DEDICACE

A ma mĂšre, WABALENGA, pour tant de tendresse,

A mon pĂšre, KYATENDA, pour la justesse de ses conseils,

A mon frĂšre, MUSIEBIRO, qui m’a hĂ©bergĂ© toute ma scolaritĂ© durant, A mes sƓurs, WAKUMBILE et WABIGWA, pour leur aide moral et matĂ©rielle dĂ©sintĂ©ressĂ©e,

A celle qui sera ma femme,

Je dédie ce mémoire

AVANT-PROPOS

Ce mĂ©moire est l’aboutissement d’un grand effort collectif.

         Nous remercions tout d’abord le RĂ©vĂ©rend PĂšre Directeur General de l’I.S.P./Bukavu, Dominique MILANI, pour l’admission qu’il nous a accordĂ©e et pour les conseils nobles qu’il nous a toujours donnĂ©s pendant les cinq annĂ©es que nous venons de passer dans son Institut.

         Nous tenons Ă©galement Ă  exprimer nos sentiments de profonde gratitude Ă  tous les professeurs qui ont assurĂ© notre formation et singuliĂšrement au citoyen NJANGU Canda Ciri, qui a acceptĂ© de diriger honorablement ce mĂ©moire.

         Nous serions ingrat si nous n’adressions pas nos remerciements d’une façon particuliĂšre aux citoyens NDOMBA LUSOMBO, KILUWE MUZENZE, MUSAFIRI MUGENI et au PĂšre Deforce pour toutes les informations qu’ils nous ont fournies.

         Enfin, Ă  tous ceux qui, d’une maniĂšre ou d’une autre ont contribuĂ© Ă  la rĂ©alisation du prĂ©sent mĂ©moire, nous disons merci.

                                                                                Bukavu, le 15 juin 1977

                            YALALA KYATENDA MUKUMBUKWA Roger

PRINCIPAUX SIGLES UTILISES

AIMO       : Affaires IndigĂšnes et main d’Ɠuvre

A.T.           : Administrateur Territorial

A.T.A.       : Commissaire de District

MININTERPRO : Ministre Provincial des Affaires IntĂ©rieures

P.V.           : ProcĂšs-verbal

INTRODUCTION GENERALE

  1. POURQUOI AVONS-NOUS CHOISI L’HISTOIRE SOCIO-POLITIQUE DES BAKISI (ZONE DE SHABUNDA) COMME SUJET DE NOTRE MEMOIRE DE LICENCE ?

Les Bakisi constituent l’une des nombreuses collectivitĂ©s du grand peuple Lega. Jusqu’à ce jour, quelques Ă©tudes Ă  caractĂšre descriptifs ont Ă©tĂ© dĂ©jĂ  menĂ©es sur les Balega. Nous songeons ici au commandant Delhaise qui a publiĂ© en 1909 une monographie ethnographique des Balega et au Docteur Daniel Biebuyck qui s’est attelĂ© Ă  l’étude de l’art Lega.

         Un travail Ă  caractĂšre historique c’est-Ă -dire qui prĂ©sente l’évolution des Balega n’a jamais Ă©tĂ© entreprise. Certes, par ci-par lĂ , les Ă©tudiants d’universitĂ© ont dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ© l’un ou l’autre aspect de l’histoire lega mais pas un travail d’ensemble. Pour pallier Ă  cette lacune, nous nous sommes engagĂ© Ă  amorcer cette Ă©tude Ă©volutive des Balega mais dans le cadre restreint des Bakisi.

         Nous nous sommes limitĂ© aux Bakisi parce que le temps et les moyens matĂ©riels dont nous avons disposĂ© ne nous auraient pas permis de cĂŽtoyer tout le territoire Lega.  Étant donnĂ© la raretĂ© des moyens de communication dans l’immense territoire lega (deux fois plus grand que la Belgique en superficie) l’on comprend aisĂ©ment les difficultĂ©s auxquelles s’expose le chercheur en s’embarquant dans cette Ă©tude.

En outre, Ă©tant nous mĂȘme de cette collectivitĂ©, nous estimons que nous la connaissons mieux que toutes les autres.

  1. SUBDIVISION DU TRAVAIL

Notre travail comportera trois parties :

  • La premiĂšre portera sur les gĂ©nĂ©ralitĂ©s. Le lecteur se rendra compte que les Balega habitaient un immense territoire forestier au climat Ă©quatorial et au sol fertile oĂč la nature est favorable Ă  l’homme.
  • Dans un second temps nous allons parler de l’évolution sociale des Bakisi, les coutumes ne sont pas demeurĂ©es intactes. Elles ont Ă©voluĂ© d’une certaine maniĂšre.

Ainsi, le mariage polygamique jadis limitĂ© Ă  quelques foyers riches s’est gĂ©nĂ©ralisĂ© aprĂšs le sĂ©jour arabe chez les Bakisi et se trouve aujourd’hui, suite Ă  l’influence du christianisme, sensiblement rĂ©duit.

         Le Bwami, symbole et rĂ©alitĂ© de l’unitĂ© sociale et gardien de la culture Kisi et Lega en gĂ©nĂ©rale, a dĂ©bouchĂ© aux abus : l’exploitation Ă©hontĂ©e des profanes (Bagunda) par les initiĂ©s (Bami).

C’est pourquoi il est dĂ©considĂ©rĂ© par la jeunesse laquelle manifeste aussi le dĂ©sir de se libĂ©rer de la mainmise sur elle du monde traditionnel.

  • La troisiĂšme partie sera consacrĂ©e Ă  l’évolution politique des Bakisi. Le clan est l’unitĂ© politique de base. Dans cette sociĂ©tĂ©, le rĂŽle de l’homme est mis en Ă©vidence. Assurer le bien-ĂȘtre de l’homme, voila la raison d’ĂȘtre du pouvoir politique. Au cours de leur histoire, les intĂ©rĂȘts de l’homme doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s sinon rien ne marche. L’histoire ne peut d’ailleurs pas se concevoir sans l’homme. C’est avec raison que Fernand BRAUDEL Ă©crivait : « l’histoire c’est l’homme, toujours l’homme et ses admirables efforts. Â»[1]

         L’avĂšnement du Bwami contribuera Ă  accentuer la division politique des Bakisi cependant que l’administration coloniale les unifiera pour mieux les gouverner. Cette procĂ©dure anti-coutumiĂšre connaitra des suites fĂącheuses.

Déjà, pendant la colonisation, les oppositions à la centralisation du pouvoir existaient. Mais tous les mecontents étaient purement et simplement écartés.

         Il faudra attendre l’accession du pays Ă  l’indĂ©pendance pour que les conflits s’extĂ©riorisent ; et, si l’on n’a pas encore changĂ© l’organisation politico-administr ative des Bakisi c’est parce que les autoritĂ©s du pays veulent maintenir les structures du pouvoir hĂ©ritĂ©es de la colonisation.

  1. SOURCES
  1. Sources Ă©crites

Elles sont maigres. Pour la pĂ©riode prĂ©coloniale nous utiliserons les renseignements fournis par deux auteurs :

DELHAISE avec sa monographie ethnographique « Les Warega Â»,

BIEBUYCK qui a centrĂ© ses recherches sur l’art lega et l’association secrĂšte du Bami.

L’un et l’autre ne tiennent pas compte des particularitĂ©s locales. Ils prĂ©sentent un travail d’ensemble descriptif sur les Balega. D’autre part, nous nus sommes inspirĂ© des archives privĂ©es de la mission catholique de Shabunda.

         En ce qui concerne la pĂ©riode coloniale, nous allons nous servir essentiellement des archives officielles trouvĂ©es Ă  la Zone de Shabunda et Ă  la collectivitĂ© des Bakisi.

Non seulement elles ne sont pas intactes mais Ă©galement nous les avons trouvĂ©es dans un Ă©tat de dĂ©labrement total. D’autre part, les instances supĂ©rieures de la Zone nous ont refusĂ© l’accĂšs Ă  certains documents (tel le  registre des renseignements politiques) parce qu’elles ont suspectĂ© notre prĂ©sence et ce malgrĂ© les garanties et les justifications leur donnĂ©es.

         Quant Ă  la pĂ©riode postcoloniale, curieusement, nous n’avons pratiquement rien trouvĂ©. Les raisons sont simples. Depuis le 30 juin 1960, les services d’archives fonctionnent mal dans le pays, car, la plupart des cadres administratifs ignorent leur importance. La Zone de Shabunda, ayant Ă©tĂ© trĂšs mouvementĂ©e dans les premiĂšres annĂ©es de notre indĂ©pendance, certains des ses politiciens, pour justifier leur action ou compromettre celle des autres ont dĂ©placĂ© et ont fait disparaitre certains documents datant mĂȘme  de l’époque coloniale.

Enfin, certains Ă©tudiants qui ont travaillĂ© avant nous sur les archives de Shabunda se sont emparĂ©s de certains documents par malhonnĂȘtetĂ© intellectuelle et Ă  cause de la trop grande libertĂ© leur accordĂ©e.

  • Sources orales

Nous avons pu recueillir tous les renseignements fournis grĂące Ă  un appareil enregistreur dont nous disposions. Tout d’abord, nous avons tentĂ© un dialogue dirigĂ© en nous servant d’un questionnaire dressĂ© d’avance. Mais ce procĂ©dĂ© s’est avĂ©rĂ© inefficace par ce que les rĂ©ponses du questionnaire ne cadraient toujours pas avec les questions posĂ©es. TantĂŽt il rĂ©pondait hors sujet, tantĂŽt il dĂ©bordait le problĂšme posĂ©.

         Par la suite, nous avons procĂ©dĂ© Ă  l’interview libre. Il ne s’agit pas d’une causerie fortuite mais d’une conversation provoquĂ©e dans un but d’information prĂ©cise. Elle suppose au prĂ©alable une prĂ©paration minutieuse du thĂšme Ă  discuter.  Cette mĂ©thode a Ă©tĂ© doublement avantageuse :

– l’interrogĂ© ne se sentait pas gĂȘnĂ©. Il Ă©tait Ă  l’aise ;

– parfois, il touchait aux problĂšmes qui avaient Ă©chappĂ© Ă  notre perception lors de la prĂ©paration.

C. Expérience personnelle

Enfin, notre expĂ©rience personnelle a apportĂ© une contribution non moins importante Ă  cette Ă©tude. En effet, nous avons-nous-mĂȘme vĂ©cu certains Ă©vĂ©nements rĂ©cents. Il s’agit essentiellement des crises qui ont suivi l’avĂšnement au pouvoir de KLUWE chez les Bamuguba/Sud, d’une des sept localitĂ©s de l’actuelle collectivitĂ© des Bakisi.

PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES BALEGA

CHAPITRE I : LE CADRE PHYSIQUE

SECTION I : SITUATION GEOGRAPHIQUE

Les Balega, appelĂ©s improprement les « Vuarega, Valega, Baleghe, Walega, Warega
 Â»[2]  Occupent toute la partie de la foret de Maniema entre Lualaba (Kindu) et les montagnes dĂ©boisĂ©es du Kivu habitĂ©es par les semi-pasteurs Bashi. En effet, le prĂ©fixe du pluriel « Wa Â» n’existe pas dans les langues bantu. Il en est de mĂȘme de la consonne « r Â» que la plupart des Bantu prononcent « L Â». Seuls les arabes et les Wa-Swahili Ă©crivent « W » et « r Â» et c’est parce que dans la rĂ©gion des Balega Ă©taient situĂ©s de grands centres arabes que l’orthographe swahili est si souvent adoptĂ©e.[3]

Pour sa part, parlant de l’appellation «  Balega Â», KITOGA dit : «  Nous retenons et adoptons cette orthographe, nous souvenant par ailleurs, qu’au point de vue linguistique, le prĂ©fixe  substantival de la classe nominale 2 est bien « Ba Â» en Kilega et jamais « Wa Â». Ainsi au radical lega, il faut ajouter les prĂ©fixes nominaux « Mu Â» (singulier) et « Ba Â» (pluriel) pour designer l’ethnie et les habitants, « Bu Â» pour la rĂ©gion et « Ki Â» pour la langue
 Â»[4]

Le Bulega est situĂ© entre 26° et 28°30 de la longitude EST. Au Nord et au Sud le territoire est compris entre 2°20 et 4° de latitude Sud. La superficie est de 54 545 KmÂČ, soit ÂŒ celle du Kivu ; la densitĂ© est de 7 habitants au kmÂČ et la population s’élĂšve Ă  371 876 habitants.[5]

Le pays Lega comprend actuellement quatre Zones administratives :

  • Pangi,
  • Shabunda,
  • Mwenga et
  • une partie de Walikale.

La Zone de Shabunda, composée au Nord de la Collectivité des Bakisi et au Sud de la Collectivité des Bakabango, est située au centre de la région du Kivu entre 27° et 28°24 de longitude EST et entre 2° et 4° de latitude Sud.

La superficie est de 25 216 kmÂČ, soit, 1/10 celle du Kivu ; la population s’élĂšve Ă  139 716 habitants[6] soit une densitĂ© de 5,5 habitant au kmÂČ.

Shabunda est limitĂ© :

  • Au Nord par les Zones de Punia et Walikale ;
  • Au Sud par les Zones de Kasongo, Kabambare et Fizi ;
  • A l’Est par les Zones de Mwenga, Walungu, Kabare et Kalehe,
  • A l’Ouest par les Zones de Pangi et de Kindu.[7]

SECTION II : CLIMAT ET VEGETATION

1. Climat.

Le climat est du type Ă©quatorial. Il est caractĂ©risĂ© par une chaleur constante et une forte tempĂ©rature moyenne annuelle –non moins de 25°). Il pleut rĂ©guliĂšrement toute l’annĂ©e et la moyenne annuelle des pluies est estimĂ©e Ă  1600 mm. L’humiditĂ© est tellement Ă©levĂ©e qu’il est difficile de distinguer la courte saison sĂšche de la longue saison des pluies. La hauteur des pluies diminue de l’Est Ă  l’Ouest : cette diminution est attribuĂ©e au relief.

2. Végétation.

A ce climat, correspond une vĂ©gĂ©tation de type Ă©quatorial. Il s’agit de la forĂȘt dense avec ses innombrables essences. Le para solier en est la plus rependue dans la foret secondaire (Muvunga), laquelle s’oppose Ă  la foret primaire (Mbala).

SECTION III : HYDROGRAPHIE

Deux grandes riviĂšres, dĂ©pendantes du Lualaba, arrosent la Zone de Shabunda. Il s’agit de l’Elila et de l’Ulindi.

  • La premiĂšre coule de l’EST Ă  l’OUEST jusqu’au confluant de Kama. Ses principaux affluant sont : Simuanambi, Lwino, Kilombwe

  • La seconde coule aussi dans le sens Est-Ouest. Ses principaux affluents sont : Kindi et surtout Lugulu, qui recoit elle-mĂȘme les eaux de Nduma sur la rive droite et de Lubimbe sur la rive gauche. La Lugulu constitue Ă  elle seule un bassin au Nord de la Zone de Shabunda en raison de l’important rĂ©seau hydrographique qu’elle draine.[8]

         Toutes ces riviĂšres sont coupĂ©es par des nombreuses chutes et par des rapides importants. Entre ces obstacles, elles sont peu navigables par suite de la rapiditĂ© du courant et des arbres nombreux dĂ©racinĂ©s par celui-ci et qui arrĂȘtent les embarcations.[9]

SECTION IV : RELIEF

Shabunda comprend deux types de relief. Il en est de mĂȘme de tout le Bulega.

  • Le Malinga ou l’Ouest qui comprend la Zone de Pangi et le Sud-ouest de Shabunda, est dans l’ensemble une rĂ©gion des plateaux et des plaines.
  • Le Ntata ou l’Est, comprend la Zone de Mwenga et une partie de celle de Shabunda, est une rĂ©gion des montagnes.

         Comme le fait bien remarquer Verhaegen, la division de Bulega en deux groupes Ă  savoir Ntata (gens du haut, des montagnes) et Malinga (gens du bas), est banale, car elle ne repose sur aucune signification anthropologique ou historique.[10]

Dans le langage courant, en effet, les habitants de l’Ouest dĂ©nomment « Ntata Â» leurs frĂšres de l’Est et ces derniers dĂ©nomment « Malinga Â» leurs frĂšres de l’Ouest. Ainsi, des groupes appelĂ©s « Ntata Â» par rapport Ă  leurs voisins de l’Ouest utiliseront de mĂȘme nom pour designer les populations occupant une situation encore plus orientale alors qu’eux-mĂȘmes seront qualifiĂ©s de « Malinga Â» par ces dites populations. Ces appellations sont exclusivement des qualificatifs.

CHAPITRE II : LE CADRE HUMAIN : LES MIGRATIONS                             LEGA

Dans ce chapitre nous allons prĂ©senter les principales  versions qui existent Ă  propos de l’origine et de la dispersion des Balega en mettant un accent particulier sur la rĂ©partition des Bakisi dans la Zone de Shabunda. Nous appuierons ensuite la version qui nous paraitra la plus vraisemblable.

 

SECTION I : ORIGINE ET LA DISPERTION DES BALEGA SELON LA TRADITION ORALE                                 

  1. Origine et migration primaire.

La tradition orale situe le foyer primaire des Balega dans les rĂ©gions du Nord de l’UĂ©lĂ©. Les Balega auraient vĂ©cu longtemps en contact avec les populations au teint pĂąle appelĂ©es « Wakansemale Â». Ces derniĂšres rĂ©ussirent Ă  rĂ©duire les ancĂȘtres des Balega en esclavage. En effet, les ancĂȘtres lega pratiquaient souvent la chasse pour le compte des Wakansemale.

         Au moment donnĂ©, on assista Ă  la mort massive des Balega, en particulier des femmes et des enfants, qui, ajoutĂ©e aux vexations dont les sujets lega Ă©taient victimes de la part des Wakansemale, rĂ©volta les Balega. Ainsi, la guerre Ă©clata entre les deux races. Probablement, Lega, ancĂȘtre Ă©ponyme des Balega, commandait dĂ©jĂ  ceux-ci, et, BUTA-BUTAOU VUNDA-VUNDA assurait la direction des Wakansemale. Les Balega perdirent plusieurs batailles et se refugiĂšrent en consĂ©quence vers le Sud, dans la direction de la Tshopo, affluent de Lualaba vers un endroit dĂ©nommĂ© Kisanga et Mabilabondo (actuellement Kisangani).

         Les Balega croyaient que la supĂ©rioritĂ© militaire des Wakansemale pourrait s’expliquer par leur peau blanche. C’est pourquoi, ils rĂ©solurent de leur opposer des albinos (Wakiema). Sur ces entrefaites, un certain Muntita[11] prĂ©vint Lega de l’arrivĂ©e prochaine de Buta-Buta puis traversa le fleuve et remonta avec ses gens jusque vers Lomami. Le lendemain Buta-Buta arriva et massacra les « Wakiema Â» de Lega et les Balega s’enfuirent vers le Sud en remontant le fleuve Lualaba.

Ils s’installĂšrent en amont de Ponthierville (Ubundu), Ă  proximitĂ© des Ba-Mituku et des Ba-Mumbu, groupement frĂšres des Balega. Ils auraient laissĂ© prĂšs de la Tshopo un petit clan, les Ba-Manga.

         Les deux ethnies Balega et Ba-Mituku, dirigĂ©es respectivement par Lega et Mituku, ont vĂ©cu pendant longtemps en bonne intelligence. Mais, un jour, Mituku obligea la belle mĂšre de Lega Ă  avoir des relations sexuelles avec lui.

Cet acte d’immoralitĂ© Ă©nerva Lega, lequel dĂ©cida d’émigrer vers le Sud. Il convient de signaler que Lega et Mituku Ă©taient frĂšres utĂ©rins, en d’autres termes, ils Ă©taient des demi-frĂšres (mĂȘme pĂšre mais mĂšres diffĂ©rentes). Mituku se servit de son petit frĂšre Kimbimbi pour calmer la colĂšre de Lega et pour le convaincre Ă  renoncer Ă  son projet de dĂ©part. Devant le refus de Lega, une guerre Ă©clata entre les deux ethnies qui se termina par la dĂ©faite des Balega. Cette dĂ©faite prĂ©cipita le dĂ©part des Balega vers le Sud jusqu’au confluent des riviĂšres Lugulu et Ulindi, au lieu dit Kakolo. Peu de temps aprĂšs, Lega mourut.

  • Dispersion ou migration secondaire.

A la mort de son pĂšre, Kenda-Kenda prit la direction des Balega. Ceux-ci vĂ©curent longtemps Ă  Kakolo. C’est lĂ  que furent nĂ©s les derniers grands ancĂȘtres Ă©ponymes de diffĂ©rents groupes lega tels que Kisi, NkoĂŻma et les gĂ©nĂ©rations actuelles. Il avance le XVIIe siĂšcle comme Ă©tant l’époque oĂč les ancĂȘtres Ă©ponymes de groupes actuels lega ont vĂ©cu et situe le dĂ©but des migrations secondaires au XVIIIe siĂšcle.[12]

Quelles furent les raisons de la dispersion des Balega ?

Il y avait tout d’abord la poursuite de la guerre entre les Ba-Mituku et les Balega. Apres la mort de Lega et de Mituku, Kenda-Kenda et Kimbimbi Ă©taient respectivement Ă  la tĂȘte des Balega et des Ba-Mituku.

Ensuite, la dispersion et la sĂ©paration des Balega Ă©taient dues aux rivalitĂ©s intestines entre les descendants de Kisi et ceux de NkoĂŻma. Il s’agit d’une injure grave que Kibelamini, un descendant de Kisi avait lancĂ©es Ă  Ikama, fils de NkoĂŻma.

Ce dernier dĂ©cida de retourner vers le Nord. Kimbelamini s’y opposa et une guerre Ă©clata entre les deux lignĂ©es lega qui se termina par le massacre de plusieurs hommes d’Ikama. Mais, Kibelamini fut dĂ©fait et tuĂ© par Bombwe, fils de Kisala et petit-fils d’Ikama.

Enfin, il y avait l’hostilitĂ© entre les Bakumu (limitrophes des Balega) et les Balega. Comme on peut le constater, l’unitĂ© lega se perdait de plus en plus au fur et Ă  mesure que l’on s’éloignait de l’ancĂȘtre lĂ©gendaire Lega et que les migrations continuaient. C’est peut-ĂȘtre cela qui a poussĂ© Delhaise Ă  dire que les Balega connaissent dans l’ancien temps un pouvoir centralisĂ© avec un chef unique. Dans son livre « Les Warega Â», il Ă©crit notamment : « on a souvenance, chez les Warega, de l’existence dans les temps trĂšs anciens d’un chef suprĂȘme rĂ©gnant sur toute la tribu. Depuis trĂšs longtemps ce souverain a disparu. Â»[13]

Mais cette affirmation, cette hypothĂšse de Delhaise n’est pas confirmĂ©e par la tradition orale. Il semble tout simplement que Lega, Kanda-Kanda et autres auraient jouĂ© le rĂŽle d’encadreurs pendant les moments difficiles des Balega et non celui de puissants chefs.

         Il y a eu trois groupes de migration constituĂ©s lors de la dispersion :

Le groupe NkoĂŻma et Beya se sont installĂ©s dans le bassin de l’Elila aprĂšs avoir traversĂ© les chutes de Kakolo. D’autres branches NkoĂŻma et Beya ont continuĂ© leur route jusqu’aux regions salines de Kihembwe etr de Kama. D’autres encore se sont fixĂ©s sur le plateau de Kalole :

  • La premiĂšre fraction du groupe Kisi (composĂ©e principalement des Balega ou Banamwenda actuels et de quelques groupes claniques de la Zone de Mwenga), a traversĂ© la Lugulu. Apres un trĂšs long sĂ©jour dans le pays Kumu, Kwame, Nyanga (Walikale) et Tembo (Kalehe), les Bakisi sont arrivĂ©s aux sources des riviĂšres Lowa, Lugulu et Ulindi ;
  • La seconde fraction du groupe Kisi, composĂ©e de Kyunga, Gabo, Igala, et Ngoma, a quittĂ© Kakolo, aprĂšs avoir vaincu dĂ©finitivement les Bamituku, pour s’installer dans la rĂ©gion basse de Shabunda. Il semble que le chef Kimbimbi des Bamituku fut capturĂ© et noyĂ© dans la Lugulu. Ils seraient partis pour fuir la revanche Ă©ventuelle des Bamituku.
  • En ce qui concerne la rĂ©partition des descendants de Kisi, ancĂȘtre des Bakisi actuels, fils ainĂ© de Kenda-Kenda et petit fils de Lega, elle s’est effectuĂ©e de la maniĂšre suivante :

Kyunga s’installa en amont de la riviĂšre Lugulu, ancien emplacement de son grand pĂšre Kenda-Kenda ;

Muguba s’installa prĂšs de chutes de Kankina, appelĂ©es plus tard Musweli, au Nord-Ouest du ment Ikozi ;

Liga, Alias Mwenda alla se fixer d’abord au Nord de la Lugulu (Musweli). Par aprĂšs, il se rapprocha de l’Ulindi pour s’établir de deux cĂŽtĂ©s de cette riviĂšre aux environs de Mulungu et vers le Sud, jusqu’à la limite du bassin de l’Elila. Les Baliga se sont dirigĂ©s vers le Sud jusqu’au pays des Wazimba puis se sont tournĂ©s vers l’Est jusqu’à l’Ulindi supĂ©rieur.

« Ils auraient chassĂ© Ă  ce moment les Banyambongo de la branche Ngweshe, de leur montagne Migele et auraient repoussĂ©s vers le lac Kivu. Â»[14]

         D’autre part, SABIYA, Ă©tablit une gĂ©nĂ©alogie des Balega depuis la dispersion de Kakolo, dans laquelle Bungo, ancĂȘtre Ă©ponyme des Banyabungo serait un des nombreux fils des Lega.[15]

La voici :

LIGA, MUGUMBUGUMBU, BEMBE, MWENDA, BULAMBO, KENDA-KENDA, BUNGO, KIUNGA, IKAMA, BEYA, LUSANGA, BEBE, etc.

