux faits semblent expliquer la suppression de la pratique du bwami en 1948. D’une part les cultures obligatoires et les travaux forcés se trouvaient souvent freinés par la pratique du bwami, d’autre part les missionnaires catholiques voyaient en cette association secrète un handicap sérieux au prosélytisme religieux. Enfin, Kyalala s’est servi lui aussi de la relégation pour écarter les opposants à son régime.
En guise de conclusion nous pouvons dires que le régime Kyalala a connus une ère de stabilité et de prospérité du point de vue des réalisations socio-économiques. Mais, seule une partie de la population a bénéficié de ces acquis. Les hommes de l’Est étaient soupçonnés partisantes de Mopipi II relégué et par le fait même privé des réalisations du chef de secteur. L’interdiction du bwami en 1948 a amplifié l’opposition qui existait entre Kyalala et les Bami. Ces derniers ont influencé les jeunes et les profanes à cultiver la haine de Kyalala. Ce sentiment s’extériorisera au referendum de 1959 qui se termina par la victoire de Mopipi II libéré. Ainsi, le système de secteur disparut tandis que les Bakisi furent de nouveau organisés en chefferie.
CHAPITRE V : EXERCICE DU POUVOIR APRES L’INDEPENDANCE
SECTION I : RETOUR DU CHEF MOPIPI II ET REPARTITION DE LA CHEFFERIE
Vers la fin du régime colonial (en 1959), une amnistie générale fut proclamée à l’endroit de ceux des relégués politiques et religieux qui étaient réclamés par les leurs. En ce qui concerne Mopipi II, il rentra à Shabunda en octobre 1959. Sa libération et son retour furent sollicités aux autorités coloniales par la masse des groupements Bamuguba/Nord, Bamuguba/Sud et Baliga et par les jeunes intellectuels kisi qui vivaient dans les centres urbains. Parmi ceux-ci Kiluwe joua un rôle considérable.[120]
Les autorités coloniales ne voulaient plus confier la direction des Bakisi à Mopipi II compte tenu de son passé noir mais devant la déception des trois groupements cités ci-haut par le régime Kyalala et devant l’enthousiasme de tous les bami kisi de voir Mopipi II reconduire la tête des Bakisi, un referendum fut organisé. Les résultats furent de plus favorables à Mopipi II. Il faut noter que les bami, lesquels ont une emprise considérable sur le reste de la population, nourrissaient l’idée que la reconduction de Mopipi II à la tête des Bakisi signifierait la reprise de la pratique bu bwami. D’ailleurs, une fois investi en avril 1960, Mopipi II s’est fait initié au bwami. Il a payé une quantité considérable des biens et s’est fait couronné directement kindi en sautant les grades intermédiaires. Ce geste n’est pas coutumier, mais c’était une façon de remercier Mopipi II d’avoir réintroduit le bwami chez les Bakisi.
Le système de secteur tomba avec la défaite de Kyalala aux élections de 1959, tandis que réapparaissait le système de chefferie. La succession des régimes chez les Bakisi est résumée par le rapport suivant :
« En 1928, les Bakisi furent organisés en chefferie et eurent comme chef le Grand Mopipi qui mourut le 05 mai 1930. Son fils Mopipi Paul Mulongeki lui succéda.
Faute de successeur au départ de celui-ci en 1945, la chefferie fut constituée en secteur des Bakisi par arrêté n°21/111 du gouverneur de province en date du 14 août 1946.
Les groupements de Bakwame et Bakondjo ayant été rattachés respectivement aux territoires de Lubutu et de Walikale, vu leurs affinités avec les Babira et avec les Bakano, le secteur des Bakisi fut l’objet de ma décision n°191 du 24 septembre 1959.
Le retour de Mopipi Paul rend aux Bakisi la personne la plus qualifiée selon la coutume pour exercer les fonctions de chef de la chefferie ; c’est le vœu qui fut exprimé lors de la réunion du 20 mai 1960 à Shabunda, vœu qu’entrainant le collège exécutif provincial en sa séance du 30 mai 1960.
Il convient donc de constituer à nouveau les Bakisi en chefferie, comme ils le furent de 1928 à 1946. »[121]
A partit de ce moment, on commença à designer Mopipi par le titre du « Mwami des Bakisi ». Certes, cette appellation provenait de son appartenance à la hiérarchie sociale du bwami mais aussi ce titre revêtait désormais un caractère politique. L’appellation Mwami des Bakisi distinguait dorénavant Mopipi II des chefs de groupements.
Cette appellation, Mopipi II l’a adopté en imitant le mwami Kabare des Bashi qui, lui, a été relégué à Léopoldville et amnistié au même moment que lui.
En ce qui concerne Kyalala, Mopipi II ne l’a pas totalement écarté de la chose publique. Il a maintenu le collège permanent datant du règne de Kyalala et a confié sa direction à celui-ci. Le mandat de son collège a pris fin en 1964 et n’a pas pu être renouvelé. Afin de cumuler les fonctions de chef du collège permanent, Mopipi II fit appel à son petit frère Matalatala qui travaillait alors au service des impôts à Elisabethville. Il lui délégua une partie de son pouvoir.
Matalatala en profita pour s’attribuer la quasi-totalité des fonctions de la chefferie : premier membre du collège permanent, secrétaire et receveur de la chefferie, etc.[122]
Il s’en suivit une désorganisation totale de l’appareil financier de la chefferie. Les gens régulièrement rémunérés ne l’étaient plus tandis qu’il dilapidait d’énormes sommes d’argent à des fins qui l’intéressaient personnellement.[123]
Quant à Mopipi II, se fiant à son petit frère, à qui il avait laissé le soin d’administrer la chefferie, il s’occupait, lui des cérémonies d’initiation au bwami.
Son but était de renforcer son pouvoir en le légitimant dans la coutume par l’initiation au bwami et l’adoption du titre mwami comme au Bushi avec espoir de consolider l’institution et de le séparer de l’administration pure d’origine européenne confiée à un fonctionnaire en l’occurrence son frère.
SECTION II : OPPOSITION DES QUATRES GROUPEMENTS
Il s’agit d’une tentative des groupements Bakyunga, Bangoma, Beygala et Bagabo de se détacher de la chefferie des Bakisi pour former le « Secteur Malinga ». Elle remonte à la reinvestiture de Mopipi II en 1960. Pendant le règne de Kyalala, les différents groupements géraient indépendamment leurs affaires mais avec le retour de Mopipi II au pouvoir on a tout décentralisé. Cette recentralisation administrative a privé les différents chefs de groupements de leurs avantages d’atan.
L’élimination politique de Kyalala en 1964 a mis l’huile dans le feu. Depuis, l’opposition des « Quatre groupements » à Mopipi II s’est cristallisée. Les Quatre groupements ont manifesté leur désir de se rattacher à la province du Maniema où le système de secteur est généralement appliqué tandis que les trois autres groupements ont voulu se rallier à la province du Kivu central où le système de chefferie est en vigueur.