Il Ă©crit notamment : « les Benia-Bungo ne sont pas tels qu’on le prĂ©tend, d’origine Bashi bien qu’ils vivent aujourd’hui cĂŽte Ă  cĂŽte et mĂȘme en plein pays du Bushi. Les descendants de Bungo, fils de Lega, s’étant installĂ©s dans la rĂ©gion de la Haute Ulindi, avaient formĂ© les Benya-Bungo. On entend par lĂ  les groupes Banyintu (Nya Burinyi). Â»[16]

         Plus loin, Sayiba dit que Kabare Kaganda, qui est Munyabungo, (Munyintu), a usurpĂ© le pouvoir au Bushi et ce sont ses descendants qui rĂšgnent jusqu’à maintenant au Bushi.

Voici-il Ă©crit : Â« ce dernier (Kabare Ka ganda) revenant de la chasse tout mouillĂ©, surgit dans un village Shi oĂč il trouva un mwami entourĂ© de ses sujets autour du feu. Celui-ci par imprudente hospitalitĂ© cĂ©da la chaise Ă  l’étranger lega.

Par ce fait les gens dirent : nous acceptons le nouvel homme comme mwami car notre mwami lui-mĂȘme lui a cĂ©dĂ© sa chaise symbole de son pouvoir. DĂ©sormais l’étranger devint mwami des Bashi. Â»[17]

         Que dire des affirmations de Corbisier et de Sabiya ?

         L’affirmation selon laquelle les Banyabungo de Ngweshe auraient Ă©tĂ© chassĂ©s de leur montagne Migele par des immigrants liga (du groupe Kisi) nous parait invraisemblable. En effet, au cours de nos enquĂȘtes nous avons interviewĂ© les vieux du montagne Migele. Ils ne signaleront nulle part les traces des Banyabungo dans leur pays.

         Gratuite aussi nous semble l’affirmation de considĂ©rer Bungo, ancĂȘtre Ă©ponyme des Banyabungo, comme un des nombreux fils de Lega. Partout oĂč nous sommes passĂ©s, les Balega n’admettent pas la gĂ©nĂ©alogie des migrations secondaires tracĂ©e par Sayiba.

         Quant Ă  l’appellation Banyabungo, elle tire son origine du Rwanda. L’histoire nous apprend que les Bashi actuels vivaient jadis au Rwanda au dĂ©but de la domination tutsi. A un moment donnĂ©, ils parvinrent Ă  se libĂ©rer du joug tutsi. Ainsi, ils traversĂšrent la Ruzizi et s’installĂšrent dans le Bushi actuel. Cependant vers le XIIIe siĂšcle aprĂšs JĂ©sus-Christ, un prince du Rwanda, le nommĂ© Kanyabungo, Ă  qui son pĂšre ou son grand pĂšre avait lĂ©guĂ© les terres du Bushi actuel poursuivit les fuyards shi pour les soumettre.[18]

         C’est probablement pour cette raison que les Banyarwanda ont appelĂ© les prĂ©tendus sujets de Kanyabungo, Banyabungo. C’est ce que Njangu nous explicite dans le passage suivant : « â€Š Ă  ce stade, un non commun s’impose aux bashi, leur pays Bushi et leur chef Bashi. Ce nom peut provenir aussi des Baluzi. Nous avons reconnu que le prince Tusti qui est venu pour conquĂ©rir le royaume s’appelait Kanyabungo ; il est ainsi appelĂ© dans cette littĂ©rature parce qu’est nommĂ©, pour ainsi dire, roi des Banyabungo. C’est par ce nom que les Banyarwanda dĂ©signent les Bashi. Il signifie trĂšs probablement ceux qui ont dĂ©mĂ©nagĂ©. Mais en rĂ©alitĂ© les groupements errants fuyant devant les flĂšches des Batutsi n’avaient pas de nom commun.

C’est donc en se constituant en groupe organisĂ© qu’ils se sont trouvĂ© un nom. Ce nom peut ĂȘtre le mĂȘme qui Ă©tait utilisĂ© par les Banyarwanda, c’est-Ă -dire, Banyabungo car nous le trouvons connu jusqu’au Buganda et au Sud de l’Urega. Â»[19]

Les Barega ont connu cette appellation « Banyabungo Â» au cours de leur sĂ©jour dans la rĂ©gion de Bunyakiri (Kalehe), laquelle est voisine du Bushi.

En ce qui concerne l’avĂšnement de Kabale Kaganda, celui-ci est un clan Banamoca originaire de la Haute-Ulindi et de la dynastie Baluzi qui a rĂ©gnĂ© sur les Bashi. Kabale Kanganda n’est pas d’origine « Munyabungo Â» ou « Munyintu Â» comme le prĂ©tend Sayiba.

         Il faut aussi noter qu’il y a eu des migrations partielles des Bashi dans les rĂ©gions voisines. Le document suivant nous le montre clairement : « â€Š differentes fractions des Bakisi se trouvaient scindĂ©es gĂ©ographiquement de la tribu : les Bana Keigo (Elila) ; les Bana-Misisi (Elila), les Bana-Kabunga (Kunda) qui sont des Bamuguba st les Banabalo (Elila) constituant la branche ainĂ©e des Bakyunga.

         
 le commissaire de district Ledocte dĂ©clare qu’il ne serait pas difficile de rattacher Ă  la chefferie Bakisi les Balobola de Kiendamina (Gandu), les Ba-Kaseile de Kandolo et de Pene Kibonge englobĂ©s actuellement dans la chefferie de Wakabango. Â»[20]

SECTION II : ORIGINE ET DISPERSION DES BALEGA SELON LES SOURCES ECRITES

  1. Moeller.

Le mouvement migratoire des Balega a dĂ©butĂ© au XVIIe siĂšcle, peu aprĂšs la formation du royaume de Bunyoro par les Nilotiques, en remplacement des Tchwezi ; les Tchwezi dĂ©chus auraient quittĂ© le territoire entrainant avec eux des groupes bantu parmi lesquels on note les Balega.

         Suivant la carte tracĂ©e par Moeller, le groupe lega aurait quittĂ© la vallĂ©e de Muzuzu dans le royaume de Bunyoro en Uganda au XVIIe siĂšcle. Ils auraient pris la direction de l’Ouest jusqu’à la riviĂšre Semiliki oĂč le groupe se sĂ©para :

Un petit groupe continue sa route vers la rĂ©gion de l’ouest pour s’installer au Nord-est de la rĂ©gion de Gety. Tandis que l’autre groupe, le plus important, se dirige vers le Sud-ouest. Il longe d’abord la chaine occidentale des montagnes de l’Est, passant par le pays du Banande, de Beni et de Lubero.

(
) les vagues Balega traversent ensuite le territoire des Banyanga, en territoires de Walikale et Masisi, puis le territoire de Kalehe chez Batembo. A partir du pays des Batembo les contingent Balega prennent progressivement la direction du Sud-ouest. Ils traversent les confluents de la Lowa. Ils suivirent la forĂȘt traversĂ©e par la Lugulu.

Ils atteignent enfin la plaine de Shabunda. Ils poussent alors vers la rĂ©gion de Basse-Ulindi, Ă  Kakolo, au confluant de l’Ulindi et de la Ligulu.[21] De Kakolo, les diffĂ©rents groupes lega se rĂ©pandirent dans le Bulega actuel.

  • Nicolas de Kun.

Dans son livre « L’Art lega Â», de Kun Ă©crit Ă  propos des migrations des Balega ce qui suit : « selon les chroniqueurs de la cour du Rwanda, de fĂ©roces guerriers lega venant du Sud-ouest de l’Uganda auraient franchi la plaine s’étendant du lac Edouard aux volcans ; ils auraient attaquĂ© au XVIIe siĂšcle les avant-postes rwandais de Rutshuru pour pĂ©nĂ©trer vers le Maniema oĂč la pointe de cette percĂ©e aurait divisĂ© en deux, en Songola et Zimba, la tribu Binja qui les auraient prĂ©cĂ©dĂ©s. (
)

         Selon la tradition orale des lega occidentaux, ils auraient mĂȘme franchi le fleuve prĂšs de Kindu Â».[22] Les Balega auxquels on fait allusion ici seraient probablement ceux constituant les clans « Balega du Bushi-Bukavu Â».

         De son cĂŽtĂ©, JAN VANSINA souligne que les Lega sont le plus anciens dans la rĂ©gion qu’ils occupent que les pasteurs shi du Kivu, ils doivent donc s’y ĂȘtre installĂ©s avant le XVIe siĂšcle, date Ă  laquelle la prĂ©sence shi est signalĂ©e dans la rĂ©gion.[23]

         Il semble Ă©galement que les Balega sont arrivĂ©s dans leur rĂ©gion avant que les pygmĂ©es n’aient pu s’y rĂ©pandre. Les Balega n’employaient ni arc, ni flĂšche, or, l’arme caractĂ©ristique des pygmĂ©es est prĂ©cisĂ©ment l’arc et jamais les Balega n’auraient pu les dĂ©truire sans adopter eux-mĂȘmes cette arme. Il faut avouer que l’arme des Balega Ă©tait « extrĂȘmement primitive : un large couteau Ă  bout arrondi. Contrairement aux autres rĂ©gions de l’Afrique centrale, il faut admettre que dans l’Ulega ce sont les Bantous qui ont devancĂ© les pygmĂ©es. »[24] Toutefois, les Balega de Mwenga reconnaissent avoir rencontrĂ© les pygmĂ©es dans les monts Itombwe qu’ils ont dĂ©faits et assimilĂ©s du reste. Ceci est confirmĂ© par le passage suivant : « sur leur territoire les envahisseurs Lega auraient trouvĂ© des pygmĂ©es dispersĂ©s, qu’ils ont assimilĂ©s, tout au mois en partie, comme le montre leur faible taille moyenne, surtout dans les monts Itombwe au Sud de Mwenga. Â»[25]

         Pour synthĂ©tiser ce chapitre retenons que tous les informateurs sont unanimes Ă  localiser le berceau des Balega au Nord de la rĂ©gion qu’ils occupent actuellement (Bunyoro) mais les avis sont partagĂ©s quant Ă  l’itinĂ©raire qu’ils ont suivi pour s’installer dans leur emplacement actuel.

L’hypothĂšse qui fait venir les Balega du nord en passant par l’ouest nous parait la plus vraie, car elle est citĂ©e et connue par la plupart des Balega. En conclusion de Moeller et de Nicolas de Kun qui ont estimĂ© que les Balega ont empruntĂ© la voie orientale pour atteindre leur rĂ©gion actuelle proviendrait du fait que les Balega (les Bakisi) ont sĂ©journĂ© pendant longtemps dans le pays de Nyanga (Walikale) et dans la rĂ©gion environnante du Bushi (Bunyakiri). Et, il n’est pas impossible, qu’ils aient livrĂ© une guerre fĂ©roce contre les Bashi avant de s’étendre dans le Bulega actuel.

         D’autre part, l’autoritĂ© politique qui semblait forte ou plutĂŽt unique au dĂ©part s’est morcelĂ©e avec les migrations et les guerres intestines. Et aujourd’hui on trouve neuf groupes Lega :

Les Basile, s’étendant dans les environs immĂ©diats de la localitĂ© des centres de Mwenga dans la Zone de Mwenga ;

Les Wamuzimu, autour des centres de Kamituga et de Kitutu dans la Zone de Mwenga ;

Les Bakisi, occupant le centre de Shabunda, Matili, Kigulube, Lulingu, Mapimo, Mulungu dans la Zone de Shabunda ;

Les Bakabango (groupe A) dans le centre de Kakole, Penekusu, Zingu, Itula, Lusenge, Ngoma et Museme en Zone de Shabunda ;

Les Bakabango (groupe B) dans les centres de Kayuyu, Kampene, Biumbutu et Samueli, en Zone de Pangi ;

Les Ikama, dans les centres de Kama et les régions de la cours inferieur de la riviÚre Kama ;

Le Babene, autour des centres de Moyo, Wandemba et Pangi dans la Zone de Pangi ;

Les Beia, occupant les regions autour de Sabyazo-Kibila, Kalima, Lubile, Kibonge  et Kyelu, Kisanga, Misisi, Zone de Pangi ;

Les Bakano, ethniquement faisant unité avec le groupe Bakisi, mais administrativement vivant dans la Zone de Walikale, dans la région de Kabunga.[26]

Voici la généalogie légendaire des Balega

I Úre variante :

II Úme Variante :

Lega apparait parallÚlement à Lulimba sans parenté définie.

III Úme Variante :

VOICI LA GENEALOGIE DES BALEGA FOURNIE RECEMENT PAR LA TRADITION ORALE

    

DEUXIEME PARTIE : EVOLUTION SOCIALE DES BAKISI

CHAPITRE I : ORGANISATION CLANIQUE

SECTION I : LA FAMILLE

         La famille kisi ou lega en gĂ©nĂ©ral dĂ©borde le cadre nuclĂ©aire. Elle dĂ©bouche sur une conception large. En plus du pĂšre, de la mĂšre et des enfants, la famille kisi comprend des oncles, des tantes et des grands parents. Les enfants pris Ă  la guerre sont adoptĂ©s et reçoivent le mĂȘme statut et les mĂȘmes soins que les autres enfants de la maison. Ce fait peut ĂȘtre expliquĂ© par l’absence de l’esclavage chez les Balega. Voyons ce Delhaise Ă©crit Ă  ce sujet :

  • « Mais les prisonniers de guerre ?
  • On les tuait ou on les mangeait.
  • les femmes ? On les amenait, et ces Ă©trangĂšres jouissaient bientĂŽt de la mĂȘme considĂ©ration que les femmes du village, elles se trouvaient dans la mĂȘme condition sociale.
  • Et les enfants ? On les adoptait ; ils se confondaient avec les enfants de la famille. Â»[29]

         Une harmonie parfaite caractĂ©rise les relations familiales. Les rapports parents-enfants sont des rapports d’amour et d’affection. Ils Ă©duquent les enfants de façon qu’ils puissent devenir des hommes adultes capables de les remplacer dignement aprĂšs leur mort. Aux conseils moraux s’ajoutent des Ă©preuves physiques pour la formation de la personnalitĂ© des enfants. D’ailleurs, les enfants assistent et parfois participent aux activitĂ©s des adultes en tant que futurs successeurs de ces derniers.

         En Ă©change, les enfants doivent respect et obĂ©issance inconditionnĂ©s Ă  leurs parents et aux supĂ©rieurs. Ils entretiennent les vieillards et les infirmes par leurs services et cadeaux.

Bref, appelĂ©s Ă  prendre la relĂšve de leurs parents, les enfants doivent bien se comporter en vue de bĂ©nĂ©ficier de la bĂ©nĂ©diction des ancĂȘtres par le canal des vieux.

         La femme mariĂ©e continue Ă  faire partie de la famille Ă©lĂ©mentaire. Quoique Ă©trangĂšre Ă  la famille de son mari, elle est respectĂ©e. Elle n’occupe pas une position marginale dans la mesure oĂč Ă  part ses activitĂ©s mĂ©nagĂšres elle participe Ă  la chose publique.

Elle est prĂ©sente dans les rĂ©unions de la communautĂ© clanique de son mari et peut gravir les degrĂ©s de la hiĂ©rarchie sociopolitique du bwami. ImpressionnĂ© par le rĂŽle que la femme joue dans la sociĂ©tĂ© lega, Delhaise Ă©crit :

« Si l’on doit mesurer le degrĂ© de civilisation d’un peuple au respect dont il entoure la femme, les Warega mĂ©ritent d’occuper une place d’honneur parmi les NĂšgres africains. Â»[30]

SECTION II : LE CLAN

         Le clan est l’unitĂ© sociale de base. Par clan nous entendons un ensemble d’individus ayant un ancĂȘtre commun souvent mythique en ligne paternelle ou maternelle.[31]

         Les Bakisi et les Balega en gĂ©nĂ©ral pratiquent le rĂ©gime patrilinĂ©aire. La structure sociopolitique est du type segmentaire. GĂ©nĂ©ralement, le clan se divise en une sĂ©rie de lignage. Les membres d’un lignage se rĂ©clament d’un ancĂȘtre fondateur commun rĂ©el et jamais mythique.[32] Ils habitent soit un village soit des villages voisins. Un homme adulte mariĂ© qui se querelle continuellement avec les membres de son lignage peut les quitter et s’établir dans un autre lignage du mĂȘme clan ou tout simplement fonder son propre village avec les siens.

         Quoique territorialement divisĂ©s les membres d’un clan ont la conscience d’appartenir Ă  une mĂȘme communautĂ© et demeurent unis.

Ecoutons BIEBUYCK Ă  ce sujet : « le clan des Balega, basĂ© sur une stratification de huit Ă  onze gĂ©nĂ©rations, et si on nous permet ce terme, une entitĂ© fissipare c’est-Ă -dire qu’il se perpĂ©tue en se scindant en segment toujours plus nombreux et plus petit que les Balega appellent KĂ©bundu, Bukolo, KĂ©kalo, Kabanda, Ibele, Mulula, Kelombo. Ce processus de momification de branches, a ceci de particulier que toutes les lignĂ©es ainsi formĂ©es continuent d’ĂȘtre structurellement liĂ©es. Â»[33]

         Mais, qu’est ce qui peut expliquer la solidaritĂ© lignagĂšre et clanique chez les Bakisi ? Essentiellement la culture. Comme nous le verrons plus loin l’élĂ©ment unificateur des clans kisi et lega en General c’est l’institution sociopolitique du bwami.

         D’ailleurs, cette segmentation est inhĂ©rente Ă  la mentalitĂ© Ă  la mentalitĂ© des Balega. L’homme lega est Ă©pris d’indĂ©pendance et de libertĂ©. Il ne supporte aucune forme de domination.

Toutes les fois que l’on porte atteinte Ă  sa libertĂ©, ils se rĂ©voltent. Cela ne veut pas dire qu’il est rejetĂ©. Il a toujours un mot Ă  dire dans les rĂ©unions claniques et prend part activement autant que les autres membres du clan Ă  la chose publique. C’est ce que Verhaegen nous explicite dans le passage suivant : « les Warega ont avant tout un besoin fondamental de se sentir libres. Chacun dĂ©sire se libĂ©rer de toute emprise que quelqu’un d’autre voudrait exercer sur lui. Chacun veut se sentir autonome avec ses femmes et ses enfants. Cette attitude, les Warega la manifestent partout et contre n’importe qui
 Â»[34]

         Pour rĂ©sumer ce chapitre, nous pouvons affirmer que sur le plan familial nous avons une famille Ă©tendue.  Les parents ont le devoir de prĂ©parer ont le devoir de prĂ©parer leurs enfants Ă  la vie adulte. Les enfants imitent leurs prĂ©dĂ©cesseurs (adultes) considĂ©rĂ©s comme modĂšles. Tant qu’ils restĂšrent enfants les jeunes gens et les jeunes filles devront se soumettre et obĂ©ir sans rĂ©pliquer. Cependant, de nos jours, une certaine tendance au relĂąchement des mƓurs se dessine et mĂȘme se gĂ©nĂ©ralise. L’observance des traditions  et des coutumes n’est plus stricte. Souvent, les enfants se dĂ©robent Ă  leurs devoirs vis-Ă -vis des supĂ©rieurs.

         Sur le plan clanique, nus pouvons conclure Ă  l’existence de l’unitĂ© sociale kisi et lega en gĂ©nĂ©rale et ce, malgrĂ© les scissions lignagĂšres et claniques continues. MĂȘme aujourd’hui les Balega se sentent culturellement unis. Les coutumes et particuliĂšrement le bwami y sont pour beaucoup.

CHAPITRE II : LA NAISSANCE

Nul n’ignore que la naissance des enfants constitue un Ă©vĂ©nement marquant pour la vie des noirs africains. Chez les Balega et chez les Bakisi en particulier, elle est la raison d’ĂȘtre du mariage.

SECTION I : LA GROSSESSE

         Chez les Bakisi l’apparition de la grossesse surtout la premiĂšre constitue le couronnement de la gymnastique sexuelle que les Ă©poux ont faite une certaine pĂ©riode durant. C’est Ă  ce titre qu’elle est considĂ©rĂ©e comme un grand Ă©vĂ©nement. Non seulement elle prouve la puissance du couple mais aussi marque une Ă©tape considĂ©rable pour l’intĂ©gration totale des Ă©poux dans la sociĂ©tĂ©.

         Une confidence certaine entoure la grossesse au dĂ©part. Ensuite, le mari est appelĂ© Ă  informer officiellement sa famille. Ce n’est qu’aprĂšs cela que le fait est connu du public. A la question de savoir pourquoi il est dĂ©fendu de faire allusion Ă  la grossesse aux deux premiers mois, les Bakisi rĂ©pondent : « c’est pour Ă©viter que les sorciers dĂ©truisent le fƓtus avec leurs moyens malĂ©fiques. Â»[35] Bien entendu, l’on croit que le fƓtus est sujet Ă  destruction dans les premiers mois.

         En plus, l’interdiction est faite pour la femme de manger un certain nombre d’aliments, une certaine catĂ©gorie du gibier, du poisson etc. tous ces interdits vise Ă  accoucher des enfants vigoureux et robustes et non des chĂ©tifs. D’autre part, pendant la grossesse, ni la femme ni l’homme ne peut accorder ses faveurs Ă  une autre personne que son conjoint. Si tel Ă©tait le cas, la femme et son enfant mourraient pendant l’accouchement. MĂȘme Ă  l’heure qu’il est l’observance de ces interdits reste stricte.

SECTION II : ACCOUCHEMENT

  1. Accouchement ordinaire.

Par accouchement ordinaire, nous entendons la mise au monde d’un seul enfant. Cet accouchement a toujours lieu en dehors de l’habitation conjugale, dans une maison construite Ă  cet effet. La porte de la maison est tournĂ©e vers la foret et non vers le village. Ceci pour qu’aucun homme ne puisse y regarder.

         Lors de l’accouchement, la femme en douleurs est assistĂ©e de sa belle mĂšre, de sa mĂšre ou de sa sƓur ainĂ©e. Une femme sage ayant dĂ©jĂ  eu plusieurs enfants remplit les fonctions d’accoucheuse. Ce sont elles qui conduisent la femme Ă  cet endroit aux premiĂšres douleurs.

         Comment la femme accouche-t-elle ?

« La femme accouche habituellement assise sur un tronc d’arbre couchĂ© en travers de la maison, et pour aider la jeune mĂšre, l’accoucheuse lui passe une Ă©toffe pliĂ©e en laniĂšres sous les reins et lui donne un mouvement de va et vient. Â»[36]

Le cordon ombilical est coupĂ© en deux : une partie reste attachĂ©e Ă  l’enfant et une autre est soigneusement cachĂ©e dans la foret car personne ne peut la voir. Toute nĂ©gligence dans ce domaine pourrait porter atteinte Ă  l’existence de l’enfant. Au bout de trois ou quatre jours, le cordon ombilical restĂ© attachĂ© Ă  l’enfant tombe. La mĂšre l’enveloppe et le pend avec une ficelle au plafond de la cuisine au dessus du feu. Apres quelques temps, la ficelle se brise et tout tombe dans le feu. Personne n’est autorisĂ© Ă  en parler.[37]

         Les autres femmes du village ne peuvent rendre visite Ă  leur voisine qu’aprĂšs l’accouchement.

         Au retour au village, aprĂšs trois ou quatre jours, le pĂšre de l’enfant doit rĂ©compenser l’accoucheuse appelĂ© « musama Â» et toutes les femmes qui ont assistĂ© son Ă©pouse. Jadis cette rĂ©compense consistait en poules essentiellement. De nos jours, le pĂšre offre en plus des poules, des Ă©toffes, des couvertures, des casseroles


         Pendant tout le temps de l’allaitement (environ une annĂ©e), les Ă©poux s’abstiennent des rapports sexuels. Pour Delhaise, cet acte traduit une haute moralitĂ© sexuelle des Balega. « L’atmosphĂšre de la morale sexuelle des Warega est, en somme d’une puretĂ© d’assez belle qualitĂ©. On y respire un certain air de chastetĂ© auquel on n’est guĂšre habituĂ© en cette Afrique brulĂ©e par la passion dĂ©rĂ©glĂ©e et corrompue par le chancre arabe. Â»[38]

En rĂ©alitĂ©, ce qui explique cette longue pĂ©riode d’abstinence sexuelle c’est d’abord la peur d’empoisonner le lait maternel. En effet, si les parents ont des relations sexuelles, le sperme de l’homme passe dans le lait maternel, et est poison pour l’enfant. Il est peut le rendre malade. Ensuite, Ă©tant donnĂ© que l’on doute de la fidĂ©litĂ© conjugale du mari, ses relations sexuelles extraconjugales peuvent ĂȘtre nuisibles Ă  son Ă©pouse en cas de partage de la mĂȘme couche conjugale.

         Il va sans dire que l’espace inter gĂ©nĂ©sique des Bakisi datant est raisonnable : trois ans.

Il est devenu de cinq ou six ans lors de l’invasion arabe du pays lega. Ceci est dĂ» Ă  l’insĂ©curitĂ© qui rĂ©gnait partout Ă  cette Ă©poque. De nos jours, les jeunes couples kisi, influencĂ©s par la modernitĂ© et les tribus voisines ne se conforment plus Ă  ces observances traditionnelles. L’espace de naissance dans la plupart des foyers est devenu d’une annĂ©e et demie. Comme consĂ©quences, la mortalitĂ© infantile est trĂšs Ă©levĂ©e et les femmes vieillissent vite.

         Il arrive quelque fois que l’accouchement soit difficile. Ce fait est attribuĂ© Ă  la mĂ©conduite de la femme ou de l’homme ou de ces deux Ă  la fois pendant la grossesse. Quant Ă  la femme, elle doit designer nominativement tous les hommes avec lesquels elle a eu des rapports sexuels et si non elle mourra en accouchant ou avant d’accoucher d’une maladie appelĂ©e « mpinde Â».

En ce qui concerne le mari, il doit énumérer les noms des femmes avec lesquelles il a couché pendant la grossesse de son épouse sinon cette derniÚre mourra des mpinde.

         Jusqu’à ce jour, les Bakisi continuent Ă  faire confiance aux mpinde. Ce qui explique les relations sexuelles de certains Ă©poux sont disciplinĂ©es autours du berceau de l’enfant dans une certaine mesure.

  • Accouchement des jumeaux.

La naissance des jumeaux est considĂ©rĂ©e comme quelque chose d’extraordinaire. Autrefois, on voyait en eux des mandataires d’ancĂȘtres qui venaient surveiller l’usage des us et coutumes. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’obligations en dĂ©coulent. Ainsi, pendant les premiers mois (jusqu’à la poussĂ©e de la premiĂšre dent), on leur offrait une partie du gibier qu’on attrapait, du poisson qu’on pĂ©chait


         Si pour la naissance d’un enfant, il n’existe pas de cĂ©rĂ©monie, pour la naissance des jumeaux il en existe une. Elle est du type obscĂšne. Durant une semaine, le village entier danse Ă  l’honneur des jumeaux ? Tout participant Ă  la danse doit offrir au prĂ©alable quelque chose aux jumeaux. Les offrandes qu’on leur offre sont chaque fois en double.

         Une autre caractĂ©ristique qui distingue la naissance des jumeaux de celle d’un enfant est qu’aprĂšs la naissance des jumeaux, la mĂšre rentre le mĂȘme jour au village alors que pour la naissance ordinaire le retour se fait  trois ou quatre jours aprĂšs.

Quant aux parents, cet Ă©vĂ©nement apporte une grande joie. C’est aussi preuve de leur force virile. Ainsi, pour manifester sa joie, le pĂšre, Ă  l’annonce de la nouvelle, s’expose complĂštement nu, assis devant la porte, les jambes Ă©cartĂ©es.[39] Par cet Ă©vĂ©nement, les parents acquiĂšrent des droits qui sont refusĂ©s Ă  d’autres. Ils ne sont plus tabouĂ©s ou plutĂŽt ils sont soustraits de certains interdits.

Ainsi, le couple peut insulter n’importe qui sans que cela soit considĂ©rĂ© comme un scandale. Dans le mĂȘme contexte, la femme peut appeler ses beaux-parents par leurs noms de naissance alors qu’en cas normal elle ne pourrait pas se le permettre.

         Aujourd’hui l’influence du christianisme a attĂ©nuĂ© des pratiques telles que s’exposer nu en public, injurier, mais, malgrĂ© tout, les jumeaux continuent Ă  bĂ©nĂ©ficier des soins particuliers et demeurent sujets Ă  curiositĂ©.

SECTION III : LE STATUT SOCIAL DE L’ENFANT

         Chez les Bakisi tous les enfants ont le mĂȘme statut social. Toutefois, une certaine prĂ©fĂ©rence est donnĂ©e aux garçons. La raison est simple : les garçons sont appelĂ©s Ă  perpĂ©tuer la famille. Pour ce faire, ils sont prĂ©parĂ©s Ă  prendre la relĂšve de leurs pĂšres. L’éducation qu’ils reçoivent est centrĂ©e sur les responsabilitĂ©s futures qui les attendent. Quant aux filles, quoiqu’attachĂ©es socialement Ă  leurs familles aprĂšs le mariage, elles en sont sĂ©parĂ©es physiquement. Leur sĂ©jour au sein de la famille est donc passager et par consĂ©quent le rĂŽle qu’elles jouent au sein de la famille est limitĂ©.

         Bien que patrilinĂ©aire, les enfants kisi appartiennent Ă  la famille soit du pĂšre soit de la mĂšre. Ce qui dĂ©termine l’appartenance de l’enfant Ă  une famille c’est la dot. En effet, un enfant nĂ© d l’union libre appartient Ă  l a famille de la mĂšre et jouit de la mĂȘme considĂ©ration que les autres enfants de la famille. En outre, si de la cohabitation d’un couple naĂźt un enfant avant que la dot soit versĂ©e Ă  la famille de la fille, il appartiendra Ă  la famille de sa mĂšre. Si son pĂšre tient Ă  l’avoir, il devra payer une double dot :

  • Une pour mĂ©riter la femme et
  • Une autre pour avoir l’enfant.

Pour leurs gĂ©nĂ©rations actuelles, la double dot n’est plus de mise Ă©tant donnĂ© la chertĂ© de la vie. Les parents de la fille s’aperçoivent de plus en plus que l’éducation des enfants (surtout la scolarisation) coĂ»te cher. C’est la raison pour laquelle ils se limitent Ă  une seule dot.

         Les enfants naturels n’existent pas. L’adultĂšre n’est, certes, pas encouragĂ©e, toutefois, si une fille se mĂ©conduit et en devient grosse, ses parents la grondent mais lui pardonnent en derniĂšre analyse. Cela signifie que la fille n’est pas expulsĂ©e et son enfant est intĂ©grĂ© d’ailleurs dans sa famille. Par contre chez d’autres peuples, les Bashi par exemple, un tel cas est passible de renvoi de la fille du toit familial.

Ceci explique en partie la délinquance féminine beaucoup plus prononcée chez les Balega que chez leurs voisins Bashi.

         A l’heure actuelle, les Bakisi qui vivent dans les centres urbains, sanctionnent sĂ©vĂšrement ce genre de cas pour garder leur honneur, par imitation des autres et compte tenu du coĂ»t de la vie. L’influence du christianisme diminue aux villages la dĂ©bauche.

SECTION IV : EDUCATION DES ENFANTS

         Elle se donne sĂ©parĂ©ment selon qu’il s’agit de filles ou de garçons.

Les jeunes filles sont encadrĂ©es par leurs mĂšres, grandes sƓurs, tantes, grand-mĂšres et les femmes sages du village. La formation consiste en la soumission aux hommes, en l’obĂ©issance aux maris, aux beaux-parents


         L’apprentissage de services culinaires et d’autres travaux mĂ©nagers se fait par imitation Ă  force de vire ensemble avec les femmes adultes. En outre, Ă  travers les contes, les proverbes et au moyen d’exemples des femmes adultes, elles assimilent le sens de gĂ©nĂ©rositĂ©, de souplesse, de clairvoyance et surtout de chastetĂ©.

         Elles reçoivent l’éducation sexuelle de leurs grands-mĂšres. Celles-ci leur enseignent le comportement au lit avec le mari lors de leur mariage, quand il faut s’abstenir des relations sexuelles
 l’éducation dure tant que la femme vit. Mais une fois mariĂ©e, la fille change d’agents Ă©ducatifs. Ces derniers sont des femmes adultes issues la plupart du temps de sa belle famille.

         Quant aux garçons, depuis le bas Ăąge ils sont pris en charge par leurs pĂšres et tous les hommes sages du village. Ce sont eux qui assurent leur Ă©ducation au barza et en sont responsables. Les leçons sont donnĂ©es aux jeunes gens le soir autour du feu. Ici aussi, Ă  travers les mythes, les lĂ©gendes, les contes
 on apprend aux garçons la maniĂšre de se conduire dans la vie : la simplicitĂ©, la serviabilitĂ©, la franchise, etc.

D’autre part, on les familiarise Ă  l’histoire de leurs clans, de leur peuple mais aussi on les sensibilise aux responsabilitĂ©s futures qui les attendent dans la sociĂ©tĂ©. Le couronnement de cette premiĂšre Ă©ducation juvĂ©nile est constituĂ© par l’initiation obligatoire appelĂ© « bwali Â» par laquelle passent tous les garçons mĂ»rs. Cette initiation qui se matĂ©rialise par la circoncision marque le passage de l’enfance Ă  l’ñge adulte. Les rites relatifs au bwali ont un caractĂšre secret mais son importance fondamentale rĂ©side dans le dĂ©veloppement de la personnalitĂ© des jeunes gens et dans leur intĂ©gration effective dans la sociĂ©tĂ©.

         Cette formation des Bakisi, amorcĂ©e depuis le bas Ăąge, se poursuit jusqu’à la vieillesse. C’est dans ce contexte, comme nous le verrons plus tard, que l’institution sociopolitique du bwami trouve sa signification, celle de parfaire la formation des hommes.

         En guise de conclusion, comme dans les autres sociĂ©tĂ©s traditionnelles africaines, et peut ĂȘtre beaucoup plus, la naissance des enfants et de beaucoup d’enfants est l’idĂ©al d’un couple. Le cĂ©libataire n’a pas de place dans cette sociĂ©tĂ©. Il est dĂ©considĂ©rĂ© car il n’est pas entiĂšrement homme. Le plus grand malheur d’un foyer c’est la stĂ©rilitĂ© d’un des conjoints ;

         Actuellement, avec l’éducation payante et le coĂ»t de la vie, avoir beaucoup d’enfants n’est plus un idĂ©al du moins pour les intellectuels qui saisissent le problĂšme. Quelques enfants suffisent. D’autre part, une certaine tendance Ă  prolonger le cĂ©libat existe chez les jeunes cultivĂ©s, ce qui Ă©tait inconcevable il y a quelques annĂ©es.

CHAPITRE III : LE MARIAGE

         Le mariage en Afrique noire unit un groupe de parents Ă  un autre et confĂšre Ă  l’individu un nouveau rĂŽle dans la sociĂ©tĂ© lequel consiste en un faisceau de droits mais aussi des devoirs.[40]

SECTION I : LE CHOIX DU CONJOINT

         Il incombe aux parents du jeune homme. En effet, lorsqu’un garçon devient mĂ»r c’est-Ă -dire capable de construire une maison, de cultiver, de chasser
, bref lorsqu’il est Ă  mĂȘme d fonder un foyer et d’entretenir une famille, son pĂšre lui cherche une fille. Le choix tombe  de prĂ©fĂ©rence sur une fille qui a un bon caractĂšre et qui est apte aux travaux mĂ©nagers. La beautĂ© physique est accessoire. On part du principe : « tel pĂšre, tel fils et telle mĂšre, telle fille. Â»

Les parents du jeune homme choisissent une jeune fille réputée pour sa bonne conduite sur le plan social et moral.[41]

En dĂ©finitive, dans le choix de la fille, son caractĂšre ainsi que celui de sa famille entrent en ligne de compte. Comme le dit Delhaise, « â€Š des parents acariĂątres, querelleurs, insatiables trouvent difficilement Ă  caser leurs filles. Â»[42]

Les parents du garçon ou plus exactement le pĂšre du garçon prend contact avec le pĂšre de la fille et jusque lĂ  ni la fille n’est mis au courant de cette dĂ©marche.

Apres cette premiĂšre requĂȘte, un laps de temps plus au moins long s’écoule avant que les parents de la fille donnent une rĂ©ponse ; dans l’entretemps, ces derniers se renseignent sur le comportement du garçon et de sa famille.  Sur la rĂ©ponse affirmative, les parents du garçon dĂ©pĂȘchent leurs fils pour offrir du gibier Ă  sa future belle-mĂšre. Et c’est seulement alors que le jeune homme dĂ©couvre sa proposĂ©e. Il en de mĂȘme de la fille.

         A l’origine donc, la libertĂ© de mariage n’existe pas. Garçon et fille ne peuvent pas transgresser l’ordre de leurs pĂšres sous peine de malĂ©diction.

Le garçon particuliĂšrement doit se ranger au choix de son pĂšre d’autant plus que ce dernier dĂ©tient les biens dotaux. A cette Ă©poque, les biens dotaux qui sont en nature essentiellement et dont nous parlerons plus loin sont censĂ©s ĂȘtre dĂ©tenus par les vieux.

         Autrefois, les Bakisi conçoivent le mariage comme une union entre deux groupes de parents diffĂ©rents. Groupe doit ĂȘtre pris ici au sens large.

         De nos jours les jeunes gens se libĂšrent de plus en plus de la mainmise de leurs parents. Ils choisissent leurs conjoints avec ou sans le consentement des parents. Cette libĂ©ralisation dans le choix du conjoint trouve son explication dans la facilitĂ© que les jeunes gens ont de rassembler d’eux-mĂȘmes la dot. Ils peuvent se passer des vieux dans la mesure oĂč la dot en nature Ă©tant remplacĂ©e par celle en espĂšce, les jeunes gens se procurent plus facilement de l’argent que les vieux.

         Si dans le temps, le mariage est virilocal et exogamique mais toujours au sein de l’ethnie, actuellement ou se marie parfois en dehors de la tribu. Dans quelle mesure les coutumes de la tribu de la tribu du garçon ? La rĂ©ponse Ă  cette question est dĂ©licate et justifie l’inquiĂ©tude des vieux (reprĂ©sentants du monde traditionnel).

SECTION II : LES FIANCAILLES

         De mĂȘme que pour le choix du conjoint le rĂŽle des parents est important, de mĂȘme les fiançailles sont en gros l’Ɠuvre des familles du garçon et de la fille. Les intĂ©ressĂ©s dans le cadre de leurs familles respectives prennent part Ă  ce phĂ©nomĂšne de fiançailles, comme le dit KABANDA : Â« Les fiançailles durent le temps nĂ©cessaire pour permettre aux futures conjoints d’atteindre leur maturitĂ© au cas oĂč ils seraient fiancĂ©s trĂšs jeunes, et au cas oĂč les fiancĂ©s seraient dĂ©jĂ  arrivĂ©s Ă  la maturitĂ©, les fiançailles durent le temps nĂ©cessaire pour permettre surtout aux parents de la jeune fille de prĂ©parer celle-ci Ă  la vie conjugale et Ă©ventuellement permettre aux beaux parents de connaitre leur belle fille ou leur futur gendre au cas oĂč ils ne se connaitraient pas encore. Â»[43]

         Bref, les fiançailles chez les Bakisi dans le temps, sont une occasion pour les futurs Ă©poux non de se connaitre directement mais plutĂŽt de se connaitre par le truchement de leurs parents.

Comment cela des concrĂ©tise-t-il par les faits ?

         Pour la famille du jeune homme c’est l’occasion de montrer ce qu’elle est capable. RĂ©guliĂšrement le garçon sĂ©journe Ă  sa future belle famille accompagnĂ© d’ailleurs de quelques membres de sa famille ou lignage. Ceci pour montrer l’esprit d’entente, de solidaritĂ© et d’organisation qui rĂšgne au sein de son lignage. LĂ , ils s’occupent Ă  construire des cases pour leur belle-mĂšre et leurs belles-sƓurs (grandes sƓurs de leur future Ă©pouse). Ils cultivent Ă©galement des champs et chassent des animaux sauvages.

         Dans toutes ces activitĂ©s le prĂ©tendant doit se distinguer. Son dĂ©vouement au travail, sa persĂ©vĂ©rance, son courage, sa personnalitĂ© dĂ©gagent de ces Ă©preuves.

         Pendant la durĂ©e de ce stage qui peut s’étaler sur un mois, il n’y a pratiquement pas d’entretiens entre le garçon et la fille. Tout au plus, cette derniĂšre apporte de la nourriture, de l’eau aux hĂŽtes de marque et prĂ©pare leurs lits. Le garçon ne peut prendre contact qu’avec son beau-pĂšre, ses beaux-frĂšres, ses belles-sƓurs (petites sƓurs de la fille) et de ses grands parents. Il doit se conformer Ă  ne pas s’entretenir avec sa belle-mĂšre, ses belles-sƓurs (grandes sƓurs de la fille) considĂ©rĂ©es aussi comme des belles-mĂšres et dans une certaine mesure avec sa future Ă©pouse.

         En ce qui concerne la fille, elle est invitĂ©e gĂ©nĂ©ralement en pĂ©riode de semence et de rĂ©colte dans sa future belle-famille pour aider sa belle-mĂšre. Elle s’occupe pendant cette pĂ©riode des travaux domestiques Ă  part ses occupations de champs. Ces visites rĂ©guliĂšres sont une occasion pour les membres du lignage de se familiariser Ă  elle mais surtout de connaitre son caractĂšre et sa conduite. Les contacts avec son futur mari et le monde mĂąle en gĂ©nĂ©ral son quasi-inexistants.

RĂ©sumant les comportements de la jeune fille et du jeune homme envers leurs futurs beaux-parents en Afrique noir Kabanda dit : Â« La jeune fille a, vis-Ă -vis de sa future belle-mĂšre les mĂȘmes relations qu’envers sa propre mĂšre tandis qu’elle ne peut jamais donner la main Ă  son futur beau-pĂšre, ni entrer dans la maison lorsqu’il s’y trouve.

Le jeune homme de son cotĂ©, considĂšre son futur beau-pĂšre comme son propre pĂšre tandis qu’il doit beaucoup plus de respect Ă  sa future belle-mĂšre. Il ne peut jamais lui donner la main ni la regarder ni entrer dans la maison lorsqu’elle y est.

Les futurs beaux-parents ont vis-Ă -vis de leurs futurs beaux enfants le mĂȘme comportement que ceux-ci ont Ă  leur Ă©gard. Ils les considĂšrent comme Ă©tant leurs propres enfants. Ces relations se poursuivent aussi longtemps que dure le mariage. Â»[44]

         Quant aux rapports entre futurs beaux-parents, ils sont essentiellement amicaux.

         La durĂ©e des fiançailles varie selon que la fille est oui ou non mĂ»re. Dans le cas normal (c’est-Ă -dire si les fiancĂ©s son adultes), la durĂ©e est d’environ six mois.

         Actuellement l’esprit des fiançailles continue Ă  ĂȘtre respectĂ© dans les conditions normales au village. Si le garçon Ɠuvre loin du village de la fille et qu’il ne peut sĂ©journer longtemps Ă  sa future belle-famille, seule sa famille se charge des formalitĂ©s de mariage. Parfois aussi, les jeunes gens aisĂ©s brulent les Ă©tapes du mariage Ă  cause de la cupiditĂ© du pĂšre de la fille. Mais ce genre de mariage est gĂ©nĂ©ralement dĂ©sapprouvĂ© par la coutume traditionnelle.

SECTION III : LA DOT

  1. Signification.

La dot, chez les Bakisi d’antan, revĂȘt une signification symbolique. Il s’agit d’une compensation de la famille de la fille pour le transfĂšre d’une de leurs membres Ă  la famille du garçon. Elle ne constitue pas du tout un achat car la fille, quoique mariĂ©e, continue Ă  appartenir Ă  sa famille d’origine. La dot constitue une sorte de caution remboursable en cas de divorce.

         Ici, le mariage doit ĂȘtre conçu comme la prolongation de la famille d’origine des conjoints et non la fondation d’une nouvelle famille. D’ailleurs, les droits de l’homme sur son Ă©pouse sont trĂšs limitĂ©s.

S’il arrive que l’homme maltraite sa femme, la famille de celle-ci peut intervenir et peut mĂȘme casser le mariage en restituant la dot.

         Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, la dot constitue essentiellement un gage de la stabilitĂ© du mariage et l’amour que le jeune homme manifeste envers la jeune fille. Mais on peut se poser une question : quel est l’usage de la dot chez les Bakisi traditionnels ? Elle sert Ă  faire remplacer la fille mariĂ©e. Grace Ă  la dot de sa sƓur, le frĂšre peut Ă©pouser une fille. Cette derniĂšre remplace sa sƓur. La dot n’est nullement un moyen de s’enrichir.

         Avec l’introduction du bwami au XIXe siĂšcle, les biens dotaux ont Ă©tĂ© destinĂ©s Ă  d’autres fins. Un profane dĂ©sireux de s’installer au  bwami ou un mwami dĂ©sireux d’accĂ©der Ă  un grade supĂ©rieur devenait de plus en plus avide pour donner sa fille en mariage. Jusque lĂ  seule la famille du prĂ©tendant proposait le montant de la dot, ce qui Ă©tait presque toujours acceptĂ©. Mais suite Ă  ces nouveaux changements c’est la famille de la fille qui fixe le montant de la dot. Le montant est en gĂ©nĂ©ral exorbitant.

         La dot, depuis l’introduction du bwami chez les Bakisi, perd de sa valeur symbolique. Toute fois, l’influence de la famille de la fille sur celle du garçon demeure forte.

         L’arrivĂ©e des EuropĂ©ens a accentuĂ© la cupiditĂ© des parents de filles. En effet la dot en nature a Ă©tĂ© remplacĂ©e essentiellement par la dot en espĂšce.

Cet argent a servi Ă  des usages multiples : payer l’impĂŽt, acheter des articles dans les magasins des Blancs, se marier, cĂ©lĂ©brer le bwami


         Le problĂšme de la dot se pose avec acuitĂ© pour les filles intellectuelles. Les parents ont tendance Ă  comptabiliser les dĂ©penses faites pour l’instruction de la famille. Et c’est au prĂ©tendant Ă  restituer globalement ces dĂ©penses dans la dot. Cependant, les filles se rebellent gĂ©nĂ©ralement et se marient sans suivre la procĂ©dure normale au grand mĂ©contentement de leurs parents.

         Tout en aimant leurs filles mariĂ©es et en les considĂ©rant comme membres Ă  part entiĂšre de la famille nuclĂ©aire, les parents sont devenus de plus en plus exigeants pour satisfaire Ă  ces divers besoins crĂ©Ă©s par l’influence europĂ©enne.

  • Biens matrimoniaux.

Les biens dotaux donnés marquent un tournant au processus du mariage. Ils le rendent légitime.

         D’abord ces biens matrimoniaux ont consistĂ© en :

  • Coquillages terrestres. Il s’agit de rondelles qu’on enfile Ă  partir des coquillages d’escargots. Ces coquillages (cauris) constituent la monnaie lega d’autrefois, du reste.
  • ChĂšvres, moutons et chiens. En ce qui concerne le chien, une marque s’impose. Certes, le chien est un bien dotal destinĂ© non Ă  la consommation mais Ă  la chasse. Les Balega en gĂ©nĂ©ral et les Bakisi en particulier sont un peuple sĂ©dentaire mais Ă©galement chasseur. Contrairement Ă  ce qu’affirment certains gens, les Balega ne mangent pas le chien mais s’en serve pour chasser les animaux sauvages. Quant Ă  la chĂšvre et au mouton, ils sont rarement consommĂ©s. Les bami au cours de leurs cĂ©rĂ©monies en Ă©gorgent quelques uns. On en tue aussi Ă  l’occasion d’une visite de marque ou au cours des grandes fĂȘtes.
  • Objets en fer : haches, lances, machettes, couteaux. On utilise ces instruments pour cultiver, pour chasser et pour guerroyer.

Les bami, malgrĂ© les abus, n’ont rien ajoutĂ© aux biens dotaux.

Avec l’arrivĂ©e des Blancs, la monnaie a Ă©tĂ© incluse dans les biens matrimoniaux. Elle a pris le dessus sur les autres biens et aujourd’hui, elle constitue Ă  elle seule le principal bien dotal. Actuellement, toutes sortes d’articles : radios, pantalons, chemises, chaussures, couvertures, draps, casseroles, assiettes, etc. servent des biens dotaux.

         Chez les Bakisi, il faut noter que la dot qu’on donne Ă  la famille de la fille pour l’obtenir en mariage ne constitue qu’une tranche. Le mari s’efforce de parfaire cette somme (dot) toute la vie du mariage durant. C’est-Ă  dire qu’il n’y a pas de montant dĂ©finitivement fixĂ© pour le mariage. Autrement dit, la premiĂšre tranche de la dot est la plus significative mais non la seule. Le mari essaie de satisfaire Ă  toute demande de sa belle-famille dans la mesure du possible.

         D’autre part, la fille avant de regagner le toit conjugal collecte un certain nombre de biens : des poules, du poisson fumĂ©, de la viande boucanĂ©, des pattes d’arachide, une Ă  deux chĂšvres, des cauris (musanga),


Ces biens sont partagés entre les membres de sa belle-famille et scellent ainsi officiellement la cohabitation.

         D’autres unions se rĂ©alisent sans passer par toutes ces phases. Il s’agit de :

  • LĂ©virat : c’est le mariage entre un homme et une veuve de son grand-frĂšre dĂ©cĂ©dĂ©. Il arrive aussi qu’un homme Ă©pouse une veuve de son pĂšre dĂ©funt Ă  l’exception bien sĂ»r de sa propre mĂšre. dans l’un ou l’autre cas, la nouvelle union est possible si la veuve a du bon caractĂšre et si elle est travailleuse. Le but du lĂ©virat est surtout d’assurer la sĂ©curitĂ© des enfants restĂ©s mineurs. Parfois, la veuve choisit elle-mĂȘme un mari parmi ses beaux-frĂšres.
  • Sororat : c’est le mariage entre un homme et la petite sƓur de son Ă©pouse dĂ©funte. Ce mariage est un signe d’estime que la famille de la femme porte Ă  son gendre. Ce mariage est d’autant plus recommandĂ© que la petite sƓur de la femme dĂ©cĂ©dĂ©e est la personne la mieux placĂ©e pour assurer la sĂ©curitĂ© et l’éducation des enfants mineurs de sa grande sƓur morte. Le veuf ajoute gĂ©nĂ©ralement un complĂ©ment de dot pour acquĂ©rir sa nouvelle femme.
  • Mariage par enlĂšvement : il a lieu lorsque les parents de la fille, malgrĂ© les garanties fournies par la famille du garçon hĂ©sitent Ă  se prononcer directement. C’est considĂ©rĂ© comme un acte viril et de fiertĂ© dans la mesure oĂč le garçon prouve par le fait mĂȘme qu’il est aimĂ© par la fille. Si les parents du garçon sont au courant du projet d’enlĂšvement, ceux de la fille ne le sont pas toujours. Ainsi, avant de verser la dot, les parents du garçon rĂ©parent la faute par le payement d’une ou de deux chĂšvres.

Jusqu’à ce jour ces types de mariage existent. Le mariage par enlĂšvement est parfois encouragĂ© par la famille de la fille lorsqu’elle est courtisĂ©e par un homme aisĂ©. Ceci pour ne pas perdre sa chance.

SECTION IV : FORMES DE MARIAGE

  1. La monogamie.

C’est la forme la plus rependue et non la plus enviĂ©e. L’homme peut se remarier en cas de divorce ou du dĂ©cĂšs de sa premiĂšre Ă©pouse. Tant qu’il a une Ă©pouse Ă  la fois, le mariage est monogamique.

  • La polygamie.

Tout Mukisi, jadis, aspire Ă  devenir polygame. Souvent, la polygamie s’explique pour avoir beaucoup d’enfants. Elle est due aussi Ă  la stĂ©rilitĂ© de la premiĂšre femme. Il n’est pas impossible que la femme stĂ©rile elle-mĂȘme propose Ă  son mari d’épouser une seconde femme susceptible de lui donner des enfants. Car, ne l’oublions pas, le but de tout mariage chez les Balega, est de perpĂ©tuer la famille. Le plus grand malheur qui puisse arriver Ă  un couple c’est de manquer des enfants.