Cette controverse politique aboutit à la déclaration de Shabunda « Région contestée » en 1963. En effet, l’unique député national du territoire de Shabunda, François Bitingo apposa sa signature à Léopoldville dans un premier temps faveur du rattachement de Shabunda à la province du Maniema, mais, informé tardivement de la prise de position des députés provinciaux originaires de Shabunda pour le rattachement de leur territoire à la province du Kivu-central, Bitingo tenta en vain de retirer sa signature. C’est la raison pour laquelle Shabunda fut déclaré Région ou territoire contesté (c’est-à-dire ne dépendait ni de la province du Maniema ni de la province du Kivu-central mais relèverait directement du gouvernement central) et soumis au referendum.[124]
Le gouvernement central y dépêcha un administrateur spécial en la personne de IKANGA Victor pour redresser la situation est préparer le referendum libre et démocratique.
Mais celui-ci se laissa corrompre par la famille Mopipi et en profita pour amasser des richesses. Voyons ce que KILUWE relate à ce sujet : « Celui-ci Ikanga Victor trouve cette situation désorganisée dans la collectivité locale des Bakisi, au lieu de redresser comme c’était son devoir, il appuya ces bêtises, ayant reçu en cadeau une fille de Mopipi Paul et des sommes énormes d’argent. »[125]
Ikanga Victor a donc failli à sa mission. Il faudra attendre 1965 pour que le referendum ait lieu et pour que la population vote en faveur du rattachement de Shabunda au Kivu-central.[126] Jusqu’à présent, l’opposition des « Quatre groupements » demeure vivace. Ils saisissent toutes les occasions pour revendiquer leur droit à l’autonomie et pour incriminer la famille Mopipi.
SECTION III : TENTATIVE DE SCISSION DES GROUPEMENTS KIBAMBALIGA
Cette tentative est d’une importance non négligeable car pendant plusieurs années elle a secoué toute la collectivité des Bakisi et a mis en péril l’autorité de Mopipi. L’artisan de ce courant séparatiste est KILUWE Muzenze.
- Vie de KILUWE Muzenze.
Fils de Muzenze Samugusu Mwibya et de Waminya Mwepa, Kiluwe est né vers les années 1932 à Mulanga dans la Zone de Shabunda.
Il a fait ses études primaires à Mungombe, ses études secondaires (école des moniteurs) à Shabunda. En outre, il a fréquenté les cours de perfectionnement à Bukavu pendant trois ans. Ses années d’études mises ensemble correspondant en gros aux humanités commerciales complètes.
Tour à tour commis-magasinier à la Société COBEIMIN/Kasese (1952 – 1954), commis dactylographe à la REGIDESO-Bukavu (1954 – 1958), puis au Secrétariat de la ville de Bukavu (1959).
Lors de l’accession de notre pays à l’indépendance le 30 juin 1960, il exercera les fonctions de chef de poste à Mushekere, l’Administrateur territorial assistant principal à Shabunda (1962) puis à Mwenga (1953).
A partir de 1964, il abandonne la carrière administrative et se lance dans la politique. Il assurera durant cette année les fonctions de Secrétaire de Cabinet dans le ministère des affaires sociales puis dans celui de la fonction publique de la province du Kivu-central.
En 1965, il est élu chef de groupement coutumier des Bamuguba/Sud. Il exercera ses fonctions jusqu’en 1971.
A l’heure qu’il est, Kiluwe Muzenze est dactylographe à l’UNAZA-ISP/Bukavu.
- Processus de l’avènement au pouvoir de Kiluwe Muzenze à la tête des Bamuguba/Sud.
Jusqu’en avril 1965, Shabunda demeurait toujours territoire contesté. Les instances suprêmes du pays renouvelèrent les élections législatives (Parlement et Senat) et du fait d’un statut spécial, Shabunda est une commission électorale à part. C’est au cours de ce mois que la population de Shabunda vota pour son appartenance au Kivu-central.
Au terme des élections, Bitingo (François) fut reconduit au poste de Député national tandis que Kamakanda (Lazare), Bwidombe (Adolphe), Nyatemu (Bernard), Mongamba (Gérard) et Moligi (Raymond) furent élus députés provinciaux ; ces derniers devaient à leur tour choisi les sénateurs pour l’Assemblée nationale. Kiluwe Muzenze (Venance) et Abedi (Fidèle) posèrent leurs candidatures mais aucun d’eux ne fut élu. Chaque candidat obtint une voix. Les quatre autres, selon les dires de Kiluwe, ayant été vendues.[127]
Lorsque Boji (Dieudonné) est élu gouverneur de province, il demande à chaque territoire de présenter un candidat ministre. Mais, les députés de Shabunda ne présentèrent pas des candidats alors que Kiluwe était disposé.[128]
Devant ces défaites successives, Kiluwe se rendis compte que ses collègues politiques et frères de Shabunda (de la famille Mopipi surtout) ne voulaient pas de lui. D’ailleurs lors des élections législatives, les bulletins de Kigulube, son fief électoral, ne furent pas dépouillés. En effet, pendant qu’on votait à Kigulube le 29/04/1965, la commission électorale de Shabunda publiait déjà les résultats de vote prétextant se référer au mot d’ordre du chef de l’Etat de l’époque. En réalité la communication du chef de l’Etat consistait en ceci : ne plus organiser les élections non encore débutées avant le 30 avril 1965.[129] C’est la raison pour laquelle il se tourna vers la politique coutumière en vue de se venger contre ses collègues politiques issus en grande partie de la famille Mopipi.
Il se mit à contester l’autorité du vieux chef de groupement Bamuguba/Sud, Laisi Kamakangi, ancien serviteur de Mopipi I puis de Mopipi II, placé à la tête du groupement Bamuguba/Sud pour le récompenser des services culinaires rendus à la famille Mopipi.
Non seulement Laisi était instrument de la domination de la dynastie Mopipi sur les Bamuguba/Sud mais aussi Kiluwe lui reprochait la fainéantise. En effet, depuis son investiture, Laisi n’avait rien réalisé chez les Bamuguba/Sud. Kiluwe proposait donc de le remplacer. Il légitimait ses revendications en affirmant son appartenance au clan Kingamba, un des grands clans influents de l’époque précoloniale sur une bonne partie des Bamuguba/Sud. Il proposait une fois élu, la scission de la chefferie des Bakisi en deux puisque trop vaste pour être dirigée par une seule personne. Voyons ce qu’il écrit à ce propos : « le secteur ou chefferie des Bakisi est très étendu, peut atteindre une distance d’environ 400 kms x 400 =1 600 Km², ainsi, le chef actuel étant trop vieux et ne voulant pas déléguer une partie de son pouvoir à quelqu’un capable de contrôler toute l’entité, le pays n’a personne pour s’occuper de son administration et tout est paralysé… il existait avant l’indépendance un projet de création d’un territoire à Kigulube qui réunirait notre groupement et celui de nos voisins les Baliga avec lesquels nous avions toujours collaboré indépendamment avant la suppression de nos entités incorporées dans le Secteur des Bakisi. »[130]
Saisies de ces doléances, les autorités provinciales décidèrent de lever l’équivoque. Le gouverneur Boji chargea son ministre des affaires intérieures, NDUME (Laurent), d’enquêter sur les différends Kiluwe – Laisi, d’organiser, le cas échéant, les élections entre les deux hommes et de veiller personnellement au déroulement de ces élections. Ce qui fut fait. Kiluwe l’emporta sur Laisi avec 697 voix contre 517.
La même commission organisa les élections dans le groupement des Baliga entre Mubake (Julien) et Kamabeza Amuli. Le premier a été écarté du pouvoir par Mopipi II en 1963 et remplacé par le second. Mubake sortit victorieux de ces élections.