         La polygamie est aussi conçue comme une marque de richesse et de virilitĂ© : l’idĂ©al c’est d’avoir beaucoup de femmes en vue de produire davantage les rĂ©coltes. Dans tous les cas, les femmes n’ont pas horreur de la polygamie. Elles ne demandent pas mieux que d’ĂȘtre trĂšs nombreuses ; c’est une preuve de richesse et cela allĂšge leurs travaux.[45]

         Les femmes habitent des piĂšces particuliĂšres mais gĂ©nĂ©ralement contigĂŒes. Une harmonie rĂšgne entre elles. Selon leur anciennetĂ© les femmes ont de l’autoritĂ© l’une sur l’autre. D’ailleurs, les jeunes Ă©pouses pour manifester leur marque de respect Ă  la premiĂšre, la dĂ©signait sous le nom de « maman Â».

         Le mari traite de façon juste et Ă©gale ses Ă©pouses. Toutefois, une certaine prĂ©fĂ©rence est accordĂ©e Ă  la premiĂšre. C’est en effet elle qui dĂ©tient et conserve les biens de son mari. Les enfants ont un statut Ă©gal, comme je l’ai dĂ©jĂ  dit.

         Dans l’ensemble, avant toutes influences Ă©trangĂšres, la polygamie se rĂ©duit chez les Bakisi Ă  la bigamie.

         L’arrivĂ©e des arabes a amplifiĂ© la polygamie. Depuis leur arrivĂ©e et surtout aprĂšs leur dĂ©part la tendance Ă  Ă©pouser plusieurs femmes s’est gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Des gens aisĂ©s comme les chefs de clan atteindraient mĂȘme vingt femmes.

Un autre apport des Arabes, c’est le mariage de fille non encore nubile. Bien sĂ»r, on Ă©pousait dĂ©jĂ  des filles mineures avant l’arrivĂ©e des Arabes. Mais, elles ne cohabitaient jamais avec leurs maris. Avec les Arabes, la cohabitation est autorisĂ©e.

         Lors de la colonisation belge, les Eglises catholique et protestante ont luttĂ© contre la polygamie et le mariage des filles mineures. Elles ont en partie rĂ©ussi car la polygamie est en rĂ©gression. D’autre part des foyers chrĂ©tiens ou non se moquent de familles qui acceptent la cohabitation avec les jeunes filles non encore mĂ»res.

SECTION V : LE DIVORCE

         Le divorce existe rarement dans la sociĂ©tĂ© traditionnelle kisi et lega en gĂ©nĂ©ral. Lorsqu’un des conjoints est gĂȘnĂ© par les agissements de l’autre, il porte plainte auprĂšs de sa belle-famille. Celle-ci prodigue des conseils Ă  son enfant pour le remettre sur le droit chemin. S’il demeure incorrigible, le divorce s’en suit.

         Cette mesure extrĂȘme arrive notamment lorsque la femme pratique l’adultĂšre. Une femme adultĂšre, surprise en flagrant dĂ©lit sĂ©rieusement battue mais aussi entraine la vengeance de la famille de son mari sur celle de son amant, de son conjoint concubin. Ce conflit ente deux famille se transforme en une guerre entre deux lignages et pourquoi pas entre deux clans. Une femme paresseuse, menteuse et qui injurie ses beaux-parents est rĂ©pudiĂ©e. De mĂȘme un homme qui se permet d’injurier sa belle-mĂšre est jugĂ© indigne. Par consĂ©quent, sa femme lui est retirĂ©e. D’une façon gĂ©nĂ©rale, on dĂ©cide du divorce lorsque tous les moyens de rĂ©conciliation s’avĂšrent vains.

         Dans tous les cas de divorce, que l’épouse ait laissĂ© ou pas d’enfants, la totalitĂ© de la dot du gendre est restituĂ©e. La dot est remboursĂ©e directement si la femme est rendue responsable du divorce. Dans le cas contraire, la dot est rĂ©clamĂ©e Ă  partir du moment oĂč la divorcĂ©e est remariĂ©e.

Les enfants restent chez leur pùre. S’ils sont trop jeunes, ils suivent la mùre jusqu’à ce qu’ils puissent se passer d’elle.

En rĂ©sumĂ©, nous pouvons affirmer que chez les Bakisi, le mariage est une affaire qui engage deux familles essentiellement et deux individus accessoirement. Le rĂŽle de chaque membre de la famille se retrouve dans toutes les Ă©tapes du mariage :

  • Au choix avec ses suggestions,
  • Aux Ă©preuves de fiançailles avec sa participation,
  • A la dot avec sa cotisation et
  • Au divorce avec ses conseils.

MalgrĂ© les abus, la dot ne constitue pas un prix d’achat de la fille, laquelle du reste, jouit d’un respect de la part de la famille de son mari et compte sur la protection de sa famille nuclĂ©aire. Il s’agit d’un contrat qui unit les familles du garçon et de la fille. Enfin, la dot consacre le mariage ou lien juridique unissant les deux conjoints.

CHAPITRE IV : LA MORT

         Chez les Noirs, le mal suprĂȘme est la mort, car elle est la plus catĂ©gorique de toutes les ruptures d’harmonie ou d’équilibre. Elle est la plus radicale de toutes les diminutions de force. C’est en elle que les autres formes du mal se rĂ©alisent au maximum.[46] C’est la raison pour laquelle elle bouleverse la vie des Bakisi.

SECTION I : L’AGONIE

         Depuis toujours, lorsqu’un homme est Ă  l’agonie, le village, le lignage voire le clan tout entier entre en crise. On recourt Ă  tous les procĂ©dĂ©s possibles pour sauver la vie du moribond. Les devins interviennent ; les guĂ©risseurs aussi. Plus personne ne vaque Ă  ses occupations quotidiennes jusqu’à ce que le patient perde la vie ou se rĂ©tablisse. Dans le premier cas, on dĂ©termine la cause et les auteurs de la mort.

SECTION II : LA MORT

         En droit, toute mort Ă©mane de Dieu, mais en fait les Bakisi ne croient pas Ă  la mort naturelle. C’est ce qui explique le fait qu’aprĂšs la mort d’un individu on recherche Ă  dĂ©pister le coupable.

         Qui dĂ©termine le coupable de la mort ? C’est le devin. En effet, le devin est censĂ© connaitre ce qui s’est passĂ©, ce qui se produit et ce qui arrivera. Il a une clairvoyance au dessus de la moyenne. C’est le manipulateur d’une sociĂ©tĂ© donnĂ©e. C’est lui qui fait la pluie et le beau temps.[47]

         TrĂšs souvent une femme et surtout une vielle femme est rendue responsable de la mort. Il arrive parfois que le devin n’y voit pas clair. Dans l’un ou l’autre cas ; les femmes du village doivent ĂȘtre soumises Ă  l’épreuve du poison.

         De quoi s’agit-il ?

Il s’agit de l’absorption d’une tisane faite de racines appelĂ©es « kabi Â». Le kabi constitue un violent poison. Une fois le liquide absorbĂ©, les prĂ©sumĂ©es coupables sont transportĂ©es prĂšs de la riviĂšre. LĂ , elles boivent une bonne quantitĂ© d’eau. Des vomissements s’en suivent. Les innocentes Ă©chappent tandis que les coupables pĂ©rissent selon la croyance des Bakisi.[48]

         Depuis l’avĂšnement du bwami cette pratique a Ă©tĂ© tempĂ©rĂ©e dans la mesure oĂč les bami ont gĂ©nĂ©ralisĂ© l’usage du contre-poison. En effet, une femme qui tombait Ă©vanouie aprĂšs l’administration du kabi, buvait du contre-poison.

Ceci adoucissait les effets meurtriers du kabi et généralement la patiente se rétablissait aprÚs plusieurs jours. Sa famille devait payer une indemnité consistant en chÚvre, musanga (cauris),
 elle était presque toujours répudiée.

         Pendant la colonisation europĂ©enne, les Blancs ont luttĂ© contre cette pratique. Ils estimaient que selon la quantitĂ© du breuvage rejetĂ©, les accusĂ©es pouvaient ou non Ă©chapper Ă  l’action nocive du breuvage.

SECTION III : LES FUNERAILLES

         Jadis, l’enterrement n’existait pas. Lorsqu’un homme mourrait, on l’exposait sur une table Ă  proximitĂ© du village. C’est lĂ  que les animaux et les chiens mangeaient son cadavre.

         Avec l’avĂšnement du bwami, on a commencĂ© Ă  enterrer les morts. Les profanes et les bami jusqu’au grade de « yananio Â» sont enterrĂ©s au lendemain de leur dĂ©cĂšs sans cĂ©rĂ©monie aucune au cimetiĂšre, Ă  quelque mĂštres du village. Seules les femmes pleure le mort jusqu’au cimetiĂšre.

         La disparition d’un mwami de kindi nĂ©cessite de remarques particuliĂšres. Tout d’abord, il est enterrĂ© deux ou trois jours aprĂšs sa mort non au cimetiĂšre du village mais Ă  cotĂ© de sa maison. Ensuite, il est enterrĂ© dans une position accroupie, la tĂȘte ressortant Ă  l’extĂ©rieur. Le jour oĂč la dĂ©composition de son organisme deviendra totale, les bami du mĂȘme titre, dĂ©tacheront la tĂȘte du tronc. Son crane doit ĂȘtre prĂ©cieusement conservĂ© au village et ne sera confiĂ© Ă  son fils que le jour oĂč il sera consacrĂ© kindi.

En outre, on organise des cĂ©rĂ©monies d’initiation au bwami. Certains profanes font leur entrĂ©e dans le bwami, les bami (quelques uns) montent de grade. Enfin, si dans le village, il n’y a personne d’autre qui dĂ©tient le grade de kindi, aprĂšs le deuil, on dĂ©mĂ©nage. Ceci parce qu’aucun habitant du village ne peut calmer ses esprits.

         Les femmes de quelque grade du bwami qu’elles soient sont inhumĂ©es comme les profanes.

SECTION IV : LE DEUIL

         Si les membres d’autres lignages pleurent le mort pendant trois jours, les membres de sa famille lĂšvent le deuil aprĂšs :

  • Un mois pour un adulte mariĂ©,
  • Deux semaines pour un adulte cĂ©libataire et
  • Une semaine pour un enfant.

Pendant toute cette pĂ©riode, les hommes de diffĂ©rents lignages du village font des veillĂ©es nocturnes Ă  la famille du dĂ©funt. Les femmes non directement concernĂ©es apportent de la nourriture Ă  la famille Ă©prouvĂ©e et Ă  toute l’assistance. L’interdiction est faite aux participant au deuil de se laver avant l’échĂ©ance.

         Le dĂ©lai fini, les pleureuses et les pleureurs se dirigent Ă  la riviĂšre pour se laver. Ensuite, ils se font raser la tĂȘte. Ainsi, ils deviennent purifiĂ©s. Tant que le deuil dure, tous les participants sont impurs.

         Alors, intervient la levĂ©e du deuil, c’est une grande fĂȘte au cours de laquelle on s’efforce de rĂ©intĂ©grer la vie normale. Le deuil se termine toujours par une causerie qui indique de façon dĂ©finitive les auteurs de la mort. Ces derniers si on ne les tue pas payent comme je l’ai dĂ©jĂ  dit de fortes amendes.

SECTION V : PAYEMENT DE LA VICTIME : IDIGO

         Chez les Bakisi et chez certains clans lega de l’ouest, la pratique d’Idigo reste toujours en vigueur.

         Lorsqu’un homme (cĂ©libataire ou mariĂ©) ou un enfant meurt, ses oncles maternels, armĂ©s de lances et de couteaux forment un cortĂšge dĂ©signĂ© sous le nom de « mugizika Â» en diction de la famille du dĂ©funt. Cette derniĂšre pour Ă©viter la guerre, dĂ©pĂȘche un petit frĂšre ou une petite sƓur du disparu Ă  quelques mĂštres du village pour arrĂȘter le cortĂšge en question. Le mandataire doit offrir Ă  ses oncles maternels une chĂšvre et des musanga. C’est ce qu’on appelle « kagingi Â».

         En quoi consiste la vengeance des oncles maternels ? Les Bakisi pensent et disent que ne peut te tuer que celui qui l’es familier. Car, comme les Bakisi ne croient pas Ă  une mort naturelle, les oncles maternels attribuent la responsabilitĂ© de la mort Ă  un membre du lignage du disparu. C’est la raison pour laquelle ils viennent venger leur neveu.

         Apres le deuil, la famille Ă©prouvĂ©e doit payer aux oncles maternels du disparu d’énormes quantitĂ©s de musanga et quatre Ă  six chĂšvres. Autrefois tout le village collectait ses biens. Aujourd’hui, on se dĂ©solidarise de plus en plus ; et, la famille Ă©prouvĂ©e paye le gros si pas la totalitĂ© es biens destinĂ©s Ă  l’Idigo.

         Si une femme mariĂ©e meurt chez son mari, le cortĂšge des oncles maternel se double de celui des oncles paternels de la dĂ©funte. Ils viennent en guerre. Un enfant du disparu attenue leur colĂšre en leur offrant une chĂšvre Ă  titre de kagingi Ă  l’entrĂ©e du village.

Leur prĂ©sence au village du mari de la dĂ©funte fait trembler tout le monde. L’Idigo est beaucoup plus important ici et peut mĂȘme Ă©galer la dot. Dans ce cas aussi, le lignage du mari est rendu responsable de la mort de sa femme. Tous les morts sont dĂ©dommagĂ©s Ă  l’exception d’un cas de noyade.

         Des Blancs ont essayĂ© de lutter contre cette pratique mais sans succĂšs. Le problĂšme qui se pose Ă  l’heure qu’il est celui de dĂ©cĂšs dans les centres urbains.

Dans quelle mesure cette coutume peut elle rester praticable ? La question est dĂ©licate. Des fois, la famille Ă©prouvĂ©e ne paye rien par imitation des autres cultures des populations urbaines. Ailleurs, elle envoie une somme d’argent aux oncles maternels du disparu Ă  titre d’Idigo.

SECTION VI : SORT DE LA VEUVE ET DU VEUF

Une veuve digne et vertueuse est repoussĂ©e au bout d’une annĂ©e par un petit-frĂšre de son mari ou un enfant de son mari lorsqu’il Ă©tait polygame. En revanche, si elle se mĂ©conduisait, Ă  la mort de son mari, une pluie de coups va s’abattre sur elle. Elle sera rĂ©pudiĂ©e et sa famille devra dans l’immĂ©diat restituer la totalitĂ© de la dot du disparu.

Quant au veuf, c’est pareil. Il peut, s’il est jugĂ© digne et moyennant versement d’une nouvelle dot, remarier une petite sƓur de sa femme morte. Dans le cas contraire, il est privĂ© de son droit. Dans tous les cas, Ă  la mort de son Ă©pouse, le veuf n’a pas le droit de rĂ©clamer sa dot.

SECTION VII : HERITAGE DES BIENS DU DEFUNT

         Lorsqu’un homme meurt, ses biens sont hĂ©ritĂ©s soit par un de ses petit-frĂšres, soit son fils ainĂ© s’il est adulte. La personne qui hĂ©rite s’engage Ă  prendre la relĂšve du disparu et Ă  entretenir sa famille.

         Depuis l’introduction du bwami les choses ont changĂ©. Tous les objets du bwami ainsi que tous les autres biens trouvĂ©s dans la mĂȘme piĂšce sont accaparĂ©s par les dignitaires du mĂȘme titre.

         Les Blancs ont condamnĂ© cette coutume dĂšs leur arrivĂ©e et ont mĂȘme tentĂ© de la supprimer. Ils n’ont pas rĂ©ussi.

         En guise de conclusion, les Bakisi considĂšrent la mort comme le mal par excellence. C’est pourquoi, ils rĂ©servent aux ennemis de la vie les punitions les plus exemplaires. L’épreuve du poison est un moyen parmi tant d’autres pour dĂ©tecter les sorciers et s’en dĂ©barrasser.

L’Idigo qui, apparemment semble bizarre, trouve sa signification dans le souci des oncles maternels de veiller à la protection de leur neveu le plus longtemps possible.

TROISIEME PARTIE : EVOLUTION POLITIQUE DES BAKISI

CHAPITRE I : EXERCICE DU POUVOIR POLITIQUE AVANT L’INFLUENCES ETRANGERES :LE POUVOIR DU CHEF DE CLAN (NYENE KISI)

         DĂ©fini comme « la capitale que possĂšde un acteur de la vie politique d’en obliger un autre Ă  accomplir un acte dĂ©terminé  Â»[49], Le pouvoir existe partout oĂč il y a des hommes. Ces derniers le rendent lĂ©gitime et sont appelĂ©s Ă  obĂ©ir Ă  l’autoritĂ© qui l’incarne. Il faut donc admettre avec GEORGES BALANDIER qu’il existe de sociĂ©tĂ© sans Etat mais jamais de sociĂ©tĂ© sans pouvoir politique. « Pas de sociĂ©tĂ© sans pouvoir politique, pas de pouvoir politique sans hiĂ©rarchies et sans rapports inĂ©gaux instaurĂ©s entre les individus et les groupes sociaux. Â»[50]

         Chez les Bakisi, le personnage qui incarne le pouvoir politique s’appelle le « Nyene kisi ou Mwiya kisi Â».

SECTION I : DESIGNATION DU NYENE KISI

         Elle relĂšve de la compĂ©tence du Conseil. Le chef de clan est dĂ©signĂ© parmi les chefs de lignages par les vieux sages composant le Conseil des Anciens et qui se rĂ©clament descendants d’un ancĂȘtre commun. Il est gĂ©nĂ©ralement le plus digne, le plus impartial, le plus juste et le plus gĂ©nĂ©reux de tous ; une parfaite connaissance de la coutume, une conduite irrĂ©prochable et une bonne prĂ©sentation physique entrent Ă©galement en ligne de compte. Bref, il se distingue des aitres par ses qualitĂ©s morales, sociales, politiques et physiques. Il est le meilleur.

         Une fois nommĂ©, son autoritĂ© s’étend sur toute la communautĂ© clanique. GĂ©nĂ©ralement le fils succĂšde au pĂšre. Mais, s’il est indigne, le Conseil des Anciens le destitue et le remplace par un frĂšre ou un proche parent de son pĂšre.

         Le Nyene kisi porte plusieurs insignes tels qu’une peau de lĂ©opard attachĂ©e sur l’épaule par deux pattes antĂ©rieures, une peau de loutre attachĂ©e Ă  la ceinture et qui prend jusqu’à la hauteur des genoux, un collier de dents de lĂ©opard (souvent de canines), un bracelet en ivoire aux poignets, une canne (le musumbo) qu’il tient, un siĂšge (le Nkeka) sur lequel il s’assied.[51]

         De tous ces insignes, le musombo revĂȘt une importance singuliĂšre. En effet, remise Ă  un messager (mugenzi), la canne authentifiait une information annoncĂ©e. Elle amenait aussi une pĂ©riode de trĂȘve entre deux lignĂ©es en conflit en attendant l’arrivĂ©e physique de Nyene kisi. Le lignage qui osait transgresser l’ordre du Nyene kisi s’attirait la coalition de tous les autres lignages contre elle.

         Le Nyene kisi considĂšre ses gens non comme des sujets mais comme des subalternes, les collaborateurs, des frĂšres. S’il se comportait en tyran, ses hommes dĂ©mĂ©nageraient et s’établiraient ailleurs oĂč ils seraient les bienvenus. Il se trouverait par consĂ©quent abandonnĂ© Ă  lui-mĂȘme. Il a donc intĂ©rĂȘt Ă  vivre en bonne intelligence avec ses gens. Son souci primordial doit ĂȘtre de promouvoir le bien ĂȘtre de son clan. Ceci est gĂ©nĂ©ral pour tous les Balega et Ă  ce propos, Jan VANSINA Ă©crit : « l’homme Rega est membre du clan, il est fils du clan, il n’est jamais sujet du chef. Il est son frĂšre et non pas son serviteur ou son esclave, d’oĂč ce sens du respect. Le chef du clan qui est l’ainĂ© de la famille a droit au respect comme le cadet a droit au respect et Ă  l’amour. Â»[52]

          En tant qu’autoritĂ© clanique, le Nyene kisi a des droits mais aussi des devoirs.

SECTION II : PREROGATIVES DU NYENE KISI.[53]

  1. Dimes de chasse
  • Lorsqu’un phacochĂšre Ă©tait tuĂ© sur les terres du clan, on lui apportait le ventre, la poitrine, la mĂąchoire inferieure. Le restant revenait Ă  la famille ou plutĂŽt aux membres de la famille qui avaient capturĂ© la bĂȘte. Le chasseur recevait toujours une bonne part.
  • Lorsque plusieurs phacochĂšres avaient Ă©tĂ© tuĂ©s en mĂȘme temps dans un village groupant gĂ©nĂ©ralement plusieurs familles (kikanga ou kikalo), le chef des groupes de familles (Nkangala za kikalo) envoyait une bĂȘte entiĂšre au chef du clan, lequel se servait le ventre, la poitrine et la mĂąchoire inferieure et remettait, par gĂ©nĂ©rositĂ©, le restant aux vieillards, aux passants, etc.
  • Lorsqu’un Ă©lĂ©phant Ă©tait tuĂ© sur les terres du clan, le chef de clan recevait la trompe et l’ivoire. Plus tard, lorsque les ArabisĂ©s et les Blancs introduiront et pratiqueront chez les Bakisi la commercialisation de l’ivoire, l’on repartira les produits des pointes de l’ivoire entre :

– le chasseur

– le chef du village

– le chef de clan[54]

  • Lorsqu’un pangolin (grand pangolin ou Ikaga, petit pangolin ou Kabanga) Ă©tait tuĂ©, on l’amenait au chef du clan. Celui-ci invitait tous les vieux du clan et confiait le dĂ©peçage du grand pangolin Ă  l’un des vieillards qui possĂ©dait « le droit de couteau du pangolin Â». une fois dĂ©pecĂ©, le grand pangolin Ă©tait distribuĂ©, partagĂ© entre tous les individus vieux et jeunes prĂ©sent lors de son dĂ©peçage.

Une mention spĂ©ciale mĂ©rite d’ĂȘtre faite sur le dĂ©peçage d’Ikaga. Animale symbolique et rituel des Bakisi en particulier et des Balega en gĂ©nĂ©ral. Comme on peut lire dans la brochure du PĂšre Georges Defour, « non seulement il (Ikaga) est bon Ă  manger mais aussi par ce qu’il est bon Ă  penser. Â»

Les poils compacts se regroupent par touffes amalgamĂ©es en forme d’écailles cornĂ©es, se recouvrant l’une Ă  l’autre et protĂ©geant tout son corps. Cette particularitĂ© en fait le symbole de l’union des Lega, s’imbriquant l’un l’autre, dans le clan oĂč chacun a sa place bien dĂ©finie et, par lĂ , protĂ©geant le groupe tout entier ; Ikaga est censĂ© avoir enseignĂ© aux Lega le secret des toitures de cases. Les Balega chantent « Sans Ikaga, la pluie nous tuerait Â» ; le pangolin  nous enseigne donc qu’il faut s’aimer et se soutenir entre soi, dans le clan, comme les Ă©cailles se collent et se recouvrent l’une l’autre
 qu’un membre du clan doit bien se garder d’en calomnier un autre
 que la dĂ©sunion provoque l’insĂ©curitĂ© et la mort
 cette union du peuple se ritualise quand un pangolin (L’animal que personne ne chasse), mort par accident, est partagĂ© entre Bami (vieux) aussitĂŽt appelĂ©s Ă  cette occasion.

« Le viol des tabous et de rĂšgles du clan entraine de gros ennuis et de fortes dĂ©penses. L’idĂ©al des jeunes doit ĂȘtre d’imiter les anciens
 Â»[55]

  • Redevances en travail.

Les membres du clan construisent des maisons non seulement pour le chef de clan mais aussi pour les chefs de villages. Ils cultivent en outre pour eux. En général, chef de clan et chefs des villages disposent des champs vastes en prévision des famines éventuelles et des visites des passants. En plus, le chef du clan reçoit de la part des chefs de villages, les premiers produits de leurs champs.

SECTION III : ATTRIBUTIONS DE NYENE KISI[56]

  1. RÎle législatif.

Le Nyene kisi, avant de publier un Ă©dit, convoquait ses plus proches collaborateurs, Ă  savoir les Ngatu (homme de droit) et les Ntundu (chefs de lignages qui dirigent les villages), dans sa maison oĂč se tenait le conseil (musanganano). Les chefs de lignages assistaient le chef de clan et reprĂ©sentaient dans leurs entitĂ©s villageoises respectives. Leurs attributions Ă©taient plus administratives que politiques dans la mesure oĂč ils Ă©taient chargĂ©s d’appliquer les instructions du Nyene kisi.

         NommĂ©s Ă  titre hĂ©rĂ©ditaire par le Conseil des Anciens compte tenu de leur haute personnalitĂ©, ils pouvaient par dĂ©lĂ©gation du pouvoir de Nyene kisi prĂ©sider Ă  leurs tribunaux locaux.

         Le Nyene kisi offrait Ă  ses invitĂ©s un repas magnifique et abondant au cours duquel auront lieu les discussions ; le Nyene kiki signifiait Ă  ses collaborateurs ce qu’il avait Ă©dictĂ©, des amendements Ă©taient faits, les Ngatu donnaient leurs avis sur la lĂ©galitĂ© du nouvel Ă©dit. Lorsque l’accord Ă©tait complet, le Conseil se rendait au barza (lusu) oĂč tout le monde attendait. Le Nyene kisi Ă©tait assis sur son siĂšge (nkela) ayant les Ngatu Ă  ses cotĂ©s.

Le Nyene kisi rĂ©pĂ©tait aux Ngatu Ă  voix basse ce qu’il avait Ă©dictĂ©. Les Ngatu le rĂ©pĂ©taient Ă  haute voix et dĂ©montraient au peuple que le nouvel Ă©dit « mukongo Â» Ă©tait en concordance avec la coutume.

  • RĂŽle judiciaire.

Le Nyene kisi jouait le rĂŽle de justicier. Il prĂ©sidait le tribunal du clan, lequel Ă©tait souvent fixe. La sĂ©ance Ă©tait publique. Les Ngatu qui jouaient Ă  la fois au juge et Ă  l’avocat Ă©taient des conservateurs de la tradition en matiĂšre judiciaire. Choisis par le chef de clan et les chefs de lignage, ils jouissaient d’une trĂšs grande estime dans la sociĂ©tĂ©.

         Les Ngatu instruisaient les affaires portĂ©es Ă  la connaissance du Nyene kisi. Lorsque le plaignant et le prĂ©venu provenaient d’une mĂȘme lignĂ©, un seul Ngatu menait l’affaire. Le rĂ©sultat de l’affaire Ă©tait portĂ© au Nyene kisi. Il Ă©coutait l’avis des Ngatu sur l’application de la coutume, tranchait et dĂ©montrait par la mĂȘme justesse de la peine coutumiĂšre appliquĂ©e.

         Les affaires se tranchaient au barza au su et vu de tout le monde. Le Nyene kisi siĂ©geaient sur le Nkeka, les Ngatu Ă  ses cotĂ©s et les Ntundu assis Ă  l’avant du public.

         En ce qui concerne les peines, il convient de signaler que la peine d’emprisonnement n’est pas coutumiĂšre. Les amendes en nature rĂ©glaient toutes les affaires.la peine de mort Ă©tait rarement prononcĂ©e par le tribunal ; cependant, lorsqu’en cas de famine un homme Ă©tait surpris entrain de voler dans les champs d’autrui, la peine capitale Ă©tait prononcĂ©e Ă  l’endroit d’un membre du clan qui portait atteinte Ă  l’autoritĂ© du chef (de lignage ou de clan).

         Voici quelques autres cas de sanction auxquels la juridiction coutumiĂšre se prononçait :

  • Assassinat ou meurtre : pour cette infraction les Bakisi ne recouraient Ă  aucun jugement. L’assassin ou un membre de sa famille subissait le mĂȘme sort. La loi du talion Ă©tait donc l’usage pour ce genre de faute.
  • Homicide involontaire : l’auteur de cette infraction devait indemniser les parents de l victime. Cette indemnitĂ© consistait en chĂšvres, en mbembe ou musinga (monnaie lega), en objet de fer, etc. l’indemnitĂ© variait selon l’ñge et la situation sociale de la victime.
  • Vol : d’abord, le tribunal prononçait la restitution de l’objet volĂ©. Ensuite, une indemnitĂ© variant selon la valeur de l’objet volĂ©, Ă©tait payĂ©e.
  • Destruction : pour une destruction volontaire, le tribunal exigeait le paiement de l’objet dĂ©truit plus une indemnitĂ© variable. Pour la rĂ©paration.
  • Outrages : envers les profanes, le versement de mbembe reparait le prĂ©judice causĂ©. A l’endroit du chef de famille ou des initiĂ©s au bwami, la peine de mort s’en suivait.
  • RĂŽle militaire.

En tant que garant de la sĂ©curitĂ© de son clan, le Nyene kisi dĂ©crĂ©tait la mobilisation des Ă©lĂ©ments adultes valides males lorsque le clan Ă©tait menacĂ© par une invasion Ă©trangĂšre. Ces Ă©lĂ©ments remplaçaient alors la garde armĂ©e de Nyene kisi, composĂ©e des Tunganda (au singulier Kanganda). Un personnage appelĂ© Ngama dirigeait l’armĂ©e et devait informer rĂ©guliĂšrement le Nyene kisi du dĂ©roulement de la guerre.

         Comme pour la dĂ©claration la guerre, le Nyene kisi Ă©tait le seul habilitĂ© Ă  demander ou offrir la paix. Pour ce faire, il envoyait un message au chef adverse. La date de rencontre Ă©tait fixĂ©e dans un endroit bien dĂ©terminĂ©, on Ă©changeait des cadeaux, les vieux de deux parties participaient Ă  un grand repas commun qui devait effacer toute vengeance ultĂ©rieure. De nombreux mariages pour sceller la paix se dĂ©cidaient dans le but de remplacer les victimes qui auraient Ă©tĂ© tuĂ©es. Tout garçon qui naissait de ces unions se nommait « Mukulumania Â» ou conciliateur.

         Le pouvoir clanique chez les Bakisi de prime abord pourrait sembler Ă©crasant pour l’individu de par les obligations qu’il q Ă  l’égard du chef de clan. Il n’en est pas question. En effet, le tribut n’a jamais existĂ© chez les Bakisi. La coutume ne prĂ©voyait ni sanction ni contrainte Ă  quiconque se dĂ©roberait Ă  ses devoirs vis-Ă -vis de son chef de clan. Tout au plus un blĂąme public adressĂ© Ă  l’endroit des rĂ©calcitrants. Le chef de clan dont la nomination est conditionnĂ©e par ses mĂ©rites personnels doit veiller avant tout Ă  la sĂ©curitĂ© et au bien ĂȘtre de sa population.

CHAPITRE II : LE BWAMI : UNE SUPERSTRUCTURE SOCIALE

         Dans ce chapitre, nous allons parler de l’apparition du bwami au Bulega et de ses consĂ©quences. Il a bouleversĂ© les structures sociopolitiques existantes en ce sens qu’il a socialement et culturellement uni les Balega plus qu’avant mais aussi parce qu’il les a davantage divisĂ©s sur le plan politique.

SECTION I : ORIGINE DU BWAMI

         Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, le bwami n’est pas une coutume traditionnelle des Balega. Il a Ă©tĂ© introduit chez eux au XVIII Ăš siĂšcle, au dĂ©but des migrations secondaires, par un certain Muntita, homme du clan Kaluba, n’avait pas suivi ce dernier vers le KasaĂŻ, lors de la guerre de Wakansemale.

         Apres la fuite des Balega vers le Sud, vers Kakolo, Muntita les avait rejoints. Il semble qu’il Ă©tait pauvre et cherchait Ă  s’enrichir. Un jour il prĂ©para un panier de raphia (mpeku) et en fit des cordes auxquelles il donna le nom de Kakonga. Dans ce Kakonga, il fabriqua un petit bonnet qu’il baptisa « Kikumbu kya bwami Â». Il dit alors Ă  Nkulu (un descendant de NkoĂźma) : « prends ce chapeau et donne-moi des biens. Tu n’enlĂšveras jamais ce chapeau, tu en confectionneras de pareils que tu Ă©changeras contre des biens. Ainsi, tu deviendras puissant et riche. Â»

Il semble qu’au dĂ©part le rituel n’existait pas. Il est apparu et s’est compliquĂ© au fur et Ă  mesure que les vieux sages, les devins, les fĂ©ticheurs
 ont fait leur entrĂ©e dans le bwami. Au dĂ©part, l’initiation se limitait Ă  l’échange de biens plus des conseils moraux qu’on prodiguait.

Nkulu donna donc Ă  Muntita un bouc, des centaines de mbembe[57], deux paniers d’arachides, un coq, 
 accompagnĂ© de son fils Nsenti, Muntita, traversa le fleuve et rejoignit les gens de Kaluba au KasaĂŻ.

         Nkulu, chef du clan NkoĂŻma de l’époque apprit le bwami Ă  son frĂšre Kabanga, ses fils Kasole et Kasanga, son petit-fils Ikinga Muzimu. Ce dernier introduisit le bwami chez les Bamuzimu, dans l’actuelle Zone de Mwenga.

Kabango apprit le bwami Ă  son fils Ikama ; Ikama Ă  ses fils Musitabyale, Mukompeke, Kabugi, Wamania, Salo, Isanga et Molila. Ces deux derniers introduisirent le bwami chez les Lumuna. Musitabyale, Mukompeke, Kabugi l’implantĂšrent chez les Bakabango, d l’actuelle Zone de Shabunda.

         L’introduction du bwami chez les Bakisi est rĂ©cente. Elle est connue chez les Baliga et les Bamuguba/Sud depuis environ cent cinquante ans, chez les Bamuguba/Nord depuis cinquante ans, chez les Bakyunga depuis environ 1930.[58] Elle est l’Ɠuvre du nommĂ© Itete, lequel a Ă©tĂ© fait mwami par Wamania, fils d’Ikanga.[59]

SECTION II : QU’EST-CE QUE LE BWAMI ?

  1. Notions et définition.

La conception du bwami au Bulega est diffĂ©rente de celle qu’ont les ethnies inter lacustres. En effet, chez les derniĂšres (les Bashi par exemple), le bwami est le pouvoir du mwami. Celui-ci est un roi tout puissant, omnipotent, incontestable et incontestĂ© Ă  qui les biens matĂ©riels appartiennent en derniĂšre analyse. Son pouvoir est de droit divin. C’est ce que l’AbbĂ© Mulago nous explicite dans le passage suivant : « l’autoritĂ© du mwami est une continuation et une expansion du pouvoir des ancĂȘtres et de lĂ , dĂ©coule son caractĂšre religieux. Le roi (mwami) n’est pas seulement le reprĂ©sentant des ancĂȘtres, il est beaucoup plus : le roi est d’essence divine. Son autoritĂ© procĂšde de Dieu mĂȘme et ce caractĂšre thĂ©ocentrique du pouvoir, a une grande importance. Â»[60]

         Chez les Balega, le mwami est tout court un initiĂ© Ă  l’un des grades du bwami. Le bwami lega aux grades duquel on accĂšde par une sĂ©rie d’initiations est une institution juridico-sociale fermĂ©e aux non initiĂ©s. Il dĂ©signe aussi le premier Ă©chelon du mpala (cĂ©rĂ©monie d’initiation). Il signifie en outre l’ensemble des qualitĂ©s morales d’un homme. Il se veut une Ă©cole de sagesse dans laquelle les initiĂ©s apprennent non seulement l’histoire de l’ethnie, les coutumes traditionnelles, lĂ©gendes, les mythes, les contes, les fables, les Ă©popĂ©es, les proverbes
 mais aussi la morale et le savoir vivre.

Comme l’écrit bien le PĂšre George Defour, le bwami lega nous propose un type d’homme sage, gĂ©nĂ©reux, honnĂȘte, mĂ©diateur, entrepreneur, prudent, ayant du caractĂšre et de la personnalitĂ©.

« (
), l’initiĂ© est un homme qui a du cƓur, de la profondeur, cette sagesse (bwenge) qu’on acquiert en Ă©coutant les anciens et en frĂ©quentant les initiĂ©s de haut rang, en progressant dans l’initiation. L’initiĂ© doit se montrer modeste : le bananier qui affecte de se dresser sans rien craindre, qu’il attende donc la ruĂ©e des Ă©lĂ©phants.

Le mwami est un mĂ©diateur : l’initiĂ© de haut rang est ces gros arbres jetĂ©s sur la riviĂšre qui, aide les voyageurs Ă  passer sur l’autre rive. C’est un homme de parole nette et honnĂȘte : il ne ment pas, ni n’écoute le menteur. C’est un homme de caractĂšre, tout le contraire d’un homme sans volontĂ©. (
) le mwami est motivĂ©, trouvant son Ă©panouissement personnel dans le travail et l’effort : les Bami sont des pintades ; c’est dans leur propre nid qu’ils trouvent ce dont ils ont besoin.

Il est dangereux de se rĂ©volter contre un mwami (
) c’est un homme de prudence et de circonspection, qui s’informe avant de s’embarquer dans un nouveau projet : le bami sont des enclumes bien posĂ©es sur le sol : on les interpelle de toutes parts, mais ils rĂ©flĂ©chissent avant de venir et de se lever.

Ce sont des Ă©lĂ©phants qui ne se soucient pas de sang sues, des ibis blancs qui remplissent l’air, des tortues sages, mais aussi des serpents ngimbi par leur pouvoir dangereux. Â»[61]

  • Condition pour cĂ©lĂ©brer le bwami.

Elles sont largement dĂ©mocratiques. Par le fait qu’il est accessible Ă  tout homme capable de par ses moyens matĂ©riels et ses qualitĂ©s morales et physiques d’en cĂ©lĂ©brer les grades, le bwami ne peut pas ĂȘtre assimilĂ© Ă  une caste, bien qu’une partie du rituel soit Ă©sotĂ©rique. En effet, le bwami n’est pas innĂ© mais est le rĂ©sultat d’un effort personnel.

« De droit, on hĂ©ritier du bwami de son pĂšre, mais de fait on doit travailler pour monter l’échelle de la hiĂ©rarchie du mpala, comme un Ă©tudiant qui gravit les classes et passe d’une Ă©cole Ă  l’autre jusqu’à l’obtention du titre ou du diplĂŽme dont il est capable. Â»[62]

Bref, les conditions gĂ©nĂ©rales pour se faire initier au bwami sont les suivantes :

  • Avoir Ă©tĂ© circoncis coutumiĂšrement chez kimbilikiti,
  • Disposer de richesses matĂ©rielles requises pour la circonstance,
  • Avoir une conduite irrĂ©prochable,
  • Etre Ă©quilibrĂ© physiquement.

Les femmes et seules les femmes mariĂ©es peuvent ĂȘtre admises dans cette Ă©cole de sagesse, ainsi, c’est le couple qui est initiĂ© au bwami.

         Il existe aussi des conditions particuliĂšres pour les rĂ©calcitrants et les malfaiteurs. On initie ceux-ci dans le but de les amener sur le droit chemin, de les rendre respectueux, raisonnables et sages. Est initiĂ© de force toute personne qui dĂ©voile indirectement le secret de l’initiation ou plutĂŽt de la circoncision coutumiĂšre. De mĂȘme, quiconque se distingue dans le vol, la pratique de l’adultĂšre, la dĂ©sobĂ©issance aux anciens et Ă  la coutume, l’insolence
 est frappĂ© par la mĂȘme mesure.

  • Les biens exigĂ©s pour cĂ©lĂ©brer le bwami.

Pour cĂ©lĂ©brer le bwami, il faut payer des biens considĂ©rables. Il s’agit de :

  • Musanga ou mbembe (cauris, coquilles d’escargot),
  • Gibier,
  • ChĂšvres,
  • Torches de rĂ©sine,
  • Bananes, arachides, riz, maniocs.

En ce qui concerne le musanga, ses mesures sont prises sur les parties du corps. Chacune d’elle est double de fragments de coquilles. Les mesures connues sont les suivantes en ordre croissant :

  1. Inyala za babembi (littĂ©ralement : ongles des lĂ©preux) ;
  2. Kabingabinga : longueur des phalanges supĂ©rieures et moyennes du mĂ©dius ;
  3. Kanue : longueur du mĂ©dius ;
  4. Ibungakwanga : longueur allant du bout du mĂ©dius jusqu’au milieu de la paume ;
  5. Mangombelo : longueur allant du bout du mĂ©dius jusqu’aux pouls ;
  6. Bugulu bwe isindi : longueur comprise entre l’extrĂ©mitĂ© du grand orteil et l’extrĂ©mitĂ© du petit orteil ;
  7. Mbuso : longueur comprise entre l’extrĂ©mitĂ© du petit orteil et l’extrĂ©mitĂ© du talon ;
  8. Ndume : longueur comprise entre l’extrĂ©mitĂ© du grand orteil et l’extrĂ©mitĂ© du talon ;
  9. Kilunga : longueur entre l’extrĂ©mitĂ© du mĂ©dius et le pli du bras ;
  10. Lya Kasigi : longueur allant de l’extrĂ©mitĂ© du mĂ©dius jusqu’à la partie supĂ©rieure du biceps ;
  11. Lya Kituli ou Kyekabyogo : longueur allant de l’extrĂ©mitĂ© du mĂ©dius jusqu’à l’articulation de l’épaule ;
  12. Lya Mukibunda ou Lya Mumugizi : longueur comprise entre la plante du pied et le bassin ;
  13. Lya Mwibele : longueur comprise entre la plante du pied et la mamelle ;
  14. Lya Mwitue : longueur allant de la plante du pied jusqu’à l’os temporal ;
  15. Lya Gantanta itue : longueur allant de la plante du pied jusqu’au dessus de la tĂȘte.[63]
  • DegrĂ©s ou grades du bwami.[64]

Le bwami lega comporte six grades principaux dont cinq seulement sont connus chez les Bakisi. Chacun de ces grades est subdivisĂ© Ă  son tour en plusieurs catĂ©gories. Il s’agit dans l’ordre croissant de :

POUR LES HOMMES                                      – POUR LES FEMMES

1° Kongabulumbu (Kagolo)                                 1° Kigogo

2° Kansilembo (Mpunzu)                                     2° Bombwa

3° Ngandu dont les Ă©tapes sont :                             3° Bulonda

   – mutondo wa ngandu

   – musagi wa ngandu

   – lutumbo lwa ngandu

4° Yananio dont les Ă©tapes sont :                          4° Nyamalembo ou Bulonda

   – musagi wa Yananio

   – lutumbo lwa Yananio

5° Kindi dont les Ă©tapes sont:                               5° Bunyamwa

   – muzegele wa kindi

   – musagi wa kindi

   – lutumbo lwa kindi

6° Lwanza

  1. POUR LES HOMMES
  1. Kongabulumbu.
  • Le rituel:

La cĂ©rĂ©monie proprement dite est prĂ©cĂ©dĂ©e d’une Ă©tape, appelĂ©e lukeko, quelques semaines avant. Son but est de vĂ©rifier les richesses rĂ©unies par le candidat au bwami. Ce dernier a pour parrain (kasimba), un de ses parents, souvent haut gradĂ©. Les Bami de tous grades peuvent y participer mais gĂ©nĂ©ralement le nombre est restreint. L’épouse ou les Ă©pouses du candidat peuvent intervenir dans le rituel. Toutefois, au premier grade, on tolĂšre encore un cĂ©libataire, mais, pour accĂ©der aux grades supĂ©rieurs, il devra forcement se marier. La cĂ©rĂ©monie qui ne dure qu’un jour se fait en partie au barza (lusu), en partie Ă  l’extĂ©rieur, au centre du village au su et au vu de tout le monde. Le Kasimba commence par planter au milieu du village un mugumu (un arbre), Ă  cotĂ©, un morceau de bambou ; entre les deux, un pot rempli d’eau et un autre rempli de biĂšre de bananes et de la viande.

Le bambou signifie : dĂšs que tu seras adepte tu pourras te sĂ©parer de ton groupe pour aller fonder ton village ;

Le mugumu : tu construiras ton village, tu y planteras des mugumu dont tu tireras des Ă©toffes. Il est aussi le gardien du mwami ;

Le pot d’eau : appelle le mwami Ă  veiller au travail assidu de ses Ă©pouses, qu’elles aient toujours de l’eau fraiche Ă  la maison pour qu’elles ne soient jamais obligĂ©es d’en refuser Ă  un voyageur ;

Le pot de biĂšre : tu cultiveras beaucoup, tu planteras beaucoup de bananiers afin de donner de la biĂšre Ă  tes frĂšres.

         On lui signifiait ensuite les interdits Ă  son nouveau grade : « tant que tu n’auras pas fait le mpala de bombwa, tu ne pourras plus travailler, ni couper des bananes, ni abattre un arbre, ni cuire de la nourriture, ni pĂ©cher, chasser, ni recueillir du miel. Tu demanderas tout cela Ă  tes voisins. Â»

Le nouvel adepte Ă©tait alors vĂȘtu d’un bonnet rond (kikumbu). S’il se donnait le luxe de violer ces interdits il reprendrait immĂ©diatement les cĂ©rĂ©monies de l’échelon suivant (le kansilembo) en donnant de nouveaux biens.

S’il se dĂ©sistait, les sorciĂšres, sous l’instigation de hauts dignitaires bami, lui jetteraient un mauvais sort qui causerait sa mort.

         Pour pouvoir gravir tous les degrĂ©s du bwami les membres de la famille du mwami lui venaient en aide. Au retour, il partageait entre les membres de sa famille ou plutĂŽt de son lignage les richesses qu’il amassait au cours de cĂ©rĂ©monies du bwami.

« L’initiĂ© Ă©tait censĂ© connaitre l’interprĂ©tation d’au moins deux cent treize proverbes au terme des cĂ©rĂ©monies du Kongabulumbu. Â»[65]

  • Les biens exigĂ©s :

Trois doubles rangées de la mesure de ibusu, trois doubles rangées de kazizi, vingt doubles rangées de bugulu bwe isindi, un bouc ou à défaut trois antilopes tels sont les biens que les bami présents aux cérémonies du kongabulumbu se partageaient.

  • Kansilembo.

Le Kansilembo ne diffÚre que trÚs peu du Kongabulumbu. Pendant la cérémonie, les profanes sont expulsés du village. On chasse les profanes au lieu de se retirer du village

  • Pour s’assurer de leur absence effective,
  • Parce que le bwami ayant pour mission premiĂšre de mettre de l’ordre parmi les hommes, non cĂ©rĂ©monial, doit se faire au village des hommes et non en dehors du village, et
  • Tout simplement parce que les bami mĂ©prisent les profanes.

Sa durĂ©e est de nuit. Le rite consiste Ă  expliquer au candidat le contenu du panier du lutala : cailloux, cordes Ă  touffe de plumes, petite calebasse, trident de bois, petit couteau, faisceau, petite assiette en cuivre, cuiller en ivoire
 onze aphorismes y sont proclamĂ©s.

  • Ngandu.
  • Le rituel :

Les danses et les chansons sont exĂ©cutĂ©es au village du candidat en prĂ©sence des initiĂ©s et des profanes. Les biens sont partagĂ©s entre tous les participants et le nouvel adepte en reçoit une partie. A partir de ce moment, il bĂ©nĂ©ficiera d’une part Ă  chaque arrivĂ©e d’un nouvel candidat au bwami ; au barza, on enseigne au candidat Ă  travers les chansons, les devinettes et les conseils, la patience, la persĂ©vĂ©rance et le respect des ancĂȘtres.

  • Les biens exigĂ©s :

Vingt ibungakwanga, du gibier, deux chĂšvres, vingt Ă  trente ndume.

  • Yananio.
  • Le rituel :

Les cĂ©rĂ©monies durent quatre jours pendant lesquels tous les invitĂ©s sont entretenus (nourris et logĂ©s) par le candidat. Une bonne partie du rituel est secrĂšte. Au fur et Ă  mesure qu’on danse, on donne des insignes particuliers au candidat qui le distingueront d’une part des profanes, d’autre part des bami de grades inferieurs et supĂ©rieurs au sein. Il s’agit de :

– une peau sur laquelle sont fixĂ©s quatre tubes formant une croix,

– un allume-feu,

– une patte d’iguane et

– un chasse mouche.

On enseigne au mwami de Yananio le sens de :

la prudence : imite l’escargot qui voyage avec sa maison et

qui avance prudemment ; si tu dois traverser une riviĂšre ou la frontiĂšre, ne la traverse pas au guĂ©, traverse en amont ou en aval, au guĂ© on trouvera facilement la trace,

l’hospitalitĂ©, la solidaritĂ©, la franchise, l’entraide, le respect des biens d’autrui.

On l’incite en outre à atteindre le grade de Kindi.

  • Les biens exigĂ©s :

Ils sont considérables. Le candidat met au moins une année pour rassembler les biens nécessaires pour la célébration du Yananio.

Cinquante ibusu, vingt ndume, un panier de musanga non enfilĂ©s dont il distribue les poignĂ©es Ă  ses collĂšgues Ă  la fin de chaque mĂ©lodie, une dizaine de gibier, deux paniers de viande boucanĂ©e, un bouc et trois chĂšvres, une dame-janne d’huile de palme, cent torches de rĂ©sine, etc.

  • Kindi.
  • Le rituel :

Une fois couronné kindi, un mwami est assimilé au Nyene kisi de part ses droits et ses devoirs. Pour cette cérémonie, on construit une paillote dont les deux entrées sont fermées par des rideaux de fibres végétales suspendues à la partie supérieure. Ce temple prend le nom de Lubungu lwa kindi. Il contient le plus de statuettes, masques et objets initiatiques possibles qui symbolisent la puissance du dignitaire kindi.

         PrĂšs de la porte de devant sont rangĂ©s les tambours, les gongs et les tams-tams qui retentissent sans cesse. Les profanes sont Ă©vacuĂ©s et seulement aprĂšs que les cĂ©rĂ©monies proprement dites commencent. Un des rites oblige le candidat et son Ă©pouse ou ses Ă©pouses Ă  monter nus sur le toit d’une maison. DĂ©sormais le mariage devient indissoluble ; l’homme jure de ne jamais rĂ©pudier sa femme ou ses femmes ; Ă  leur tour, les Ă©pouses jurent de ne jamais contacter des rapports sexuels avec d’autres hommes Ă  part leur mari. Quiconque ne respecterait pas ces engagements s’exposerait Ă  la mort. Des leçons morales sont Ă©galement prodiguĂ©es au candidat, telles que le sens d’entraide, d’hospitalitĂ©,


  • Les biens exigĂ©s :

Ils sont plus considĂ©rables : neuf mibugubugu, deux cent quarante ibusu, sept Ă  dix chĂšvres, une bonne quantitĂ© de viande fraiche, du gibier, etc. Ă©tant donnĂ© que la cĂ©lĂ©bration du kindi est extrĂȘmement couteuse, pendant les cĂ©rĂ©monies d’initiation, les champs du village servent Ă  nourrir les bami conviĂ©s.

Les habitants du village sont rĂ©quisitionnĂ©s Ă  chasser tous les jours jusqu’à la fin des festivitĂ©s. Si le gibier manquait, on consommerait les chĂšvres des villageois sans les consulter.

Aucun habitant du village n’est autorisĂ© Ă  voyager avant la fin des manifestations ni ne peut se quereller avec son Ă©pouse ou ses voisins. Convertis en argent, ces biens pourraient attendre une valeur de trois cents zaĂŻres aujourd’hui.

  • Lwanza.

Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, le Lwanza n’existe pas chez les Bakisi. Il consiste en une reprise de tous les grades du bwami depuis le kongabulumbu jusqu’au kindi pendant environ un mois. Il est fondĂ© sur la recherche de la sagesse suprĂȘme (le busoga), cette stature morale personnelle et sociale oĂč l’homme trouve son Ă©panouissement et son achĂšvement. Comme le dit Georges Defour, le busoga correspond au kalokogathia des Grecs, une sorte de concentrĂ© de distinction sociale, morale et physique.[66] Les dignitaires lwanza ne portent aucun insigne distinctif et ne peuvent nullement se venger ou punir les profanes.

  • POUR LES FEMMES
  1. Kigogo.