Les résultats des élections devaient être soumis à l’approbation du Conseil des Bakisi selon les instructions des autorités provinciales.
En date du 17/08/1966, Kiluwe fut confirmé Chef du groupement Bamuguba/Sud.[131]
- Exercice du pouvoir par Kiluwe chez les Bamuguba/Sud (1965 – 1971).
Une fois confirmé dans ses fonctions de grand notable des Bamuguba/Sud, par le conseil des Bakisi, une campagne de dénigrement fut entamée contre Kiluwe par mwami Mopipi. Ce dernier avait d’autant plus peur de Kiluwe qui était le seul lettré au vrai sens du mot de tous les chefs de groupements kisi. Il craignait que tôt ou tard Kiluwe ne porte atteinte à son autorité. D’ailleurs, Kiluwe était ou plutôt se voulait l’incarnation de la nouveauté et du progrès. En plein conseil des Bakisi, tenu le 18/08/1966, le chef Kiluwe fit allusion au problème de payement des chefs de groupements qui, depuis l’accession du pays à l’indépendance, n’étaient plus rémunérés.
On décida que, dorénavant, les chefs de groupements seraient rémunérés mensuellement selon le nombre d’habitants de leurs ressorts respectifs.[132]
En outre, Kiluwe appliqua de façon stricte la décision des autorités provinciales supprimant pour la seconde fois la pratique du bwami dans le territoire de Shabunda.[133]
Il mena également une lutte sans merci contre
- Le paratisme qui devenait une mode en interdisant la prise de repas en commun au barza chez les Bamuguba/Sud et
- La délinquance juvénile en punissant sévèrement les prostitués et les fumeurs de chanvre.
Sur le plan économique, il encouragea l’agriculture, et, pour écouler les vivres des paysans il signa une convention avec la société minière Kivu-mines opérant à Kigulube (dans la Zone de Shabunda). D’autre part, il décréta la mobilisation des paysans à la réflexion des routes d’intérêt général et privé en collaboration avec la Kivu-mines. Cette dernière fournissait aux populations de Kiluwe des pioches, bêches, machettes, brouettes,…
Dans le domaine social, il rendit possible l’accès quasi-gratuit des populations aux dispensaires de la Kivu-mines. Il réglementa le commerce en fixant et en luttant contre la hausse des prix.
Comme on le voit, le programme de redressement de Kiluwe était très chargé ; une collaboration franche et sincère avec ses supérieurs s’avérait nécessaire pour le mettre en exécution. Ce qui ne fut pas le cas. En effet, des complots visant à son élimination physique, des accusations portées contre lui devant les autorités et au Tribunal de 1ère Instance de Bukavu n’étaient pas de nature à lui permettre d’administrer convenablement son groupement.
Apres ces tentatives vaines d’élimination politique de Kiluwe, les partisantes de Laisi et partant de Mopipi se livrèrent au sabotage de l’autorité de Kiluwe, en interdisant aux paysans de payer l’impôt aux percepteurs de Kiluwe, en invitant la population à l’insoumission total au nouveau chef. D’autre part, les populations fideles à Kiluwe désobéissaient aux ordres qui émanaient de Shabunda.
En vue de faire réintégrer les villages partisans de Kiluwe à la juridiction effective de Shabunda, le chef de poste de Kigulube, Mbulanga (Bernardin), se rendit au village natal de Kiluwe, Mulanga. Mais, devant le refus des partisans de Kiluwe de se soumettre à l’autorité administrative de Shabunda et devant leur tentative de se rebeller, une fusillade éclata à Mulanga. Elle se termina par la mort d’une personne et de plusieurs autres grièvement blessées.
Les Bamuguba/Sud ont connu une période très critique pendant l’administration Kiluwe caractérisée par l’abandon de villages le long des routes et la fuite dans la foret, les famines, etc. Et tous ces malheurs étaient attribué à l’avènement de Kiluwe au pouvoir.
Il convient aussi de noter au désavantage de Kiluwe la rigidité de son administration à une époque où il avait intérêt à faire montre de beaucoup de souplesse. Il torturait, pour se venger, les partisans de Mopipi qui lui tombaient sous les mains et restaura l’emploi des matraques. L’usage de matraques évoquait pour les payants un mauvais souvenir : la période coloniale. En outre, il s’attacha trop aux jeunes et sous-estima le rôle des vieux, surtout des bami. Il sembla oublier que les jeunes sont généralement malléables et qu’ils se laissent entrainer par tous les vents.
Le grand événement qui porta un coup dur au régime Kiluwe reste la suppression du bwami. Curieusement, quelques mois avant l’avènement de Kiluwe au pouvoir chez les Bamuguba/Sud, le bwami fut supprimé pour le seconde fois sur toute l’étendue de Shabunda comme je l’ai déjà dit. Les Bakisi et le Bamuguba/Sud en particulier accusèrent Kiluwe d’avoir été à l’origine de cette suppression compte tenu des relations étroites qui existaient entre lui et le gouverneur Boji. Pour preuve, Kiluwe appliqua de la façon la plus stricte la mesure de suppression de la pratique du bwami.
La coupure entre le bami et Kiluwe, latente au départ, devint totale par la suite à cause des déplacements de la population et des famines qui ont suivi le règne de Kiluwe. Les jeunes ne tardent pas à changer de face et à former avec les vieux bami une ligne qui se tourna contre Kiluwe.
Jusqu’en 1971, Kiluwe dirigeait en droit le groupement de Bamuguba/Sud mais en fait, pendant toute cette période l’insécurité est telle que personne ne gouvernait, personne n’obéissait. Depuis le 1er mars, sur conseil de ses amis, Kiluwe se retira du pouvoir chez les Bamuguba/Sud.
En guise de conclusion, nous pouvons affirmer que l’opposition au régime Mopipi et partant au système de chefferie est très manifeste chez les Bakisi après l’indépendance.
Jusqu’en 1965, Mopipi faisait face à la seule hostilité des quatre groupements. Depuis 1965, un courant séparatiste, contestataire est progressivement dirigé par Kiluwe a vu le jour dans le groupement des Bamuguba/Sud dont Mopipi est originaire. La réaction de Mopipi a été très brutale envers ce courant car il risquait de mettre en péril la racine même de son autorité. A partir de janvier 1975, Mopipi a délégué une bonne partie de son pouvoir à son petit frère Bitingo Mopipi (François). Mais il est encore trop tôt de parler de ce dernier qui a succédé à son frère défunt depuis le 08 mai 1976.
CONCLUSION GENERALE
Nous voici au terme de ce travail intitulé « histoire sociopolitique des Bakisi (Zone de Shabunda). »
Nous avons commencé par une présentation générale des Balega. Le lecteur s’est rendu compte que le peuple lega et kisi en particulier, à l’instar des autres bantu n’est pas originaire du territoire qu’il occupe aujourd’hui ; il est venu du Nord-est de son emplacement actuel et a connu plusieurs péripéties avant de s’installer définitivement.