Il s’agit d’un titre confĂ©rĂ©  Ă  la femme du mwami de Kongabulumbu. La femme participe Ă  tous les rites de kongabulumbu en mĂȘme temps que son mari et Ă  la fin des rites, elle reçoit de grade de kigogo.

  • Bombwa.

C’est l’équivalent fĂ©minin du kinsilembo. Il est aussi Ă©troitement liĂ© au degrĂ© suivant (Ngandu).

  • Le rituel :

Il dure une journée et demie au cours de laquelle u repas agréable comportant du petit gibier, des chÚvres, des arachides, des bananes est servi.

         Une partie de la cĂ©rĂ©monie se fait en plein air, l’autre dans le barza. Hommes et femmes du mĂȘme grade ou des grades supĂ©rieurs participent Ă  la cĂ©rĂ©monie de bombwa qui ne comporte qu’une seule partie secrĂšte : le kampumba. Au cours du rituel, on proclame trente six proverbes.

  • Les biens exigĂ©s :

Dix ibungakwanga pour payer de muzigo (du verbe lega kuziga : faire le feu) et deux gibiers ou Ă  dĂ©faut la pate d’arachide (kinda ou bugulu).

  • Bulonda ou Nyamalembo.[67]

Le bulonda correspond à la hiérarchie masculine de Ngandu mais aussi de Yananio.

  • Le rituel :

Il dure une journĂ©e. La cĂ©rĂ©monie a lieu en partie dans la case d’initiation, en partie sur l’aire de danse du village. L’époux (Ngandu) assiste Ă  toutes les cĂ©rĂ©monies Ă  l’exception de la finale : le kumoko. Il s’agit d’une purification (ablution rituelle) qui se fait Ă  l’endroit oĂč les villageoises puisent de l’eau. Cinquante proverbes y sont expliquĂ©s.

  • Les biens exigĂ©s :

Seul le Ngangu ou le Yananio paye. Le kalonda ou le nyamalembo n’offre rien pour la cĂ©rĂ©monie.

Le bunyamwa Ă©quivaut au kindi des hommes. La femme initiĂ©e au bunyamwa s’appelle « Kanyamwa Â».

  • Le rituel :

Il dure un jour. Il se termine Ă  la nuit dans un enclos construit Ă  l’intĂ©rieur de la case d’initiation partiellement dĂ©molie. LĂ , les tunyamwa dansent devant les kindi, vĂȘtues seulement d’un petit cache-sexe, en fibres battues ou en peau d’antiloppe naine, ornĂ© de piquants de porc-Ă©pic et de plumes rouges de perroquet. Un Ă  un, les hommes font mine de les toucher, mais reculent aussitĂŽt, comme repoussĂ©s par les piquants de porc-Ă©pic ; c’est le symbole de l’inviolabilitĂ© de tunyamwa. Plus tard, les hommes tirent sur elles avec des arcs miniatures les fleches retombant sans force sur le sol. La cĂ©rĂ©monie se termine par une ablution rituelle. Le mariage devient indissoluble et cette indissolubilitĂ© se symbolise par le port d’un phallus Ă  la ceinture.

  • Les biens exigĂ©s :

Seul le mari paye les biens nécessaires pour célébrer le kindi. Pour le bunyamwa on ne paye rien.

SECTION III : ROLES DU BWAMI

  1. Sur le plan politique.

S’il est vrai que le rĂŽle politique du bwami n’était pas significatif au dĂ©part, il en sera autrement avec le temps. D’une part, les chefs de lignages et de clans ont consolidĂ© leur pouvoir en se faisant initier au bwami, d’autre part les hauts dignitaires du bwami en se substituant Ă  l’autoritĂ© politique du Nyene kisi et Ntundu za bilongo ont affaibli le pouvoir politique clanique et ont provoquĂ© le morcellement territorial. Ainsi, une fois parvenu au grade de kindi, un homme devient un maitre absolu de son village.

Comme corollaire, ses dĂ©cisions sont incontestables et incontestĂ©es.  Profanes, bami de grades inferieurs ou Ă©gal au sien, personne ne peut aller Ă  l’encontre de ses dĂ©cisions de peur de pĂ©rir.

D’ailleurs, deux dignitaires de kindi n’habitent jamais dans un mĂȘme village. Souvent, le dernier mwami wa kindi dĂ©mĂ©nage avec les siens pour fonder un village autonome dont il devient d’office le chef.

         L’administration coloniale a luttĂ© contre ce morcellement continuel di territoire en regroupant les habitants le long des grands axes routiĂšres, mais en vain.

         MĂȘme les grands chefs coutumiers lega imposĂ©s et investis par l’administration coloniale belge, bien que bami de haut grade, n’osaient pas enfreindre l’ordre, les dĂ©cisions du bami. Cela a Ă©tĂ© aussi constatĂ© par le PĂšre Poupeye qui Ă©crit : « plus souvent qu’on ne le pense, le grand chef lui-mĂȘme n’agit et ne parle que sous la crainte du bwami qui, en rĂ©alitĂ© est le premier pouvoir dans le pays ; il n’ose rien faire contre les dĂ©cisions du bwami car lui-mĂȘme n’échapperait pas Ă  leurs vengeances et Ă  leurs poison. Â»[69]

  • Sur le plan juridique.

Chef politique  de son entitĂ© lignagĂšre ou familiale, le mwami de haut grade s’attribuait le pouvoir judiciaire. Tout comme le Nyene kisi, le mwami de kindi rendait justice dans son village. Le rĂŽle des Ngatu (avocats et juges) devenait pour ainsi dire insignifiant. Il n y a eu des abus en matiĂšre de justice, notamment lorsqu’un diffĂ©rend opposait un profane Ă  un initiĂ©, le premier perdait presque toujours le procĂšs.

  • Sur le plan social.

Le bwami a jouĂ© un rĂŽle de ciment dans une sociĂ©tĂ© lega dĂ©pourvue d’unitĂ© politique. Ainsi, un mwami de Mwenga malgrĂ© les diffĂ©rends dialectales est facilement acceptĂ© Ă  Shabunda ou Ă  Pangi et rĂ©ciproquement.

Les bami jouent également le rÎle de médiateur dans la société lega et sont au service de leur communauté familiale, lignagÚre et clanique. Ils donnent de la dot aux jeunes gens orphelins et pauvres en ùge de mariage.

Ils distribuent une grande partie des richesses amassées aux cérémonies du bwami aux membres de leur groupement.[70]

  • Sur le plan Ă©conomique.

Le mwami du haut grade rĂ©quisitionne les hommes valides de son entitĂ© Ă  travailler, cultiver, chasser, rĂ©parer une maison pour un membre de la communautĂ© en difficultĂ© (deuil par exemple). Un coup de main est donnĂ© aussi aux vieillards qui n’ont plus la force de travailler et aux infirmes.

         Le mwami rĂ©glemente la chasse au filet, prĂ©side au partage de tous gros gibier et surtout au dĂ©peçage et au partage des animaux tabouĂ©s (pangolin par exemple).

Protecteur de la faune et d la flore, il est le seul habiletĂ© Ă  donner Ă  un Ă©tranger l’autorisation de chasser dans la foret de son groupement ou de mettre en valeur la terre de ses hommes. Enfin, ce sont les grands bami qui dĂ©terminent la monnaie musanga, en dĂ©termine la valeur et les mesures et en rĂ©glementent la circulation.[71]

  • Sur le plan culturel.

Les bami sont des gardiens de la tradition orale, de l’histoire et des coutumes de la sociĂ©tĂ© lega. Ils servent d’intermĂ©diaires ĂȘtre les hommes et les esprits et par extension Dieu. A ce titre, ils dĂ©tiennent les cranes des dignitaires de kindi dĂ©funts Ă  travers lesquels les trĂ©passĂ©s kindi parlent aux vivants. Les bami jouent aussi le rĂŽle d’officiants.[72]

         En guise de conclusion, disons que le bwami a jouĂ© un rĂŽle capital au Balega. Il a permis et renforcĂ©e la cohĂ©sion et la conservation des coutumes lega. Mais son idĂ©al Ă©ducatif a Ă©voluĂ© et donne naissance Ă  des nombreux abus notamment les dignitaires de kindi se servent des sorciĂšres pour punir de mort les contrevenants Ă  leurs dĂ©cisions et ordres. L’autoritĂ© politique des chefs de clans dĂ©jĂ  prĂ©caire a Ă©tĂ© davantage diminuĂ©e par le bwami.

Toutefois, son influence demeure encore importante de nos jours ; En effet, chez certaines populations lega de Shabunda, abandonnĂ©es Ă  elles-mĂȘmes ou plus exactement devenues incontrĂŽlables par l’administration publique, l’exploitation clandestine de l’or se dĂ©veloppe Ă  des proportions inquiĂ©tantes. Seuls les bami la rĂ©glementent (en interdisant par exemple pendant la pĂ©riode de cultures, de dĂ©frichement et d’abattage des arbres).

CHAPITRE III : LES BAKISI PENDANT L’OCCUPATION ARABE (1870 – 1897)

SECTION I : LA PENETRATION ARABE

         Dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle, les arabes ont envahi l’Est du ZaĂŻre. Ils se sont fixĂ©s d’une façon plus au mois durable au Maniema. Le but de leur, dĂ©placement Ă©tait de s’approprier l’or et l’ivoire des autochtones. Et, comme il faillit transporter cet ivoire, ils rĂ©duisaient en esclavage les populations locales.

         Au Bulega, comme le note Nicolas de Kun, c’est en 1870 [73] que la pĂ©nĂ©tration arabe a lieu. Il s’agit plutĂŽt des arabisĂ©s car semble-t-il, les vrais Arabes se seraient limitĂ©s Ă  Nyangwe.[74]

« Entreprise avant tout commerciale, la conquĂȘte arabe ravagea le pays de l’Urega qui versa un tribut particuliĂšrement lourd aux trafiquants d’esclaves. Ceux-ci, loin d’ĂȘtre des Arabes authentiques que l’on s’est convenu Ă  dĂ©crire, Ă©taient principalement constituĂ©s de mĂ©tis qui vers 1850, composaient l’entourage des sultans de zanzibar. Â»[75]

         L’infiltration arabe chez les Bakisi s’est faite en trois Ă©tapes :

  • Tout d’abord, de Nyangwe alors capitale du Maniema, les ArabisĂ©s opĂ©raient Ă  l’intĂ©rieur du pays lega pour rĂ©colter les importations (essentiellement l’ivoire et les esclaves) et le transporter ;
  • Ensuite, pour Ă©courter le trajet qui separait Nyangwe du Bulega, l’on dĂ©cida la crĂ©ation en plein pays lega de deux postes : un Ă  Kama et un autre Ă  Misisi (dans la Zone actuelle de Pangi) ;
  • Enfin, Ă©tant donnĂ© que le nĂ©goce rapportait beaucoup et prospĂ©rait au jour le jour, les postes de Shabunda et de Mulungu furent fondĂ©s chez les Bakisi (dans la Zone actuelle de Shabunda).

Une fois Ă©tablis Ă  Shabunda, les arabisĂ©s sont organisĂ©s d’une façon systĂ©matique le pillage de l’ivoire et la capture des esclaves.

Les Bakisi racontent que lorsqu’ils arrivaient dans un village, les ArabisĂ©s le cernaient, massacraient les vieillards et tous ceux qui osaient leur rĂ©sister et emportaient les survivants enchainĂ©s Ă  Shabunda. De lĂ  ils Ă©taient conduits jusqu’à Nyangwe en passant par Misisi et Kama. Ils pillaient aussi les poules, des chĂšvres et brulaient des maisons. Seuls les plus rĂ©sistants atteignaient Nyangwe car la plupart d’entre eux mourraient en cours de route. C’est pourquoi la formule suivante : Â« Murega hafike Nyangwe Â» ou « Le Mulega n’atteint pas Nyangwe Â» est trĂšs courante chez les Balega et chez les Bazimba.[76]

Certaines gens qui rĂ©ussissaient Ă  se sauver prenaient fuite vers les rĂ©gions non encore cĂŽtoyĂ©es par les ArabisĂ©s. Ne trouvant pas de quoi manger, le fuyard tuait son semblable et se nourrissait de sa chair. L’anthropophagie qui jusque lĂ  se pratiquait seulement en temps de guerre a Ă©tĂ© amplifiĂ©e et systĂ©matisĂ©e. La population accuse aussi Ă  cette Ă©poque une baisse de taux de natalitĂ©, laquelle est attribuĂ©e au fait que l’homme vivait souvent Ă©loignĂ© de son Ă©pouse mais Ă©galement Ă  la volontĂ© de ne pas avoir des enfants pendant ces moments difficiles.

         Pour pouvoir mener Ă  bien leur entreprise, les Arabes ont fini par collaborer avec certains chefs de clans ou en imposer d’autres. Ces derniers appelĂ©s Banyampala ou Batwana par les autochtones fournissaient de l’ivoire et des enclaves Ă  leurs maitres. Pour ce faire, les conquĂ©rants arabisĂ©s leur donnaient des armes Ă  feu, appelĂ©es bifumula. C’est ce que WILLAME nous dit implicitement dans le passage suivant : Â« Tippu-Tib, le plus capable de ces nouveaux leaders, parvint Ă  tailler vers 1870, un vĂ©ritable empire politique et commerciale au sein du pays des Bakusu (
) qui lui servaient d’auxiliaires pour la chasse Ă  l’ivoire et aux esclaves chez les Warega. Il devenait l’organisateur de l’Etat (
) il remplaça des chefs et les confirma dans leur fonction comme eĂ»t fait un souverain (
) le sommet de sa carriĂšre fut la signature en fĂ©vrier 1887 d’un contrat qui le faisait gouverneur du district de Stanley-Falls. Â»[77]

Ainsi, des guerres inter claniques, fromentées par les Arabisés ont davantage divisé les Bakisi et les Balega en général.

Elles ont accru le nombre de victimes humaines et ont bouleversĂ© les structures sociales, politiques et Ă©conomiques existantes. A ce sujet, « Guide du voyageur au Congo belge et au Rwanda-Urundi Â» on Ă©crit :

« Le pays lega fut eut ĂȘtre le coin du Congo qui connut les heures les plus tragiques de l’histoire. Au Sud-ouest et Ă  l’Ouest de leurs groupement, Ă©taient installĂ©s les centres arabes de Kasongo, Nyangwe et de Riba-Riba (lokandu) et au Nord-ouest, Kirundu ; c’est le pays de l’anthropophagie qui s’était dĂ©veloppĂ©e dans des portions effrayantes et Ă  la faveur des razzias opĂ©rĂ©s par les trafiquants arabes et des famines qui s’en suivirent. Les terres furent ruinĂ©es par le pillage de la chasse Ă  l’homme et la rĂ©gion Ă©tait devenue le pays de la terreur et du dĂ©sespoir. Â»[78]

SECTION II : INSTALLATION DES ARABISES DANS LA ZONE DE SHABUNDA ET HISTORIQUE DE L’EVENEMENT DE LA FAMILLE MOPIPI AU POUVOIR CHEZ LES BAKISI

         Sambi fut le premier ArabisĂ© qui s’installa dans la citĂ© de Kyoli (futur Shabunda). D’autres ArabisĂ©s se fixĂšrent Ă  travers la Zone de Shabunda. Il s’agit de :

  • Malilo : se plaça Ă  Itemene (prĂšs d’Ikozi) ;
  • Mahomedy : habita Bulege (en amont de l’Ulindi) ;
  • Mukamaniol : s’installa Ă  Lukundu ;
  • MuniĂ© Shabudu : demeura Ă  kyabundu ou Katandala (au pied du mont Ikozi).[79]

Ces Arabisés se comportÚrent en véritables despotes dans leurs postes respectifs. Une grande cruauté caractérisera leur rÚgne. Comme le note SALUMU, ils perforaient les lobes des oreilles de leurs sujets et otages pour les distinguer des fideles serviteurs et menaient une lutte sans merci contre les Bami.

C’est de cette Ă©poque que date la suppression de la ficelle qui faisait attacher solidairement la collecte des bami sur la tĂȘte.[80]

Ceci pour enlever le chapeau rapidement lorsqu’on aperçoit les Arabes. Elle sera rĂ©introduite aprĂšs le dĂ©part des ArabisĂ©s Ă  la fin du XIXe siĂšcle.

         De tous ces ArabisĂ©s, MuniĂ© Shabudu nous intĂ©resse plus particuliĂšrement. S’il est vrai que les Bakisi n’ont pas opposĂ© une rĂ©sistance ferme contre la pĂ©nĂ©tration et l’occupation arabisĂ©es, le cas de Banabanga[81] fait une exception. En effet,  suite aux excĂšs des impositions exigĂ©es par les ArabisĂ©s, les Banabanga se sont rĂ©voltĂ©s. A plusieurs reprises, ils ont livrĂ© une guerre contre MuniĂ© Shabudu installĂ© au pied du Mont Ikozi et ont massacrĂ© plusieurs de ses hommes. Ils laissaient rouler sur eux (MuniĂ© Shabudu et ses gens) de grands quartiers de roc.[82] Pour mettre fin Ă  cette crise, MuniĂ© Shabudu jugea utile de composer avec ses ennemis. Une rencontre se tint entre les deux camps. MuniĂ© Shabudu en profita pour tuer deux des reprĂ©sentants des Banabanga qu’il soupçonna meneurs de ces rĂ©voltes.

         Devant l’entĂȘtement et l’insoumission des Banabanga, MuniĂ© Shabudu retourna Ă  Kyoli. En cours de route, le neveu du chef des Banabanga, le nommĂ© Kinganda, assurait la protection de MuniĂ© Shabudu et son ravitaillement alimentaire.

Ce fait montre Ă©loquemment que la famille du chef des Banabanga vivait en bonne intelligence avec MuniĂ© Shabudu et que seuls les mebres d’autres familles Banabanga en avaient marre de lui. Certes, l’envoi de Kinganda Ă  Kyoli en compagnie de MuniĂ© Shabudu est une manifestation de l’amitiĂ© du chef Banabanga envers ce dernier mais c’est aussi une preuve de traitrise de son peuple.

         ArrivĂ© Ă  destination, MuniĂ© Shabudu dĂ©baptisa Kyoli et le nomma Kyabunda en mĂ©moire du poste qu’il venait de quitter. Kyabunda sera dĂ©formĂ© en Shabunda par les Blancs plus tard. Pour sceller, consolider et perpĂ©tuer l’amitiĂ© qui le liait au chef du clan Banabanga (Kangandyo), MuniĂ© Shabudu nomma un certain nombre de membres de la famille Kangandyo en qualitĂ© des Banyampala ou capitas de villages arabisĂ©s.

Il s’agit de :

  • Kinganda, neveu de Kangandyo, devint munyampala Ă  Shabunda ;
  • Itanganika ;
  • Mopipi, dirigeait avec son petit frĂšre Mutimana le poste arabe de Mulungu. A sa mort,
  • Mutimana lui succĂ©da et prit son nom. Le mĂȘme Mutimana, alias Mopipi, sera rappelĂ© peu de temps aprĂšs par MuniĂ© Shabudu pour cumuler les fonctions de munyampala Ă  Shabunda en remplacement de son cousin dĂ©funt, Kinganda. Il convient de souligner que Mopipi et Mutimana sont tous deux fils de Kangandyo. Pendant ce temps, un autre fils de Kangandyo,
  • Nsumo Ă©tait dĂ©signĂ© munyampala itinĂ©rant. Il assurait le transport des importations jusqu’à Misisi.

Des membres d’autres clans kisi ont Ă©tĂ© aussi Ă©levĂ©s au rang des banyampala :

  • Bikenge du clan basagani
  • Binsilingi du clan Samanzala
  • Igulu du clan Basumbu
  • Isonga du clan Munwa
  • Itangilwa du clan Kitundu
  • Kabungulu du clan Ibandi
  • Kalumbi du clan Busumbu
  • Kibisa du clan Mulila
  • Kigulube du clan Basuli
  • Mukenge du clan bangongo, etc.

Mais la fin du rĂšgne arabe approchait. En 1897, les europĂ©ens arrivĂšrent Ă  Shabunda chassĂšrent les Arabes et s’y installĂšrent.[83]

         Tout Ă©phĂ©mĂšre qu’elle ait Ă©tĂ©, la domination arabe (arabisĂ©) sur les clans kisi a Ă©tĂ©, lourde de consĂ©quences.

Certes, toutes les activitĂ©s ont Ă©tĂ© paralysĂ©es par la prĂ©sence arabe, mais d’un point de vue purement politique, on a assistĂ© Ă  la montĂ©e du clan.

Le clan Banabanga s’est affirmĂ© grĂące Ă  la soumission aux envahisseurs et a pris le dessus sur tous les autres clans kisi. Cette suprĂ©matie du clan Banabanga et notamment de la famille Mopipi sera manifestĂ©e pendant la colonisation et mĂȘme aprĂšs l’indĂ©pendance.

CHAPITRE IV : EXERCICE DU POUVOIR PENDANT LA COLONISATION BELGE

         Avec l’arrivĂ©e des EuropĂ©ens, un nouveau type de pouvoir est introduit et imposĂ© dans le pays, un type qui, jusque lĂ  Ă©tait inconnu chez les Bakisi ? Il s’agit du pouvoir centralisĂ© hĂ©rĂ©ditaire.

SECTION I : REGNE DE MOPIPI I MUTIMANA (1904-1930)

  1. Historique de la fondation du poste de Shabunda.

Comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit, les troupes de l’Etat IndĂ©pendant du Congo (E.I.C.) ont mis fin Ă  la domination arabe (arabisĂ©e) sur les Bakisi en 1897. Apres avoir chassĂ© les Arabes et les ArabisĂ©s, les EuropĂ©ens se sont servis de quelques uns d’entre eux comme auxiliaires. Ainsi, l’ArabisĂ© MuniĂ© Shabudu a Ă©tĂ© utilisĂ© pour rĂ©colter les impĂŽts en nature (essentiellement de caoutchouc et l’ivoire) chez les Balega et les ramener Ă  Nyangwe. Comme du temps du rĂšgne arabe, MuniĂ© Shabudu fit travailler intensĂ©ment et inhumainement les Balega et se distingua par sa grande cruautĂ© :

« â€Š, et le Blanc commandant Ă  Nyangwe se servit pour percevoir les prestations en caoutchouc de l’arabisĂ© MuniĂ© Shabudu qui, brutal et voleur, pressura les Warega. Â»[84]

         En effet, Ă  trois reprises, MuniĂ© Shabudu dĂ©tourna les importations des Banabanga portĂ©es Ă  Nyangwe Ă  ses fins personnelles.  C’est pourquoi les Banabanga rĂ©solurent de porter leurs impositions Ă  Misisi, poste qui venait d’ĂȘtre fondĂ© ainsi que celui de Kama.[85] Sur ces entrefaites, MuniĂ© Shabudu fut rappelĂ© par les Blancs Ă  Nyangwe. D’autres clans Bakisi, notamment les Bokilwa, les Basuli, les Banakagela, les Banamunwa, les Banibilila, les Banibandi se joignirent au clan Banabanga pour concentrer leurs impositions Ă  Shabunda.

         Alors que Nsumo assurait le transport de ces impositions Ă  Misisi, Mopipi dirigeait Shabunda, une agglomĂ©ration de 8000 personnes Ă  l’époque, composĂ©e essentiellement d’otages.[86]

         LĂ  aussi (Ă  Misisi), les caravanes venant de Shabunda furent Ă©garĂ©es par les licenciĂ©s[87] qui vivaient aux environs de Misisi. FĂąchĂ© des exactions dont ces gens Ă©taient victimes, Mopipi dĂ©cida de porter ses impositions Ă  Kama. Cette attitude de Mopipi inquiĂ©ta les licenciĂ©s de Misisi qui, voulant dissimuler leurs vols, accusĂšrent Mopipi de rebelle aux Blancs de Nyangwe. Ceci hĂąta la fondation du poste de Shabunda. En 1904, le commandant CRONE arriva Ă  Shabunda. Il se rendit immĂ©diatement compte que pour mobiliser et mener Ă  bien l’opĂ©ration « rĂ©colte caoutchouc Â» il fallait un chef puissant capable de s’imposer Ă  tous les clans kisi. La connaissance du swahili faisait dĂ©jĂ  de Nsumo et de Mopipi des candidats favoris ; le choix du Blanc tomba sur ce dernier car, semble t-il, son frĂšre ainĂ© Nsumo Ă©tait faible d’esprit.

  • Le rĂ©gime de Mopipi I Mutimana.

La nomination de Mopipi I Mutimana en qualitĂ© de premier chef de tous les Bakisi est d’une importance capitale dans la mesure oĂč elle a changĂ© le cours de l’histoire. Nous avons dĂ©jĂ  vu que chez les Balega en gĂ©nĂ©ral et chez les Bakisi en particulier le clan constitue l’unitĂ© politique et sociale de base. La dĂ©signation de Mopipi I Mutimana Ă  la tĂȘte de tous les Bakisi en 1904 aura Ă©tĂ© une nouveautĂ©.

         La question qui se pose est de savoir comment les autres entitĂ©s claniques kisi ont accueilli cette nomination. Autrement dit si les autres clans Bakisi ne se sont pas opposĂ©s Ă  cette dĂ©cision des colonisateurs europĂ©ens.

         Tout d’abord certains chefs claniques n’avaient pas pris conscience de cette nomination et de ses rĂ©percutions sur le plan politique ou plutĂŽt s’étaient imaginĂ©s que le rĂŽle de Mopipi I Mutimana se serait limitĂ© Ă  celui d’interprĂšte entre les Blancs et les autochtones.

Ensuite, la trÚs forte personnalité et la grande intelligence de Mopipi I Mutimana ont contribué en partie à assoir son autorité sur tous les clans kisi.

Ce fait est attestĂ© par le passage suivant : « Depuis 1917, Ă©poque la plus reculĂ©e pour laquelle l’on puisse trouver une opinion Ă©crite sur le chef Mopipi, celles qui le concernent sont unanimes Ă  le considĂ©rer comme un chef excellent.