Si d’un point de vue politique, les Bakisi n’ont pas connu de passé glorieux, sur le plan social, en revanche, les manifestations culturelles sont passionnaires. Comme le dit F. OBRECHTS, l’art lega est l’un de plus beaux de l’Afrique. « Par le caractère à la foi logique est impressionnant de sa stylisation, la sculpture lega est une des manifestations artistiques les plus remarquables de l’Afrique centrale. »[134]
Les attaques perpétrées contre les bami, conservateurs de la culture lega depuis la colonisation jusqu’à ce jour, est la raison fondamentale de la disparition lente mais sure des valeurs traditionnelle lega.
La vie sociale dans l’ensemble n’est plus en honneur ; les jeunes se désolidarisent de plu en plus du milieu traditionnel au profit du monde moderne dans lequel ils sont pourtant déracinés et mal intégrés.
L’imposition d’un chef unique à tous les Bakisi par le colonisateur n’a pas eu de lendemain. Déjà, en pleine colonisation, des contestations se sont fait jour mais ont été matées par l’administration coloniale belge.
Apres l’indépendance, la légitimité de la dynastie régnante (Mopipi) chez les Bakisi a été remise en question. Les conflits politiques d’autres fois ont resurgi et les differents clans ou groupements ont revendiqué et revendiquent encore leur autonomie. Chez les Bamuguba/sud, cette hostilité à la dynastie Mopipi incarnée en la personne de Kiluwe Muzenze a secoué la collectivité des Bakisi pendant plusieurs années et a mis en péril l’autorité du mwami Mopipi II.
L’actuel chef des Bakisi, Bitingo, qui est entré en fonction en 1975, n’a pas encore fait suffisamment parler de lui. Mais étant donné qu’il est un intellectuel et un politicien chevronné, l’on ose espérer qu’il redressera la situation et qu’il évitera les erreurs de son prédécesseur en accordant une grande autonomie aux différentes entités kisi et en assurant la bonne gestion de deniers publics.
Pour terminer, nous reconnaissons que ce travail n’est pas exempt d’erreur et nous accepterons volontiers les suggestions et les critiques de nos lecteurs.
BIBLIOGRAPHIE
- SOURCES
- SOURCES ECRITES
- Sources d’Archives
- Archives officielles de la Zone de Shabunda.
- CORBISIER, J.F.M., – Rapport AIMO, Stanleyville, 1932
– Rapport de sortie de charge de l’A.T. de l’Urega, Shabunda, (Vers 1930).
- DEKOSTER (A.T.), Rapport AIMO 1944, Shabunda.
- DE RYCK (C.D.D.), Annexe à la lettre n°2/678/AO, du 13 novembre 1945.
- DE VILLENFAGNE de LAEN (A.T.), Chefferie Mopipi, Shabunda, 1926.
- H. (A.T.), Renseignements politiques sur ces chefferies arabisées et licenciées de Shabunda, Shabunda, 1921.
- JAMSIN, A., Rapport d’enquête du C.D.D. du Sud-Kivu concernant la circonscription des Bakisi, Annexe I à la décision n°87/21.02.06.19 du 1er juin 1960.
- JOSET (A.T.), Rapport AIMO 1943, Shabunda.
- LION (A.T.), – Notice sur le chef Mopipi, Shabunda 1924.
– Rapport d’enquête : chefferie Banabanga, Province Orientale, Congo-Belge, District du Kivu, Territoire de Haute-Ulindi, P.V. n°111, Shabunda, 1924.
- MARMITE (A.T.), De la note du 18/03/1943 du C.D.D.
- Archives privées
- Archives de la mission catholique de Shabunda (Itemene).
- Sources publiées
- SOCIETE DES MISSIONNAIRES D’AFRIQUE PERES BLANCS :
– Rapports annuels 1900-1935, Alger, Maison carrée.
– Rapports annuels 1935-1945, Alger, Maison Carrée.
– Rapports annuels 1945-1959, Alger, Maison carrée.
B. SOURCES ORALES
LISTE DES INFORMATEURS
Noms | Age approximatif | Date et lieu d’interview | Fonction -ancienne -actuelle |
KIGULUBE KIKUNI | 73 ans | 22/08/1976 à Kigulube | -Chef de clan -Chef de clan |
KILUWE MUZENZE | 45 ans | 10/01/1977 à Bukavu | -Chef de groupement -Dactylographe |
KYATENDA PATAULI | 67 ans | 03/08/ 1976 à Kigulube | -Paysan -Paysan |
LUSOMBO AMULI | 22 ans | 01/10/1976 à Shabunda | -Elève -Instituteur |
NDOMBA LUSOMBO | 64 ans | 5-10/08/1976 à Kigulube | -Paysan -Paysan |
NYAKAMANTINTI | 70 ans | 15/08/1976 à Kigulube | -Sous-chef de clan -Sous-chef de clan |
- OUVRAGES ET ARTICLES DE REVUES
- GENERAUX
- ANONYME, Congo-Belge et Rwanda-Urundi : Guide du voyageur, IN-FOR Congo, 4ème éd. 1958.
- BALANDIER, G., L’Anthropologie politique, Bibliothèque de Sociologie contemporaine, PUF, Paris 1969.
- CORNET, J., Art de l’Afrique noire au pays du fleuve Zaïre, Arcade, Bruxelles, MCMLXXII.
- KI-ZERBO, J., Histoire de l’Afrique noire, Hatier, Paris, 1972.
- MOELLER, A., Les grandes lignes des migrations des Bantous de la Province Orientale, I.R.C.B., 1936.
- MPASE, N.M., L’évolution de la solidarité traditionnelle en milieu rural et urbain du Zaïre : le cas des Ntomba et des Basengele du lac Mai-Ndombe, PUZ, Rectorat, Kinshasa, 1974.
- MULAGO, V., Un visage africain du christianisme, Présence africaine, Paris, 1972.
- PARODI, J., Introduction à l’ethnographie du Congo, Ed. universitaires du Congo Kinshasa-Lubumbashi-Kisangani, CRISP, Bruxelles, 1965.
- VERHAEGEN, B., Rébellion au Congo, t. 2 CRISP-Bruxelles, IRES-Kinshasa, 1969.
- WILLAME, J.C., Les provinces du Congo, structure et fonctionnement : Kivu central et Lomami, in cahiers Economiques et Sociaux, CEP, IRES, Léopoldville, n°4, 1964.
- SPECIALISES
- BIEBUYCK, D., – La monnaie Musanga des Balega, in Zaïre, VII, 1953, pp. 675 – 686.
– L’art des Balega, sa signification sociale, in Jeune Afrique, Elisabethville, 10ème année, n°25 ? 1957, pp. 15 – 17.
– Répartition et droits de pangolin chez les Balega, in Zaïre, vol VII, n°99, 1953, pp. 899 – 924.
- DEFAOUR G., – La corde à symbole lega, Centre Bandari, Bukavu, 1976.
– Notes sur la structure, le symbolisme, la pédagogie de l’esprit du Bwami, Association du peuple lega, Centre de Bandari, Bukavu, 1975
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- DUMBO, K., Le rôle du mwami dans la société lega, trav. De fin d’étude, UNAZA/ISP, Bunia, 1976.
- KEKAMBEZI, K.A., L’organisation politique des Warega, mém. De licence, UNAZA/Lubumbashi, 1972.
- KITOGA, K., Miso’ue ou chants initiatiques lega : approche d’analyse littéraire, mém. De licence, UNAZA/IPN, Kinshasa, 1972.
- MANGO, L., Education et formation de la personnalité du garçon chez les Balega du Kivu au Zaire, mém. De licence, Louvain, 1974.
- MUZALIA, W.K., Essai sur l’organisation sociale, politique et économique chez les Bakisi de Shabunda, trav. De fin d’études, UNAZA/ISP, Bukavu, 1973.
- SALUMU, I.K., Essai sur le mythe du pouvoir coutumier et les conflits politiques au sein de la collectivité des Bakisi (Shabunda), mém. De licence, UNAZA/Lubumbashi, 1974.
- SAYIBA, W., Les migrations des Balega, mém. ENM, Bukavu, 1969.
- YALALA, K.M., Implantation de l’Eglise catholique dans la Zone de Shabunda, trav. De fin d’études, UNAZA/ISP, Bukavu, 1975.
- COURS
- HENDRICKX, H., Les Doctrines politiques, Cours polycopié, UNAZA/ISP, Bukavu, 1977.
- KABANDA, K.K., Anthropologie et Sociologie africaine, Cours polycopié, UNAZA/ISP, Bukavu, 1973.
- KABULU, D., Sociétés africaines, Note de cours, UNAZA/ISP, Bukavu, 1974.
- NJANGU, C.C., Histoire du Zaïre, Cours polycopié, UNAZA/ISP, Bukavu, 1974.
ANNEXE I
District du Kivu IL/AG. Shabunda, le 30/11/1942 Territoire de Shabunda N°12408/AO/C.6
OBJET : Dossier Mopipi, Chef des Bakisi
Cher Mopipi,
J’ai l’honneur de vous faire savoir que l’action disciplinaire est ouverte à votre charge pour des motifs suivants :
- En août 1942, vous avez reçu ordre de procéder à une ventilation des écritures du greffe de votre tribunal. Un modèle de fiche vous fut remis. En mi-novembre, convoqué par l’A.T. Dessy pour contrôle du greffe, vous avez omis d’exhiber la fiche en question. Admonesté à ce sujet le 24 courant, vous avez répondu qu’il s’agissait d’un oubli. Convoqué à nouveau le 26 courant, pour suite du contrôle, vous avez à nouveau omis de présenter la fiche. Interpellé à ce sujet vous avez déclaré que ce nouvel oubli était imputable au greffier Victor. Apres une heure de recherche vaine, vous avez fini par avouer avoir perdu le papier en question depuis longtemps. Il ya a eu en ce domaine inexécution d’un ordre et mensonge caractérisé.
- L’enquête sur les points précédents a fait constater qu’au lieu de contrôler votre greffier comme cela vous avait été indiqué, vous avez modifié toutes les écritures de son livre de caisse, surchargeant le n° des inscriptions, le nom des parties versantes, le n° des quittances et parfois le montant des sommes versées (même chose dans les quittance et le registre de rôle). Cette intervention rend impossible tout contrôle du greffe, par sabotage des documents comptables.
- Interrogé le 26 courant sur le nom du greffier de votre tribunal du 01/01/1942 au 30/09/1942, vous avez déclaré l’ignorer.
- Précédemment vous avez porté plainte contre ce greffier, pour désertion, suite à cette plainte, il fut recherché par la police et trouvé dans le bureau de la chefferie, où il prouva toujours avoir été aux heures de service.
- Lors de la dernière réunion du Conseil de Territoire, fin juin 1942, vous avez menacé votre capita Kalikililo de poursuites et d’envoi à Kasese s’il ne rejoignait pas le village du km 54 où il n’a jamais habité. Officiellement vous avez caché toutes ces circonstances provoquant un ordre au capita de regrouper ses gens. Zonia, poussé par vous a manœuvré tant et si bien que le ravitaillement de la mine Kobitu en a sérieusement été atteint, et le programme de culture compromis pour plusieurs cultivateurs.
- Dans votre rapport d’activité d’octobre 1942, vous déclarez que la région de Mukulumania est menacée de famine ; que la cause en est l’A.T. Lebaigue qui a mis les indigènes à la construction d’une piste Mukulumania-Shabunda depuis plus de 3 mois. Interrogé par Monsieur Lebaigue, vous avez reconnu qu’il n’était intervenu au rien dans cette affaire qui résultait des sanctions prises. Cette affaire là est beaucoup plus grave que les autres, car elle met en péril tout le ravitaillement des mines depuis Tshakindo jusqu’à lubongola (Banakilala, Waroux, Balibua).
- En juillet 1942, vous avez fait venir les indigènes de Pene-Kamango, pour faire vos cultures. En mi-septembre, j’ai été avisé du fait par l’Agronome qui consistait leur absence dans des villages du Nord-Lugulu où leur présence était indispensable (vous le saviez) pour le programme de guerre.
Lorsque je les ai renvoyés chez eux, ces gens n’avaient pas touché un centime chez vous alors que le rachat des corvées a fait l’objet de plusieurs admonestations aux conseils de territoire. Au moment où je suis prêt à répondre le territoire, je désire savoir qui est le chef des indigènes de la chefferie des Bakisi. Tous vos sujets se disent gens de Kiziba, chez lequel ils portent toutes leurs palabres, et qui parait être le grand-maitre dans la chefferie.
D’autres indigènes de votre entourage disposent des policiers et les envoient en mission à leur convenance (voir notamment le juge Salumu Lukango).
- Vos juges mendient des rations dans les mines qu’ils visitent, vos policiers volent, vos greffiers s’y font porter en tipoy avec leur.
- Vous venez de passer par les villages de Kilauri, Mokenge, Ngolombe, Kibasonga et Muniema qui ravitaillent les chantiers routiers en bananes. Du coup les apports ont diminué dans des proportions inquiétantes, celle de Kibasonga et Muniema sont même descendus jusqu’à zéro.
- En août 1942, vous êtes allé vers l’amont de l’Ulindi : Bamuguba et Baliga. Depuis lors, la piste qui y mène est impraticable. Il n’y a plus ni pont ni passerelles. Un Européen a failli se noyer. Je me demande dès lors à quoi vous servez : pas aux Blancs dont vous démolissez le travail, pas aux Bakisi qui ne connaissent que Kiziba. Dans votre chef lieu, vous ne faites rien non plus, pas même présider votre tribunal.
Votre intempérance, de connue, devient manifeste. Les périodes de lucidité entre deux crises d’ivresse successive ont actuellement disparu.
Vous devenez la risée de vos administrés, et surtout celle de vos collègues de deux autres chefferies du territoire. La plainte que vous avez portée parce que vous restiez sans une seule femme a mis le comble aux coutumes de traditions.
Je vous prie de m’adresser, toutes explications éventuelles sur ces faits dans le délai de deux jours pour que je joigne au dossier à transmettre à Monsieur le Commissaire de District du Kivu. Un clerc interprète se trouvera à votre disposition pour cette période.
Pour l’Administrateur territorial absent
L’Administrateur territorial assistant,
Lebaigue, L.
ANNEXE II
District du Kivu Territoire de Shabunda
PRO-JUSTICIA PROCES VERBAL
Escroqueries Mopipi et consorts Article 98. C.P.L.II.