, son autoritĂ© est grande et jalousĂ©e. 
, il s’est montrĂ© juge parfait et politique adroit, intelligent, sachant lire et Ă©crite, fait toujours monter d’un vif dĂ©sir de savoir. Ses connaissances gĂ©nĂ©rales sont entendues pour un homme de sa race, il les doit aux divers agents europĂ©ens qui s’intĂ©ressent toujours Ă  lui et rĂ©pondirent Ă  ses investigations qui sont quelque fois surprenantes. (Comment fonctionne la  T.S.F. ?) Â»[88]

Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©es, l’Administrateur territorial de village fagne constate que l’autoritĂ© de Mopipi s’est fait sentir au-delĂ  des frontiĂšres des Bakisi. Ce qui a favorisĂ© et poussĂ© l’administrateur coloniale Ă  rĂ©viser les limites du pays des Bakisi et Ă  y incorporer les groupes claniques lega non kisi qui lui Ă©taient favorables : « le chef Mopipi est un excellent chef. Son impartialitĂ© lui a gagnĂ© la confiance de tous ses indigĂšnes ; sa vigilance Ă  sauvegarder les intĂ©rĂȘts de ses administrĂ©s lui attire chaque jour des nouveaux et nombreux partisans. Sa chefferie a subi quelques modifications quant aux groupements qui la composent ; son Ă©tendue territoriale s’est fortement agrandie
 Â»[89]

         Enfin, nommĂ© par l’administration coloniale, Mopipi bĂ©nĂ©ficiait de son soutien. Quiconque osait lui dĂ©sobĂ©ir subsistait de lourdes sanctions de la part des colonisateurs.

Toutefois, un vĂ©ritable pouvoir ou une autoritĂ© repose non seulement sur la puissance matĂ©rielle mais aussi sur la croyance dans le bien fondĂ© du pouvoir.[90] C’est pourquoi l’administration coloniale a cherchĂ© Ă  lĂ©gitimer le pouvoir de Mopipi I Mutimana. Le paragraphe suivant nous donnera des clarifications Ă  ce sujet.

  • CrĂ©ation de la chefferie des Bakisi en 1928 au terme du Rassemblement de Musweli.[91]

Le « Rassemblement de Musweli de 1927 Â»[92] a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© de deux autres rencontrĂ©es :

  • La premiĂšre qui s’est tenue en 1917, a Ă©tĂ© une prise de contact avec les dĂ©lĂ©guĂ©s de trois groupements claniques importants des Bakisi, Ă  savoir les Bamuguba, les Baliga et les Bakyunga.
  • La seconde rencontre a eu lieu en 1920 et a consistĂ© Ă  fournir des renseignements sur l’histoire des migrations des Balega et Ă  sensibiliser l’opinion publique sur une Ă©ventuelle crĂ©ation des chefferies au Bulega.

Sous le haut patronage de l’Administrateur territorial Moreau, s’est tenu un rassemblement Ă  Musweli groupant les reprĂ©sentants des Balega orientaux.         Il s’agit de :

– Mopipi pour les Bakisi

– Molingi pour les Bakabango et

– Longangi pour les Bamuzimu[93]

La consultation des Balega occidentaux aura lieu en 1932.

         En ce qui concerne les Bakisi, les trois grands groupements claniques : Bamuguba, Bakyunga et Baliga ont Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©s respectivement par Mopipi, Katumbi et Simbo. En ce moment oĂč l’administration coloniale tenait Ă  crĂ©er des chefferies c’est-Ă -dire des collectivitĂ©s traditionnelles organisĂ©es sur base de la coutume en circonscription administrative et dans lesquelles l’exercice du pouvoir est hĂ©rĂ©ditaire[94], il Ă©tait impĂ©rieux de retrouver Ă  travers les gĂ©nĂ©alogies les fils ainĂ©s des ancĂȘtres Ă©ponymes de diffĂ©rents groupes de clans lega. Le choix de Musweli se justifie par le fait que c’est lĂ  que les Balega orientaux se sont sĂ©parĂ©s et dispersĂ©s.

         Apres une semaine de discussions et de polĂ©miques on aboutit aux rĂ©sultats suivants :

  • Muguba : est le fils ainĂ© de Kisi suivi de
  • Kyunga
  • Liga Ă©tant le cadet.

L’autre problĂšme qui a Ă©tĂ© dĂ©battu au Rassemblement de Musweli de 1927 est celui du pouvoir ou plus exactement de l’exercice du pouvoir politique chez les Bakisi au dĂ©but du XXe siĂšcle. En effet, le pouvoir Ă©tait confusĂ©ment exercĂ© chez les Bakisi. Des ordres Ă©manaient Ă  la fois des chefs de clans traditionnels, des banyampala dĂ©chu et des auxiliaires arabisĂ©s. La confusion Ă©tait telle que la population ne savait Ă  quelle autoritĂ© se fier. Le texte ci-dessous est Ă©loquent Ă  ce propos : Â« Leur prestiges depuis notre arrivĂ©e, sur l’indigĂšne n’a guĂšre diminuĂ©, au commencement les EuropĂ©ennes se sont tout permis pour amener les indigĂšnes Ă  la station et leur faire payer l’impĂŽt (C.T.C.) le manque d’autoritĂ© des chefs indigĂšnes obligeant les EuropĂ©ens Ă  passer par leur entremise (sic). Les arabisĂ©s afin que l’EuropĂ©en ignore leurs agissements chez les indigĂšnes, entretenant entre eux et nous une mĂ©fiance, abaisse le plus d’autoritĂ© des chefs et pour s’allier les indigĂšnes n’hĂ©sitent pas Ă  les avertir des projets de l’Administrateur et contrecarrer ainsi l’administration du territoire. Il est incompatible que le chef indigĂšne ait de l’autoritĂ© et l’on en laisse aux arabisĂ©s aussi il faudrait creuser un fossĂ© entre eux. 
 ils profitent des changements des chefs territoriaux pour y faire recenser des indigĂšnes, qu’ils activent au moyen de cadence de pression (sic) sur les chefs ou de diffĂ©rent entre les dits indigĂšnes. (Sic) 
 Â»[95]

Le Rassemblement de Musweli de 1927 devait donc lever l’équivoque et mettre un terme Ă  cette situation anarchique.

         Cependant, la lĂ©gitimitĂ© n’est qu’un systĂšme de croyance. Il n’y a pas de pouvoir lĂ©gitime en soi mais des pouvoirs que l’on juge lĂ©gitimes. Un pouvoir sera jugĂ© lĂ©gitime par tel groupe parce qu’il reflĂšte ses intĂ©rĂȘts et non par tel autre.[96] Ainsi, le droit d’ainesse de l’ascendance Mopipi chez les Bakisi a Ă©tĂ© mis en cause par certaines personnes.

Ces gens qui, pour la plupart, sont issus des actuels groupements Bangoma et Beygala et qui, curieusement, collaboraient avec les arabisĂ©s ont Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement punis par l’administration coloniale. Mais la magnanimitĂ© de Mopipi a attĂ©nuĂ© Ă  chaque fois leurs peines.

         Quant aux anciens chefs de clan, leur sort a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© par le Rassemblement de Musweli de 1927 mais l’idĂ©e de mettre fin Ă  leur pouvoir hĂ©rĂ©ditaire existait dĂ©jĂ  depuis la fondation du poste de Shabunda.

« La chefferie telle que composĂ©e actuellement a Ă©tĂ© organisĂ©e en 1923 de l’agglomĂ©ration de phratries considĂ©rĂ©es primitivement comme chefferies mais non point reconnues comme telles. Ces phratries sont dĂ©signĂ©es comme fraction, dont le chef se nomme capita de fraction. Cette terminologie a Ă©tĂ© employĂ©e afin que par la suite l’on ne soit pas tentĂ© de trouver un successeur aux actuels capitas de fraction, ils seront les derniers Ă  exercer officiellement un commandement territorial. A leur lot, la fraction sera Ă©videment loisible Ă  ce dernier de designer un notable pour surveiller l’exĂ©cution de ses ordres dans les parties Ă©loignĂ©es de sa chefferie. Â»[97]

         En guise de conclusion, la tentative d’introduire le pouvoir centralisĂ© hĂ©rĂ©ditaire est devenue une rĂ©alitĂ© au terme du Rassemblement de Musweli de 1927 par la crĂ©ation de la chefferie des Bakisi une annĂ©e aprĂšs.

Tant que le chef de chefferie (Mopipi I Mutimana) dĂ©fendra les intĂ©rĂȘts de son peuple et se montrera soumis Ă  l’administration coloniale jusqu’à sa mort en 1930, son pouvoir sera acceptĂ© par la population et protĂ©gĂ© par l’administration coloniale. Mais Ă  partir du moment oĂč son successeur (Mopipi II Mulengeki Paul) bafouera les droits de son peuple, s’attirant par le fait mĂȘme l’inimitĂ© de celui-ci, les anciens conflits claniques resurgiront, entrainant ainsi la contestation de son autoritĂ©.

VOICI LA GENEALOGIE DU CHEF MOPIPI

SECTION II : REGNE DU GRAND CHEF MOPIPI II MULONGEKI PAUL (1930  –  1946)

  1. Vie de Mopipi II Mulongeki Paul.

           Fils de Mopipi I Mutimana et de Wakukasa, Mopipi II Mulongeki Paul est nĂ© Ă  Shabunda en 1910 et y est mort le 08 mai 1976. Il a fait ses Ă©tudes primaires Ă  l’école des enfants pour chefs de Stanley ville et deux ans post-primaires Ă  l’école normale Saint-Gabriel de la mĂȘme ville.

           Investi grand chef de chefferie des Bakisi le 05 mai 1930, succĂ©dant ainsi Ă  son pĂšre dĂ©funt, il demeurera au pouvoir jusqu’en 1946, annĂ©e qui a vu sa relĂ©gation Ă  Elisabethville. AmnistiĂ© en 1959, il reprendra ses fonctions de Grand Chef des Bakisi une annĂ©e aprĂšs jusqu’en janvier 1976, date Ă  laquelle il dĂ©missionne.

  • HĂ©ritage de Mopipi II.

           Le jeune chef Mopipi II a hĂ©ritĂ© d’un immense territoire. Mais Ă  la veille de son investiture, la chefferie des Bakisi a Ă©tĂ© rĂ©duite. Le groupement kwame du chef ndeke qui jusque lĂ , faisait partie intĂ©grante de la chefferie des Bakisi a Ă©tĂ© dĂ©tachĂ© de celle-ci et incorporĂ© dans le secteur kumu de la Zone de Punia. Il en sera de mĂȘme du groupement Bakonjo qui sera rattachĂ© administrativement Ă  la Zone de Walikale en 1947.[99]

           Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, l’introduction du pouvoir centralisĂ© hĂ©rĂ©ditaire chez les Bakisi n’est pas coutumiĂšre. Et, l’accalmie relative des clans kisi qui a caractĂ©risĂ© le rĂšgne de Mopipi I s’explique par sa trĂšs forte personnalitĂ©. Il a su Ă  la fois dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de son peuple et satisfaire les besoins de l’administration coloniale.

           Sous le rĂšgne de son fils, Mopipi II, les problĂšmes de tous ordres vont se poser. Les conflits coutumiers dus en partie Ă  sa faible personnalitĂ© vont resurgir. La fainĂ©antise et le manque d’intelligence de Mopipi II datent de son enfance. Ils se sont extĂ©riorisĂ©s depuis sa scolaritĂ© : « sa postĂ©ritĂ© (de Mopipi I Mutimana) est peu nombreuse et son unique fils Mulongeki, actuellement Ă©lĂšve Ă  l’école pour Fils de chefs de Stanley ville ne fait pas montres de qualitĂ© : il est fourbe ; paresseux et imbu de sa naissance, encore jeune, l’on peut espĂ©rer qu’il sera corrigĂ©. Â»[100]

  • Administration de la chefferie des Bakisi sous le rĂšgne de Mopipi II.
  1. Abus reprochés à Mopipi II.

           D’une maniĂšre brusque l’autoritĂ© des chefs de clan kisi s’est dĂ©sagrĂ©gĂ©e au profit d’un pouvoir centralisĂ© hĂ©rĂ©ditaire. Ainsi au lendemain du Rassemblement du Musweli de 1927 des villages et clans furent rĂ©unis dans des groupements. Ces groupements dont le nombre s’élĂšverait au dĂ©part Ă  quatre Ă  savoir :

  • Le groupement Bakyunga
  • Le groupement Bamuguba/Nord
  • Le groupement Bamuguba/Sud et
  • Le groupement Baliga

Ont été dirigés par des chefs de groupements ou des notables.

           L’erreur commise par l’administration coloniale c’est d’avoir laissĂ© la nomination des notables Ă  la compĂ©tence de Mopipi II. Au lieu de designer ses reprĂ©sentants dans les diffĂ©rents groupements parmi les chefs des clans influant, Mopipi II a prĂ©fĂ©rĂ© imposer ses proches parents comme notables. Voyons ce que dit le Rapport AIMO Ă  ce sujet : « Mopipi est parvenu Ă  faire nommer comme gouverneurs de fiefs importants de la chefferie des Bakisi des parents immĂ©diats (de la famille Benia Kakitike)

– Songa : Grand notable de Bakyunga, parents par les femmes de Mopipi

– Mukulumania : Grand notable des Bamuguba/Nord, son cousin sous  germain

– Gombe : notable de Benia kamuno, (baliga), oncle maternel de Mopipi

– Kiziba : Grand notable des Bamuguba/Sud, cousin germain de Mopipi. Â»[101]

                                 Comme corolaire, la population a refusĂ© l’autoritĂ© de ces notables autant que celle de Mopipi d’ailleurs. Les anciennes contestations politiques ont rĂ©apparu et se sont cristallisĂ©es davantage.

La rĂ©action de Mopipi et de son conseil de notables Ă©tait catĂ©gorique : la relĂ©gation des indĂ©sirables ou de toute personne qui oserait porter atteinte Ă  leur autoritĂ©. « Par ses quatre notables qui rĂšgnent sur des populations auxquelles ils sont Ă©trangĂšres et contrĂŽlent pratiquement toute la chefferie, Mopipi qui, personnellement ne saurait y parvenir, tient en mais tout le conseil de notables. DĂšs lors, dĂšs que quiconque ose protester au sujet des abus de Mopipi et des siens le conseil des notables propose sa relĂ©gations et l’administration, se basant sur les dires du conseil relĂšgue l’imprudent. Â»[102]

           Le clan des Bana Kitundu a le plus souffert de ces relĂ©gations parce que c’est lui qui contestait le plus l’autoritĂ© de Mopipi II.  Ce fait est illustrĂ© par le nombre des Bana Kitundu relĂ©guĂ© pendant le rĂšgne de Mopipi II.

Voici la liste des Bakisi relĂšgues pendant le rĂšgne de Mopipi II.[103]

NOMSDATE DE RELEGATIONLIEUOBSERVATIONS
KAKISE Jean06/09/1932Chefferie d’origineRelĂ©guĂ© par le Gouverneur General sur proposition Congo « Congo-KasaĂŻ Â» (Vols, faux en Ă©criture)
MONGELINA20/05/1933KatakokombeRelégué par le Gouverneur général (insoumission au Chef) Levée le 15/02/1937
KALINDI Jean07/03/1934Chefferie d’origineRelĂ©guĂ© par le Gouverneur gĂ©nĂ©ral (Vols)
  KAMBULI  06/07/1937  RutshuruMotif : Sorcellerie. ProposĂ©e suite Ă  affaire judiciaire ayant entrainĂ© deux condamnations. DĂ©cĂ©dĂ© Ă  Rutshuru le 20/12/1942
KANDUMBI06/07/1937RutshuruMĂȘme motif
ASEMAKE Joseph20/12/1937ChefferieMotif : Trafic d’or
AMBUMA ASSUMANI11/07/1941ShabundaMotif : Recel d’or. LevĂ©e le 24/04/1945
KIMANGANANGA22/11/1941VillageMotif : Recel d’or
MBILI02//08/1943FiziEssai d’usurpation du pouvoir
TANGANIKA02/08/1943BeniMĂȘme motif. DĂ©cĂ©dĂ© le 26/10/1944
SONGA26/07/1944BeniMotif : insoumission.

Il ressort de ce qui prĂ©cĂšde que pour les personnes relĂ©guĂ©es soit dans leur chefferie d’origine, soit dans leur village natal, il leur est interdit tout simplement de sortir de la surface de leur lieu d’exil.

         Selon, De Ryck, seules les relĂ©gations de Mongelima, de Mbili et de Tanganika ont Ă©tĂ© provoquĂ©es par Mopipi. Celle de Mongelima : le chef Mopipi n’était pas investi que depuis peu de temps Ă  cette Ă©poque et il y a peu de chance qu’il ait dĂ©jĂ  voulu Ă©carter arbitrairement un notable qui l’empĂȘchait d’abuser de ses pouvoirs. La relĂ©gation fut d’ailleurs levĂ©e en 1937.

Celles de Kambuli et de Songa : A.T. de Shabunda dit lui-mĂȘme qu’elles Ă©taient pleinement justifiĂ©es. Celles de Mbili et de Tanganika avant de dĂ©cider de ces relĂ©gations je me suis entourĂ© de toutes les garanties nĂ©cessaires et voulues. L’administrateur de l’époque a introduit des propositions circonstanciĂ©es appuyĂ©es du compte rendu dĂ©taillĂ© de la rĂ©union d’un conseil de notables. Le chef Mopipi et deux notables se sont prĂ©sentĂ©s en personne et ont Ă©tĂ© entendus Ă  Costermansville ; j’ai fait examiner ma proposition par mon assistant qui connaissait Ă  fond le territoire de Shabunda pour l’avoir administrĂ© pendant plusieurs annĂ©es et j’ai mĂȘme demandĂ© Ă  Monsieur le Gouverneur de province s’il ne dĂ©sirait pas recevoir ces autoritĂ©s indigĂšnes avant qu’ils retournent Ă  Shabunda.[104]

         En ce qui concerne la justice, Mopipi II ne pressait guĂšre les tribunaux indigĂšnes. Tres souvent pour combler le dĂ©ficit de la caisse de la chefferie, Mopipi se dĂ©plaçait, infligeait arbitrairement de amendes aux gens sans dĂ©livrer de quittances : Â« Mopipi rĂšgle la façon simple certains litiges. Qu’il ait un dĂ©ficit dans la caisse du tribunal (dans laquelle il ne cesse de puiser) il la rĂšgle pour une tournĂ©e d’inspection


(Les indigĂšnes appellent cela Safari ya kabinet). Qu’un de ses favoris ait un dĂ©ficit d’encaisse, il est prĂȘt Ă  tous les expĂ©dients.

Tel le cas du greffier Sawasamba. Celui-ci ayant un dĂ©ficit, le chef Mopipi fait simplement vendre les biens de tous les indigĂšnes du village Kalipa dont Sawasamba est originaire. Â»[105]

         Tout capita du village qui osait se plaindre des agissements de Mopipi se voyait destituĂ©, condamnĂ© ou dĂ©portĂ©. L’administration coloniale finira par dĂ©jouer la manƓuvre de Mopipi comme montre le passage suivant : « Mopipi a gĂ©rĂ© sa chefferie avec un despotisme extrĂȘme pour des fins qui l’intĂ©ressaient personnellement ou qui intĂ©ressaient sa famille. Il a demis de nombreux capita sans prendre l’avis de l’A.T. Ă  ce sujet. Ainsi le capita Malonga du village de Kimbande (87 hommes) demande Ă  Mopipi des explications au sujet de 21 amendes de 75 francs infligĂ©es Ă  ses gens en mai 1944 sans que quittances soient dĂ©livrĂ©es. Malonga est dĂ©tenu 13 jours par Mopipi. Fin 1944 Malonga souleva Ă  nouveau la question. Mopipi lui enlĂšve son commandement aprĂšs avoir rĂ©uni un conseil de notables de fantaisie. Malonga dĂ©but 1945 demande Ă  Mopipi pourquoi il a fait infliger irrĂ©guliĂšrement 18 amendes de 150 francs Ă  des femmes de son village. Mopipi le dĂ©tient ainsi que son fils, pendant trois mois et essaie d’user de son arme habituelle contre ceux qui osent Ă©lever la voix centre ses abus : la relĂ©gation. Mais la manƓuvre cette fois, Ă©choue. Malonga Ă©tait en fonction depuis 20 ans. Â»[106]

  • Facteurs expliquant la dĂ©faillance de Mopipi durant son rĂšgne

Le premier facteur qui explique l’exercice abusif du pouvoir par Mopipi est son manque d’expĂ©rience et sa mĂ©connaissance ou plutĂŽt sa connaissance insuffisante des coutumes et traditions kisi. Il a passĂ© son enfance, son adolescence et le dĂ©but de sa jeunesse sur les bancs de l’école Ă  Stanleyville. Et, lorsqu’il est rappelĂ© en 1930 pour succĂ©der Ă  son pĂšre dĂ©funt, Mopipi semble sous-estimer ou ignorer les conflits politiques latents datant du rĂšgne de son pĂšre. Il ne dĂ©ploie pas non plus d’efforts pour s’attirer la sympathie et l’amitiĂ© des autres clans. Il nĂ©glige l’apprentissage des coutumes ancestrales. Son entourage est constituĂ© principalement de vieux conseillers de son clan Banabanga lesquels cherchent Ă  tout prix  Ă  asseoir l’autoritĂ© de Mopipi par la force et Ă  se venger contre tous ceux qui oseraient mettre en pĂ©ril le pouvoir de Mopipi. Le texte suivant illustre ces faits : Â« il faut retenir Ă  son dĂ©savantage que son Ă©ducation reçue loin de son milieu familial et social a d’abord influencĂ© sa mentalitĂ© et son attitude lors de son retour au pays, oĂč une kyrielle de parasites et de mauvais conseillers l’a immĂ©diatement entourĂ©, le poussant Ă  adopter une conception abusive de son pouvoir. De plus cet Ă©loignement l’a isolĂ© durant des annĂ©es de la vie coutumiĂšre et sa connaissance des us et coutumes Warega est toute limitĂ©e : il n’a fait Ă  ce sujet que bien peu d’efforts pour se les assimiler et cette indiffĂ©rence aux affaires du pays provoque du reste maintes erreurs de sa part
 Â»[107]  

         Ensuite, il faut noter un certain relĂąchement de la moralitĂ© de la part de Mopipi. Les Bakisi racontent que lorsqu’il inspectait un village, la premiĂšre chose qu’il demandait c’était la boisson : l’alcool (lutuku), la nourriture Ă©tait accessoire et parfois il passait des journĂ©es entiĂšres sans manger.

MĂȘme en plein conseil de notables, il se retirait chez lui pour boire un verre de lutuku puis regagnait l’assemblĂ©e pour continuer les discutions. Bien entendu, cette passion de boire n’était de nature Ă  favoriser l’exercice normal et lĂ©gal du pouvoir. « Quant Ă  sa tenue morale, tout le monde sait que Mopipi reste ivrogne. Il est ravitaillĂ© en alcool (lutuku) par divers fournisseurs. L’un d’eux dit que Mopipi lui a dĂ©clarĂ© qu’il ne courrait aucun risque avec les autoritĂ©s puisqu’il Ă©tait son fournisseur Ă  lui, grand chef Mopipi. Â»[108]

         L’autre facteur qui explique la dĂ©faillance de Mopipi II dans l’exercice de ses fonctions c’est l’emprise du bwami. Nous avons dĂ©jĂ  dit que les bami, surtout les hauts dignitaires (Yananio et Kindi) se sont substituĂ© Ă  l’autoritĂ© politique. Ils prennent des dĂ©cisions irrĂ©vocables. L’arme habituelle qu’ils censĂ©s posseder et qui terrorise la population est la sorcellerie. Ainsi, pendant certaines pĂ©riode de l’annĂ©e, au moment oĂč se dĂ©roule le mpala ou cĂ©rĂ©monie d’initiation au bwami, les villageois (adeptes et profanes) cessent toutes les activitĂ©s et admirent, contemplent les danses exhibĂ©es par les bami. MĂȘme les cultures obligatoires de l’administration coloniale ne sont pas exĂ©cutĂ©es pendant le mpala. Les autoritĂ©s coloniales, ignorant la coutume du peuple s’en prenaient Ă  Mopipi et le pĂ©nalisaient, le traitant de nĂ©gligeant. C’est ainsi qu’au mois de mai 1935, le C.D.D. du Maniema a infligĂ© au chef Mopipi une peine disciplinaire d’un mois de privation de traitement pour avoir manquĂ© Ă  ses devoirs de chef en nĂ©gligeant d’exĂ©cuter les ordres qui lui avaient Ă©tĂ© donnĂ©s, notamment : contrĂŽle de l’exĂ©cution des travaux agricoles et autres prescrits aux chefferies.[109]

         D’autre part Mopipi n’osait pas arrĂȘter ou emprisonner les hauts dignitaires bami qui ne payaient pas d’impĂŽts craignant leur vengeance.

Il convient de mentionner qu’à cette Ă©poque Mopipi n’était pas encore initiĂ© au bwami et que ses prises de positions en matiĂšre coutumiĂšre lui Ă©taient gĂ©nĂ©ralement dictĂ©es par son entourage dont certains membres occupaient de hauts grades dans la hiĂ©rarchie du bwami. Parfois, craignant les consĂ©quences fĂącheuses qui pourraient lui arriver, Mopipi refusait de percevoir l’impĂŽt payĂ© par les hauts dignitaires bami. Ainsi, le 29/09/1943, Mopipi a Ă©tĂ© privĂ© de trois mois de traitement pour avoir renvoyĂ© les contributions qui lui portaient l’impĂŽt sans percevoir celui-ci.[110]

         Les populations kisi n’ont vu en Mopipi et en ses collaborateurs que des bourreaux, des dominateurs soutenus par les Blancs qui se sont substituĂ©s aux Arabes. Elles avaient envers eux crainte et mĂ©fiance Ă  la fois, crainte d’ĂȘtre relĂ©guĂ©es ou emprisonnĂ©es, et mĂ©fiance envers l’exercice abusif de leur pouvoir.

Le moindre prestige dont Mopipi jouissait encore dans sa chefferie provenait de la grandeur, du mérite et de la dignité de son pÚre.

         Quant Ă  l’administration coloniale, elle a considĂ©rĂ© Mopipi II comme un saboteur qui dĂ©molissait toute son Ɠuvre et qui transgressait ses ordres. Le seul projet de l’administration coloniale que Mopipi a pu mener Ă  bien est le glissement des populations kisi vers la rĂ©gion de Kasese.