L’an mil neuf cent quarante cinq, le treizième jour du mois de décembre, Nous soussigné Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire à compétence générale, étant à Shabunda avons entendu sous serment, le nommé :
En mai 1944 Mopipi vient à notre village. Il dit : « Comme tes gens ont renversé les arbres, en faisant leurs champs, sur la piste, comme ton pont sur la rivière Kianingi est en mauvais état, tu me payeras 500.. frs d’amande avec tes gens. »
Avec mes gens nous réunissons 500 frcs et les remettons à Bornard Pikipiki le greffier.
Nous n’avons pas reçu de quittances
Je jure le présent procès verbal sincère.
L’Officier de Police Judiciaire,
Dekoster, l.
Territoire de Shabunda Escroqueries de Mopipi PRO-JUSTICIA PROCES VERBAL
L’an mil neuf cent quarante six, le neuvième jour du mois de janvier, Nous soussigné Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire à compétence générale, étant à Shabunda, avons entendu le nommé Mopipi Alias Paul alias Mulongeki, fils de Motimano et de Wakukasa ex-chef de la chefferie des Bakisi :
– Q. Tu as infligé en mai 1944 une amende de 500 frs à Bulapia parce que la piste était encombrée d’arbres et que le pont sur le Kiniangi était en mauvais état ?
– R. Non, cela est faux.
– Q. Cette somme fut versée à Pikipiki ?
– R. Je n’en sais rien.
Je jure le présent procès verbal sincère.
Traduit au Chef L’Officier de Police Judiciaire Mopipi qui signe Dekoster, L. Pour accord.
District du Kivu Territoire de Shabunda PRO-JUSTICIA PROCES VERBAL
Escroquerie Mopipi Article 98.C.P.L.II.
L’an mil neuf cent quarante cinq, le vingt-septième jour du mois d’octobre, Nous soussigné Dekoster Louis, G.F., Officier de Police Judicaire à compétence générale, étant à Matili avons entendu sous foi serment le nommé :
Mutingulwa, fis de Kilatu et de Kabalonga du village Kagogo, qui dit : mon cousin , SALIKI capita de ce village, absent actuellement a dû payer en 1944 150 frs d’amende à Mopipi parce que le clerc collecteur Bilatu fils de Idulu, originaire de Kingombe s’était pris de querelle avec deux indigènes, qui refusaient de porter ses bagages, et le père de l’un d’eux.
Mutingulwa alla se plaindre auprès de Mopipi installé au village Mangene qui infligea au capita du village Saliki l’amende de 150 frs. Il n’y a pas eu de jugement. Aucune quittance ne fut remise.
Témoins : SUMAILI Kikese, cousin du chef Mopipi et le capita MAGENE
Je jure le présent procès verbal sincère.
L’Officier de Police Judiciaire,
L. Dekoster.
District du Kivu Territoire de Shabunda PRO-JUSTICIA PROCES VERBAL
Escroquerie Mopipi
L’an mil neuf cent quarante six, le huitième jour du mois de janvier, Nous soussigné Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire à compétence générale, étant à Shabunda, avons entendu sous foi du serment les suivants :
SUMAILI Kisese, fils de Kinganda et de Waniozi, cousin du chef Mopipi, qui dit : oui je me rappelle : Bilatu alla se plaindre auprès de Mopipi de ce que les indigènes de Saliki lui avaient cherché querelle.
Mopipi infligea en dehors du Tribunal une amende de 150 frs de Saliki à Mopipi sans que quittance soit délivrée.
Je jure le présent procès verbal sincère
L’officier de police Judiciaire,
L. Dekoster.
District du Kivu Territoire de Shabunda PRO-JUSTICIA PROCES VERBAL
Escroquerie de Mopipi
L’an mil neuf cent quarante six, le huitième jour du mois de janvier, Nous soussigné Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire à compétence générale, étant à Shabunda avons entendu le nommé :
Mopipi Alias Paul, Alias Mulongeki, fils de Mutimana Mopipi et de Wakukasa ex-chef de la chefferie des Bakisi.
– Q. Pourquoi Sadiki capita du village kagogo a-t-il dû payer une amende de 150 frs suite à une plainte du clerc Bilatu ?
– R. Parce qu’il n’avait pas fourni de porteurs assez vite pour transporter la caisse de l’impôt.
– Q. A quel tribunal ce jugement fut-il prononcé ?
– R. J’ai tranché tout seul. J’ai mangé ces 150 frs d’amende.
Je jure le présent procès verbal sincère.
L’Officier de Police Judiciaire
L. Dekoster.
ANNEXE III
République Démocratique du Congo Kigulube, le 26/10/1967 Province du Kivu District du Sud-Kivu Territoire de Shabunda N°017/JUST.M.CH./67. Poste de Kigulube
Transmis copie pour information à Mrs :
OBJET : Recherches politiciens – l’Administrateur du territoire Kiluwe-Venance. De et à Shabunda – le capita Kasaluka du village Kisanga
A Messieurs les Bami Bisimwa Ferdinand et Nindja de et à Nyakalonge et Nindja.
Messieurs les Bami,
Me référent à l’objet repris en marge, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que veuillez barrer vos limites entre les territoires de Shabunda, Kabare et Kalehe pour interdire l’accès des gens de Kiluwe et veuillez également effectuer les recherches de ces hommes politiques dans votre région car ces gens ont tué deux policiers. Ils ont saisi deux fusils que les policiers possédaient et ils ont saisi également plusieurs fusils dont les policiers nationaux qui ont été refugiés avaient à leur disposition.
Je vous prie de veiller très fort à ce sujet et je vous demanderais également de les arrêter et de les conduire sur Kigulube pour continuer l’enquête.
En outre, je vous fais savoir que les cadavres des policiers tués et les fusils de l’Etat saisis par ces bandits de mercenaires congolais lors de passage sans aucune excitation quelconque de la part de la police restent jusqu’à présent introuvables.
Pour finir, je vous demande de n’accepter aucun accès des hommes de Kiluwe venance dans votre région car c’est un grand perturbateur de l’ordre public dans la région de Kigulube.
Le Chef de Poste de Kigulube,
Madiadi Charles Marie-Faustin.
ANNEXE IV
Poste de Kigulube Kigulube, le 04/11/1967
OBJET : Transmis copie pour information
Suspension fonctions. A :
– Mr. Le Directeur provincial des affaires intérieures à Bukavu, – Mr. Le Commissaire de District du Lac Kivu à Bukavu, – Mr. Le Chef de Poste de Kigulube,
A Monsieur l’Administrateur de et à Shabunda,
Monsieur l’Administrateur,
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que je viens d’apprendre de source sûre, que vous aviez pris une décision verbale me suspendant de mes fonctions du Chef de groupement Bamuguba/Sud.
Cette décision n’étant pas conforme aux règles administratives ni au Décret du 10 mai 1957 sur les A.I. Art. 24, je la considère comme arbitraire car elle n’est pas précédée par des peines moindres : blâmes, réprimandes etc.
De quoi me reprochez-vous ?
Le même jeu m’a été joué par l’ancien ministre des A.I. Mr. Kitukutuku lors de son passage à Shabunda en Octobre 1966, mais désapprouvé par le ministre des A.I. du gouvernement central de Kinshasa qui a approuvé mon élection étant tout à fait démocratique.
Il faudrait que cessent les jeux de ce genre qui sont plutôt politiques qu’administratifs et qui prouvent la faiblesse d’autorité de la part de leurs auteurs. Aucune mesure disciplinaire ne peut être prise contre un agent sans qu’elle lui soit notifiée par écrit et bien motivée précisant la durée conformément à la loi. Cette soit disant suspension est prise sous l’influence de mes ennemis très bien connus qui me poursuivent depuis mon avènement au pouvoir dans notre groupement d’origine jaloux de mon rendement bien apprécié par mes frères.
Il est fort étonnant de voir que l’autorité encourage la rébellion dirigée contre une autorité établie (voir Acte de reconnaissance signé par votre prédécesseur le 17/08/1966).
Une loi ne peut être abrogée que par une autre. Vous voudriez bien notifier ma révocation une fois pour toute au lieu de me faire vivre dans une situation incertaine.
Veuillez agréer, Mr. L’Administrateur, l’assurance de ma considération très distinguée.
Le Chef de groupement Bamuguba/Sud,
Kiluwe Venance Kakumbwa.
[1] KI-ZERBO, J., Histoire de l’Afrique noire, Hatier, Paris, 1972, p.5.
[2] DELHAISE (Cmdt.), Les Warega, collection de monographies ethnographiques, Vol. V, Bruxelles, 1909, p.21.
[3] ANONYME, Congo Belge et Rwanda-Urundi : Guide du voyageur, IN-FOR Congo, 4ème éd., p.528.
[4] KITOGA, K., Miso’ue ou chants initiatiques lega : approche d’analyse littéraire, mém. De licence, I.P.N. /Kinshasa, 1972, p.78.
[5] Extrait du recensement effectué en 1970 Cfr. Arrêté n°1236 du 31/07/1970.
[6] Ibidem
[7] YALALA, K.M., Implantation de l’Eglise catholique dans la Zone de Shabunda, trav. De fin d’études, I.S.P. Bukavu, 1975, p.5.
[8] MUZALIA, Z.K., Essai sur l’organisation sociale, politique et économique chez les Bakisi de Shabunda, trav. de fin d’études, I.S.P. Bukavu, 1973, p.13.
[9] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.29.
[10] VERHAEGEN, B., Rébellions au Congo, T. 2, CRISP-BRUXELLES, IRES-KINSHASA, 1969, p.24.
[11] MUNTITA : Sorcier et chef du clan Kaluba où les Balega prenaient leurs femmes. Comme nous le verrons, c’est lui, qui inventa le « Bwami ».
[12] SALUMU, I.K., Essai sur le mythe du pouvoir coutumier et les conflits politiques au sein de la collectivité des Bakisi (Shabunda), mém. De licence, UNAZA/Campus de Lubumbashi, 1974, p.51.
[13] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.342.
[14] CORBISIER, F.J.M., Rapport de sortie de charge de l’A.T. de l’Urega, Shabunda (vers 1930), p.2. (Archives de la Zone de Shabunda)
[15] SAYIBA, W., Les migrations des Balega, mém. E.N.M. Bukavu, 1969, p.41.
[16] SAYIBA, W., op.cit,. p.45.
[17] Ibidem, p.46.
[18] NJANGU, C.C., Cours d’histoire du Zaïre, 2ème graduat ; I.S.P./Bukavu, 1974, p.64.
[19] Ibidem, pp. 65-66.
[20] CORBISIER, J.F.M., Rapport AIMO, Stanelyville, 1932.(Archives de la Zone de Shabunda)
[21] MOELLER, A., les grandes lignes des migrations des Bantous de la Province Orientale, I.R.C.B., 1936, cité par SAYIBA, W., op.cit., pp.28-30.
[22] DE KUN, N., L’art lega, tiré A Part d’Africa-Tervuren XII, 1966, ¾, p.72.
[23] VANSINA, J., Introduction à l’ethnographie du Congo, Edit. Universitaire du Congo Kinshasa-Lubumbashi-Kisangani, C.R.I.S.P., Bruxelles, 1965, p.105.
[24] ANONYME, Rapports annuels 1952 – 1953, Société des missionnaires d’Afrique des Peres Blancs, pp.287-288.
[25] DE KUN, N., op.cit., p.72.
[26] MANGO, L., Education et formation de la personnalité du garçon chez les Balega du Kivu au Zaïre, mém. de licence, Louvain, 1974, pp.29-30.
[27] MOELLER, A., op.cit., pp.40-41.
[28] Source : La tradition orale.
[29] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., pp. XIV-XV.
[30] Ibidem, p. XI.
[31] MPASE, N.M., L’évolution de la solidarité traditionnelle en milieu rural et urbain du Zaïre, le cas de Ntomba et de Gasengele du Lac Mai-Ndombe, PUZ, Rectorat-Kinshasa, 1974, p.89.
[32] Ibidem, p.94.
[33] BIEBUYCK, D., La répartition et droit de pangolin chez les Balega, in Zaïre, Vol. VI, n°9, 1953, p.903.
[34] VERHAEGEN, B., op.cit., pp.32-33.
[35] Information donnée par KYATENDA PATAULI et NDOMBA LUSOMBO (Cfr. Annexe).
[36] Tiré des archives de la mission catholique de Shabunda (Itemene) L’UREGA., p.9.
[37] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.150.
[38] Ibidem, p.XII.
[39] Ibidem, pp.153-154.
[40] KABANDA, K.K., Anthropologie et sociologie africaine, Cours polycopié, UNAZA/ISP-Bukavu, 1973, p.23.
[41] Ibidem, p.23.
[42] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.169.
[43] KABANDA, K.K., op.cit., p.23.
[44] Ibidem, p.25.
[45] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.176.
[46] KABULU, D., Sociétés africaines, Notes de cours, UNAZA/ISP, Bukavu, 1974, p.19.
[47] Ibidem, p.18.
[48] Inspiré des archives de la mission catholique de Shabunda : l’Urega, op.cit., p.7.
[49] PARODI, J.L., La politique, Hachette, Paris, 1971, p.382.
[50] BALANDIER, G., L’Anthropologie politique, Bibliothèque de Sociologie contemporaine, P.U.F., Paris, 1969, p.97.
[51] Tiré des archives des missionnaires catholiques (Pères Blancs) de Shabunda n°A.5.
[52] VASINA, J., op.cit., pp.108-109 cité par BUKANGA, M., L’initiation Rega face à la morale chrétienne, Académia Alphonsina (Thèse de Doctorat), Rome, 1973, p.44.
[53] Inspiré de CORBISIER, J.F., op.cit., pp.8-9.
[54] Information donnée par NDOMBA LUSOMBO.
[55] DEFOUR, G., La corde symbolique lega, Centre de Bandari, Bukavu, 1976, pp.1-2.
[56] Inspiré des archives des missionnaires catholiques Pères Blancs, op.cit., n°A.4, A.5, A.6.
[57] Les mbembe ou musanga (coquilles d’escargot, cauris) servaient de monnaie chez les Balega.
[58] Baliga, Bamuguba/Sud et Bamuguba/Nord sont trois des sept localités actuelles de la Collectivité des Bakisi.
[59] Information tirées des archives des Pères Blancs de la mission catholique de Shabunda (Itemene) n°A8, A9.
[60] MILAGA, V., Un visage africain du christianisme, Présence africaine, Paris, 1962, p.75.
[61] DEFOUR, G., Notes sur la structure, le symbolisme, la pédagogie de l’esprit du bwami, Association du peuple Lega, Centre de Bandari, Bukavu, 1975, p.25.
[62] MANGO, L., op.cit., p146.
[63] BIEBUYCK, D., La monnaie musanga des Balega, in Zaïre, 1953, VII, 7, p.681.
[64] Cfr. Archives de la mission catholique de Shabunda, op.cit., n°10, 11, 12, 13.
[65] DEFOUR, G., Notes sur… op.cit., p.3.
[66] DEFOUR, G., Notes sur… op.cit., p.25.
[67] DEFOUR, G., Notes sur… op.cit., p.4.
[68] Ibidem, p.13.
[69] Notes personnelles du R.P. POUPEYE, 1939, trouvées aux archives de la mission catholique de Shabunda (Itemene).
[70] DUMBO, K., Le rôle du mwami dabs la société lega, trav. De fin d’études, UNAZA/I.S.P.- Bunia, 1976, p.65.
[71] Ibidem, p.70.
[72] Ibidem, pp.71-73.
[73] DE KUN, N., op.cit., p.73.
[74] Nyangwe est situé actuellement dans la Zone de Kasongo.
[75] WILLAME, J.C., Les provinces du Congo, structure et fonctionnement : Kivu Central et Lomami, in Cahiers Economiques et Sociaux, CEP, IRES, Léopoldville, N°4, 1964, p.119.
[76] KEKAMBEZI, K. A., L’organisation politique des Warega, mém. de lic. en science politique et adm., UNAZA/Lubumbashi, 1972, p.69.
[77] ZILLAME, J. C., op.cit., p.119.
[78] ANONYME, Guide du voyageur… op.cit., p.329.
[79] KEKAMBEZI, K. A., op.cit. p. 71.
[80] SALUMU, Y. K., op.cit., p.55.
[81] Un des clans des Bakisi dont la famille Mopipi est issu.
[82] DELHAISE, (Cmdt.), op.cit., p.103.
[83] DE KUN, N., op.cit., p.73.
[84] LION (A.T.), Rapport d’enquête : Chefferie Banabanga, Province Orientale, Congo-Belge, District du Kivu, Territoire de Haute Ulindi, P.V. N°111, Shabunda, 1924, p.2 (Archives Zone de Shabunda).
[85] Misisi et Kama sont situés dans la Zone de Pangi.
[86] LION (A.T.), op.cit. p.2.
[87] Les licenciés sont des chefs arabisés non coutumiers qui, ayant d’abord eu les Arabes pour maitres, servaient les agents de l’E.I.C. et qui furent ensuite remerciés par ces derniers.
[88] LION (A.T.), Notice sur le chef Mopipi, Shabunda, 1924, p.5. (Archives de la Zone de Shabunda).
[89] DES VILLENFAGNE de LAEN, Chefferie Mopipi, Shabunda, 1926, p.1. (Archives de la Zone)
[90] HENDRICKX, H., Les Doctrines politiques, Cours polycopié, UNAZA I.S.P./Bukavu, 1976-1977, pp.2-3.
[91] SALUMU, I.K., op.cit., pp.91-94.
[92] MUSWELI est situé à environ 150 km au Nord-est de Shabunda.
[93] MOPIPI, MOLINGI et LONGANGI ont été désignés par les Blancs à leur arrivée comme chefs coutumiers.
[94] ORDONNANCE-LOI N°69/012 du 12 mars 1969 sur les Collectivités locales citée par KILUME, V.M., Les milieux ruraux et la civilisation moderne. (Documents politiques), Isidore Ière édition, 1971, p.8.
[95] H. (A.T.), Renseignements politiques sur ces chefferies arabisées et licenciées de Shabunda, Shabunda, 1921, p.1. (Archives de la Zone : copie).
[96] HENDRICKX, H., op.cit. p.3.
[97] LION (A.T.), Rapport d’enquête : … op.cit. , p.3.
[98] Ibidem, p.6.
[99] SAMUMU, I.K., op.cit., p.65.
[100] LION (A.T.), Notices sur le chef Mopipi… op.cit., p.5.
[101] DEKOSTER (A.T.), Rapport A.I.M.O. 1944, p.6. (Archive de la Zone de Shabunda).
[102] Ibidem, p.6.
[103] DE RYCK (C.D.D.), Annexe à la lettre n°2.678/AO/AI, du 13 novembre 1945.
[104] Ibidem.
[105] DEKOSTER (A.T.), op.cit. p.6.
[106] Ibidem, p.75.
[107] MARMITTE, (A.T.), De la note du 18/03/1943 du C.D.D., (Archives de la Zone de Shabunda).
[108] DEKOSTER (A.T.), op.cit. p.8.
[109] Lettre n°3518/AO/C.8 de DEKOSTER (A.T.) adressée au C.D.D. du Maniema (Archives de la Zone de Shabunda).
[110] JOSET (A.T.), Rapport A.I.M.O. 1943, p.4, (Archives de la Zone de Shabunda).
[111] Cfr. Décrets du 05 décembre 1953 et du 10 mai 1957, et l’article 4 de l’ordonnance-loi du 12 mars 1969 n°69/012 sur les collectivités locales.
[112] MOELLER, Rapport du conseil colonial, in bulletin officiel 1953, pp.953-954, cité par MPASE, N.M., op.cit., p.112.
[113] KILUWE, V.M., op.cit. pp.10-12.
[114] Cfr. Décret du 10 mai 1957 du Ministre des colonies Buisseret sur les Circonscriptions Indigènes cité par KILUWE, V., op.cit., p.11. Le Collège permanent est constitué de membres qui assistent, aident et conseillent les chefs de circonscriptions indigènes.
[115] KEKAMBEZI, op.cit., p.96.
[116] Ibidem, p.100.
[117] KILUWE, V.M., op.cit. p.11.
[118] Lettre de l’A.T.A. n°3.194/AO/D3 du 02 septembre 1950 adressée à l’A.T. Van GEEL, citée par SALUMU, I.K., op.cit., p. 110.
[119] VERHAEGEN, G., op.cit. pp.29-30.
[120] KILUWE, V.M., op.cit. p.12.
De 1965 à 1971 KILUWE a dirigé le groupement Bamuguba/Sud. Actuellement, il œuvre comme dactylographe à l’UNAZA/ISP-BUKAVU.
[121] JAMSIN, A., Rapport d’enquête du C.D.D. du Sud-Kivu concernant la circonscription des Bakisi, Annexe I à la décision n°87/21.02.06.19 du 1er juin 1960.
[122] KILUWE V.M., op.cit. p ;13.
[123] Ibidem, p.13.
[124] VERHAIEGEN, B., op.cit. p.202.
[125] KILUWE, V.M., op.cit. p.14.
[126] Ibidem, p.14.
[127] Ibidem, p.14.s
[128] Ibidem, p.15.
[129] Ibidem, p.15.
[130] Ibidem, p.17.
[131] Cfr. Instructions MININTERPRO n° 529/18/CAB/A.I./66 du 18 mai 1966.
[132] KILUWE, V.M., op.cit. p.23.
[133] Lettre n°529/18/CAB/AI/66 du 8/05/1966 (Division des affaires politiques).
[134] CORNET, J., Art de l’Afrique noire au pays du fleuve Zaïre, Arcade, Bruxelles, MCMLXXII, p.257.
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