De quoi s’agit-il ?   

Kasese est une collectivitĂ© situĂ©e actuellement dans la Zone de Punia mais qui a des frontiĂšres communes avec la Zone de Shabunda. HabitĂ© par les Bakwame (voisins des Bakyunga-Bakisi) qui sont relativement peu nombreux, Kasese s’est rĂ©vĂ©lĂ© aprĂšs prospections miniĂšres une rĂ©gion riche en minerais de cassitĂ©rite. Trois compagnies miniĂšres s’y sont implantĂ©es.

Il s’agit de :

  • La SYMETAIN
  • La COBEIMIN
  • Le C.N.K.I.

Mais, comme les problĂšmes de main d’Ɠuvre et de ravitaillement en vivres se posaient avec acuitĂ©, l’on proposa deux possibilitĂ©s :

  • CrĂ©ation des fermes ou
  • Transplantation des populations.

Finalement l’on adopta la derniĂšre solution. L’administration coloniale saisie de la question procĂ©da au recrutement de 5000 travailleurs chez les Bakisi, Bamuzimu et Bakabango par le truchement de leurs chefs coutumiers respectifs : Mopipi, Longangi et Mopipi II (de 1942 Ă  1945).

Ces derniers avaient comme tache de sensibiliser leurs populations ou plutĂŽt les convaincre Ă  accepter l’offre de l’administration coloniale. Pour ce faire, ils promettaient monts et merveilles notamment la possibilitĂ© de s’enrichir rapidement, de se procurer phonos, chaussures moyennant vente de vivre, etc.

         Une fois arrivĂ©s Ă  Kasese, les transplantĂ©s ont Ă©tĂ© déçus, et,  s’ils n’ont pas pu retourner dans leurs rĂ©gions natales c’est parce qu’ils Ă©taient contraints Ă  Ɠuvrer dans des mines de cassitĂ©rites.

         La consĂ©quence logique de la conduite de Mopipi II fut sa destitution suivie de sa relĂ©gation Ă  Elisabethville le 17/09/1947. Avant d’atteindre cette ville, Mopipi a passĂ© un sĂ©jour en qualitĂ© de prisonnier successivement Ă  Masisi et Ă  Lusambo. Ainsi la destitution de Mopipi a mis fin passagĂšrement au systĂšme de chefferie chez les Bakisi. Un nouveau systĂšme a vu le jour. Il s’     agit de celui de secteur. C’est cela qui constituera l’objet du paragraphe suivant.

  • Le secteur des Bakisi sous l’administration de KYALALA AndrĂ© (1947 – 1960)
  • Notion du secteur.

DĂ©finir comme Ă©tant « une entitĂ© ou une circonscription administrative formĂ©e par la rĂ©union des groupements traditionnels numĂ©riquement trop faibles pour se dĂ©velopper harmonieusement dans tous les domaines Â»[111], le systĂšme de secteur semble conforme et adaptĂ© aux mentalitĂ©s et aux structures sociopolitiques des Bakisi et des Balega en gĂ©nĂ©ral. En effet, dans un secteur, le pouvoir est dĂ©centralisĂ© et les diffĂ©rents groupements qui le composent jouissent d’une large autonomie.

Le seul inconvĂ©nient est que la nomination du chef de secteur transcende les institutions coutumiĂšres. Elle Ă©mane des autoritĂ©s politico-administratives de l’Etat et ne reflĂšte pas toujours la volontĂ© des administrĂ©s. Il aurait Ă©tĂ© « trop commode, dit MOELLER que l’organisation d’un secteur se bornait Ă  rĂ©unir les chefs, souvent dĂ©jĂ  nantis d’une investiture plus au moins lĂ©gitime, Ă  dĂ©cider que l’un d’eux aura juridiction sur les autres, Ă  dĂ©pouiller ceux-ci des insignes qu’ils ont portĂ©s, des avantages dont ils ont bĂ©nĂ©ficiĂ©, pour les rĂ©server Ă  un chef choisi. Le chef ainsi dĂ©signĂ© sans prĂ©paration, sans ascendant, se heurte Ă  l’hospitalitĂ© dĂ©clarĂ©e ou sournoise des chefs naturels des communautĂ©s incorporĂ©es dans le secteur. Â»[112]

  • Administration de Kyalala.[113]
  • AvĂšnement de Kyalala

Fils de Katumbi, ancien munyampala (chef investi par les Arabes) et notable du groupement Bakyunga. Kyalala a Ă©tĂ© nommĂ© chef du groupement Bakwame par l’administration coloniale compte tenu du grand nombre de transplantĂ©s kisi dans la rĂ©gion de Kasese vers 1945.

         Apres la dĂ©chĂ©ance suivie de la colonisation et de la relĂ©gation de Mopipi II en 1946, il s’est posĂ© le problĂšme de succession. On a tentĂ© de confier la direction des Bakisi Ă  l’un des petits frĂšres de Mopipi II, Bitingo et Matalatala encore mineur pour perpĂ©tuer ainsi le systĂšme de chefferie mais en vain. L’administration coloniale avait opposĂ© son vĂ©to et Ă©tait dĂ©sireuse de mettra fin au rĂšgne de la dynastie Mopipi. C’est la raison pour laquelle fut crĂ©Ă© en 1946 le secteur des Bakisi dont le premier et l’unique chef d’ailleurs est le nommĂ© Kyalala AndrĂ©. Jusqu’en 1960 Kyalala dirigea le secteur des Bakisi tant bien que mal.

Au retour de Mopipi II en 1960, Kyalala dĂ©missionna lĂ©galement et Ɠuvra dans le rĂ©gime, le nouveau rĂ©gime Mopipi II en qualitĂ© de prĂ©sident du CollĂšge permanent[114] jusqu’en 1964. Depuis lors, il dirige un des courants opposĂ©s Ă  la dynastie Mopipi.

  • RĂ©alisations

Depuis son entrĂ©e en fonction jusqu’à sa dĂ©mission volontaire en 1960, Kyalala s’est montrĂ© travailleur loyal et fidele serviteur de l’administration coloniale.

Son avĂšnement au pouvoir a coĂŻncidĂ© avec l’annexion de trois autres groupements portant ainsi le nombre de groupements des Bakisi Ă  sept. Il s’agit de (avec les diffĂ©rents notables qui se sont succĂ©dĂ©s) :

  • Bamuguba/Nord : Mukulumania, Ngombe, Kekambezi
  • Bamuguba/Sud : Kiziba, Laisi, Kiluwe, Laisi
  • Baliga : Omali Simbo, Kamabeza, Amuli, Mubake
  • Bakyunga :Songo, Katumbi, Sadiki, Falahani, Bizambila
  • Bangoma : Kandenga, Kisumba, Monga Alimasi
  • Beygala : Kingombe, Shabani Miseka
  • Bagabo : Kakuli, Bendera, Mwelwa, Kasa[115]

Il a mis convenablement en exĂ©cution les cultures imposes de palmier Ă©lias Ă  l’Ouest de Shabunda qui, rappelons le, est un pays plat.

La population de cette partie de Shabunda lui reste reconnaissante à ce propos. En effet, l’Ouest de la Zone de Shabunda, dans les quatre groupements de Bagabo, Beygala, Bangoma et Bakyunga, l’huile de palme ne pose pas de problùme. Le prix d’une bouteille d’huile de 75 cl. Revient à 20 makuta.

Quant Ă  la partie orientale (pays de plateau dit de montagne) les cultures obligatoires de cafĂ©ier n’ont pas Ă©tĂ© rentables.

         Dans le domaine social, dispensaires, Ă©cole primaires, un athĂ©nĂ©e interracial, une Ă©cole normale pour garçons, une Ă©cole normale pour filles ont Ă©tĂ© construits. A cela, il faut ajouter la constriction d’un SANATORIUM Ă  cinquante lit par CEMUBAC en 1952 et la construction d’un hĂŽpital gĂ©nĂ©ral de Shabunda qui n’a rien Ă  envier Ă  celui de Bukavu.

         Quant au logement, les autochtones de la partie occidentale du territoire ou plutĂŽt de la collectivitĂ© des Bakisi ont bĂ©nĂ©ficiĂ© des prĂȘts de tĂŽles et briques pour la construction de leurs maisons.

         Bref, l’administration des Bakisi Ă  l’époque de Kyalala a Ă©tĂ© dans l’ensemble stable Ă  cause de l’accalmie relative des annĂ©es 50. Et, les rĂ©alisations socio-Ă©conomiques Ă©numĂ©rĂ©es ci-haut ont Ă©tĂ© rendues possibles grĂące Ă  la relance et Ă  l’essor des investissements au Congo Belge aprĂšs la seconde guerre mondiale. Enfin, pour ses trĂšs bons et loyaux services, Kyalala AndrĂ© a obtenu la carte de mĂ©rite civique en 1958.[116]

  • Reproches

Si l’Ɠuvre de Kyalala prĂ©sente dans l’ensemble un bilan positif, elle n’a Ă©tĂ© profitable que pour une partie de la population. Kyalala, pour ses rĂ©alisations, a nĂ©gligĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment la partie Est, constituĂ©e des groupements Bamuguba/Sud, de Mopipi II. Il s’est ainsi attirĂ© l’inimitiĂ© de ses trois groupements qui, pourtant, sont numĂ©riquement plus importants que les quatre autres.

Voyons ce que KILUWE Ă©crit Ă  ce sujet : « Pendant l’exercice de ses fonctions, le chef Kyalala voyant que les Banabanga lui refusait toute collaboration, cependant du cotĂ© de ceux de l’Ouest qui lui tĂ©moignĂšrent leur collaboration et dĂ©laissa ainsi les habitants des groupements Bamuguba/Sud et Nord. Â»[117]

         Autant que Mopipi II, il s’y connaissait trĂšs peu en matiĂšre de coutume. Son autoritĂ© Ă©tait boudĂ©e et pour l’asseoir il a usĂ© abusivement du pouvoir judiciaire.

« Le plus dĂ©plorable c’est que le tribunal Ă©tait chaque fois prĂ©sidĂ© par le chef de secteur des Bakisi qui semble devoir supplĂ©er Ă  son manque d’autoritĂ© et de prestige par un emploi abusif de l’appareil judiciaire
 l’intervention du chef de secteur m’a paru malheureuse, ce chef prit des lois et de tribunaux. Â»[118]

         Les membres du collĂšge permanent des Bakisi Ă©taient exclusivement et entiĂšrement composĂ©s des Bakisi de l’Ouest. Kyalala Ă©tait ainsi animĂ© d’un esprit de clanisme et de rĂ©gionalisme qui lui sera nĂ©faste au terme du referendum de 1959 entre lui et Mopipi II. Les vieux Bami kisi accusent faussement Kyalala d’avoir conditionnĂ© l’administration coloniale Ă  supprimer la pratique du bwami en 1948.

L’application de cette dĂ©cision coloniale fut plus effective Ă  Shabunda et Mwenga qu’à Pangi. « â€Š le bwami fut interdit par l’administration coloniale en 1948 mais cette mesure fut appliquĂ©e Ă  Pangi d’une façon plus libĂ©rale qu’à Mwenga et Shabunda. A Pangi, les rĂ©unions des Bami continuĂšrent Ă  ĂȘtre tolĂ©rĂ©es pourvu qu’elles soient discrĂštes, tandis qu’à Shabunda et Mwenga l’ordonnance d’interdiction fut strictement appliquĂ©e. Â»[119]

Deux faits semblent expliquer la suppression de la pratique du bwami en 1948. D’une part les cultures obligatoires et les travaux forcĂ©s se trouvaient souvent freinĂ©s par la pratique du bwami, d’autre part les missionnaires catholiques voyaient en cette association secrĂšte un handicap sĂ©rieux au prosĂ©lytisme religieux. Enfin, Kyalala s’est servi lui aussi de la relĂ©gation pour Ă©carter les opposants Ă  son rĂ©gime.

         En guise de conclusion nous pouvons dires que le rĂ©gime Kyalala a connus une Ăšre de stabilitĂ© et de prospĂ©ritĂ© du point de vue des rĂ©alisations socio-Ă©conomiques. Mais, seule une partie de la population a bĂ©nĂ©ficiĂ© de ces acquis. Les hommes de l’Est Ă©taient soupçonnĂ©s partisantes de Mopipi II relĂ©guĂ© et par le fait mĂȘme privĂ© des rĂ©alisations du chef de secteur. L’interdiction du bwami en 1948 a amplifiĂ© l’opposition qui existait entre Kyalala et les Bami. Ces derniers ont influencĂ© les jeunes et les profanes Ă  cultiver la haine de Kyalala. Ce sentiment s’extĂ©riorisera au referendum de 1959 qui se termina par la victoire de Mopipi II libĂ©rĂ©. Ainsi, le systĂšme de secteur disparut tandis que les Bakisi furent de nouveau organisĂ©s en chefferie.

CHAPITRE V : EXERCICE DU POUVOIR APRES L’INDEPENDANCE

SECTION I : RETOUR DU CHEF MOPIPI II ET REPARTITION DE LA CHEFFERIE

Vers la fin du rĂ©gime colonial (en 1959), une amnistie gĂ©nĂ©rale fut proclamĂ©e Ă  l’endroit de ceux des relĂ©guĂ©s politiques et religieux qui Ă©taient rĂ©clamĂ©s par les leurs. En ce qui concerne Mopipi II, il rentra Ă  Shabunda en octobre 1959. Sa libĂ©ration et son retour furent sollicitĂ©s aux autoritĂ©s coloniales par la masse des groupements Bamuguba/Nord, Bamuguba/Sud et Baliga et par les jeunes intellectuels kisi qui vivaient dans les centres urbains. Parmi ceux-ci Kiluwe joua un rĂŽle considĂ©rable.[120]

         Les autoritĂ©s coloniales ne voulaient plus confier la direction des Bakisi Ă  Mopipi II compte tenu de son passĂ© noir mais devant la dĂ©ception des trois groupements citĂ©s ci-haut par le rĂ©gime Kyalala et devant l’enthousiasme de tous les bami kisi de voir Mopipi II reconduire la tĂȘte des Bakisi, un referendum fut organisĂ©. Les rĂ©sultats furent de plus favorables Ă  Mopipi II. Il faut noter que les bami, lesquels ont une emprise considĂ©rable sur le reste de la population, nourrissaient l’idĂ©e que la reconduction de Mopipi II Ă  la tĂȘte des Bakisi signifierait la reprise de la pratique bu bwami. D’ailleurs, une fois investi en avril 1960, Mopipi II s’est fait initiĂ© au bwami. Il a payĂ© une quantitĂ© considĂ©rable des biens et s’est fait couronnĂ© directement kindi en sautant les grades intermĂ©diaires. Ce geste n’est pas coutumier, mais c’était une façon de remercier Mopipi II d’avoir rĂ©introduit le bwami chez les Bakisi.

         Le systĂšme de secteur tomba avec la dĂ©faite de Kyalala aux Ă©lections de 1959, tandis que rĂ©apparaissait le systĂšme de chefferie. La succession des rĂ©gimes chez les Bakisi est rĂ©sumĂ©e par le rapport suivant :

« En 1928, les Bakisi furent organisĂ©s en chefferie et eurent comme chef le Grand Mopipi qui mourut le 05 mai 1930. Son fils Mopipi Paul Mulongeki lui succĂ©da.

         Faute de successeur au dĂ©part de celui-ci en 1945, la chefferie fut constituĂ©e en secteur des Bakisi par arrĂȘtĂ© n°21/111 du gouverneur de province en date du 14 aoĂ»t 1946.

         Les groupements de Bakwame et Bakondjo ayant Ă©tĂ© rattachĂ©s respectivement aux territoires de Lubutu et de Walikale, vu leurs affinitĂ©s avec les Babira et avec les Bakano, le secteur des Bakisi fut l’objet de ma dĂ©cision n°191 du 24 septembre 1959.

         Le retour de Mopipi Paul rend aux Bakisi la personne la plus qualifiĂ©e selon la coutume pour exercer les fonctions de chef de la chefferie ; c’est le vƓu qui fut exprimĂ© lors de la rĂ©union du 20 mai 1960 Ă  Shabunda, vƓu qu’entrainant le collĂšge exĂ©cutif provincial en sa sĂ©ance du 30 mai 1960.

         Il convient donc de constituer Ă  nouveau les Bakisi en chefferie, comme ils le furent de 1928 Ă  1946. Â»[121]

         A partit de ce moment, on commença Ă  designer Mopipi par le titre du « Mwami des Bakisi Â». Certes, cette appellation provenait de son appartenance Ă  la hiĂ©rarchie sociale du bwami mais aussi ce titre revĂȘtait dĂ©sormais un caractĂšre politique. L’appellation Mwami des Bakisi distinguait dorĂ©navant Mopipi II des chefs de groupements.

Cette appellation, Mopipi II l’a adoptĂ© en imitant le mwami Kabare des Bashi qui, lui, a Ă©tĂ© relĂ©guĂ© Ă  LĂ©opoldville et amnistiĂ© au mĂȘme moment que lui.

         En ce qui concerne Kyalala, Mopipi II ne l’a pas totalement Ă©cartĂ© de la chose publique. Il a maintenu le collĂšge permanent datant du rĂšgne de Kyalala et a confiĂ© sa direction Ă  celui-ci. Le mandat de son collĂšge a pris fin en 1964 et n’a pas pu ĂȘtre renouvelĂ©. Afin de cumuler les fonctions de chef du collĂšge permanent, Mopipi II fit appel Ă  son petit frĂšre Matalatala qui travaillait alors au service des impĂŽts Ă  Elisabethville. Il lui dĂ©lĂ©gua une partie de son pouvoir.

Matalatala en profita pour s’attribuer la quasi-totalitĂ© des fonctions de la chefferie : premier membre du collĂšge permanent, secrĂ©taire et receveur de la chefferie, etc.[122]

Il s’en suivit une dĂ©sorganisation totale de l’appareil financier de la chefferie. Les gens rĂ©guliĂšrement rĂ©munĂ©rĂ©s ne l’étaient plus tandis qu’il dilapidait d’énormes sommes d’argent Ă  des fins qui l’intĂ©ressaient personnellement.[123]

         Quant Ă  Mopipi II, se fiant Ă  son petit frĂšre, Ă  qui il avait laissĂ© le soin d’administrer la chefferie, il s’occupait, lui des cĂ©rĂ©monies d’initiation au bwami.

Son but Ă©tait de renforcer son pouvoir en le lĂ©gitimant dans la coutume par l’initiation au bwami et l’adoption du titre mwami comme au Bushi avec espoir de consolider l’institution et de le sĂ©parer de l’administration pure d’origine europĂ©enne confiĂ©e Ă  un fonctionnaire en l’occurrence son frĂšre.

SECTION II : OPPOSITION DES QUATRES GROUPEMENTS

         Il s’agit d’une tentative des groupements Bakyunga, Bangoma, Beygala et Bagabo de se dĂ©tacher de la chefferie des Bakisi pour former le « Secteur Malinga Â». Elle remonte Ă  la reinvestiture de Mopipi II en 1960. Pendant le rĂšgne de Kyalala, les diffĂ©rents groupements gĂ©raient indĂ©pendamment leurs affaires mais avec le retour de Mopipi II au pouvoir on a tout dĂ©centralisĂ©. Cette recentralisation administrative a privĂ© les diffĂ©rents chefs de groupements de leurs avantages d’atan.

         L’élimination politique de Kyalala en 1964 a mis l’huile dans le feu. Depuis, l’opposition des « Quatre groupements Â» Ă  Mopipi II s’est cristallisĂ©e. Les Quatre groupements ont manifestĂ© leur dĂ©sir de se rattacher Ă  la province du Maniema oĂč le systĂšme de secteur est gĂ©nĂ©ralement appliquĂ© tandis que les trois autres groupements ont voulu se rallier Ă  la province du Kivu central oĂč le systĂšme de chefferie est en vigueur.

         Cette controverse politique aboutit Ă  la dĂ©claration de Shabunda « RĂ©gion contestĂ©e Â» en 1963. En effet, l’unique dĂ©putĂ© national du territoire de Shabunda, François Bitingo apposa sa signature Ă  LĂ©opoldville dans un premier temps faveur du rattachement de Shabunda Ă  la province du Maniema, mais, informĂ© tardivement de la prise de position des dĂ©putĂ©s provinciaux originaires de Shabunda pour le rattachement de leur territoire Ă  la province du Kivu-central, Bitingo tenta en vain de retirer sa signature. C’est la raison pour laquelle Shabunda fut dĂ©clarĂ© RĂ©gion ou territoire contestĂ© (c’est-Ă -dire ne dĂ©pendait ni de la province du Maniema ni de la province du Kivu-central mais relĂšverait directement du gouvernement central) et soumis au referendum.[124]

         Le gouvernement central y dĂ©pĂȘcha un administrateur spĂ©cial en la personne de IKANGA Victor pour redresser la situation est prĂ©parer le referendum libre et dĂ©mocratique.

Mais celui-ci se laissa corrompre par la famille Mopipi et en profita pour amasser des richesses. Voyons ce que KILUWE relate Ă  ce sujet : Â« Celui-ci Ikanga Victor trouve cette situation dĂ©sorganisĂ©e dans la collectivitĂ© locale des Bakisi, au lieu de redresser comme c’était son devoir, il appuya ces bĂȘtises, ayant reçu en cadeau une fille de Mopipi Paul et des sommes Ă©normes d’argent. Â»[125]

Ikanga Victor a donc failli Ă  sa mission. Il faudra attendre 1965 pour que le referendum ait lieu et pour que la population vote en faveur du rattachement de Shabunda au Kivu-central.[126] Jusqu’à prĂ©sent, l’opposition des « Quatre groupements Â» demeure vivace. Ils saisissent toutes les occasions pour revendiquer leur droit Ă  l’autonomie et pour incriminer la famille Mopipi.

SECTION III : TENTATIVE DE SCISSION DES GROUPEMENTS KIBAMBALIGA

         Cette tentative est d’une importance non nĂ©gligeable car pendant plusieurs annĂ©es elle a secouĂ© toute la collectivitĂ© des Bakisi et a mis en pĂ©ril l’autoritĂ© de Mopipi. L’artisan de ce courant sĂ©paratiste est KILUWE Muzenze.

  1. Vie de KILUWE Muzenze.

Fils de Muzenze Samugusu Mwibya et de Waminya Mwepa, Kiluwe est né vers les années 1932 à Mulanga dans la Zone de Shabunda.

Il a fait ses Ă©tudes primaires Ă  Mungombe, ses Ă©tudes secondaires (Ă©cole des moniteurs) Ă  Shabunda. En outre, il a frĂ©quentĂ© les cours de perfectionnement Ă  Bukavu pendant trois ans. Ses annĂ©es d’études mises ensemble correspondant en gros aux humanitĂ©s commerciales complĂštes.

         Tour Ă  tour commis-magasinier Ă  la SociĂ©tĂ© COBEIMIN/Kasese (1952 – 1954), commis dactylographe Ă  la REGIDESO-Bukavu (1954 – 1958), puis au SecrĂ©tariat de la ville de Bukavu (1959).

         Lors de l’accession de notre pays Ă  l’indĂ©pendance le 30 juin 1960, il exercera les fonctions de chef de poste Ă  Mushekere, l’Administrateur territorial assistant principal Ă  Shabunda (1962) puis Ă  Mwenga (1953).

         A partir de 1964, il abandonne la carriĂšre administrative et se lance dans la politique. Il assurera durant cette annĂ©e les fonctions de SecrĂ©taire de Cabinet dans le ministĂšre des affaires sociales puis dans celui de la fonction publique de la province du Kivu-central.

         En 1965, il est Ă©lu chef de groupement coutumier des Bamuguba/Sud. Il exercera ses fonctions jusqu’en 1971.

         A l’heure qu’il est, Kiluwe Muzenze est dactylographe Ă  l’UNAZA-ISP/Bukavu.

  • Processus de l’avĂšnement au pouvoir de Kiluwe Muzenze Ă  la tĂȘte des Bamuguba/Sud.

Jusqu’en avril 1965, Shabunda demeurait toujours territoire contestĂ©. Les instances suprĂȘmes du pays renouvelĂšrent les Ă©lections lĂ©gislatives (Parlement et Senat) et du fait d’un statut spĂ©cial, Shabunda est une commission Ă©lectorale Ă  part. C’est au cours de ce mois que la population de Shabunda vota pour son appartenance au Kivu-central.

          Au terme des Ă©lections, Bitingo (François) fut reconduit au poste de DĂ©putĂ© national tandis que Kamakanda (Lazare), Bwidombe (Adolphe), Nyatemu (Bernard), Mongamba (GĂ©rard) et Moligi (Raymond) furent Ă©lus dĂ©putĂ©s provinciaux ; ces derniers devaient Ă  leur tour choisi les sĂ©nateurs pour l’AssemblĂ©e nationale. Kiluwe Muzenze (Venance) et Abedi (FidĂšle) posĂšrent leurs candidatures mais aucun d’eux ne fut Ă©lu. Chaque candidat obtint une voix. Les quatre autres, selon les dires de Kiluwe, ayant Ă©tĂ© vendues.[127]

         Lorsque Boji (DieudonnĂ©) est Ă©lu gouverneur de province, il demande Ă  chaque territoire de prĂ©senter un candidat ministre. Mais, les dĂ©putĂ©s de Shabunda ne prĂ©sentĂšrent pas des candidats alors que Kiluwe Ă©tait disposĂ©.[128]

         Devant ces dĂ©faites successives, Kiluwe se rendis compte que ses collĂšgues politiques et frĂšres de Shabunda (de la famille Mopipi surtout) ne voulaient pas de lui. D’ailleurs lors des Ă©lections lĂ©gislatives, les bulletins de Kigulube, son fief Ă©lectoral, ne furent pas dĂ©pouillĂ©s. En effet, pendant qu’on votait Ă  Kigulube le 29/04/1965, la commission Ă©lectorale de Shabunda publiait dĂ©jĂ  les rĂ©sultats de vote prĂ©textant se  rĂ©fĂ©rer au mot d’ordre du chef de l’Etat de l’époque. En rĂ©alitĂ© la communication du chef de l’Etat consistait en ceci : ne plus organiser les Ă©lections non encore dĂ©butĂ©es avant le 30 avril 1965.[129] C’est la raison pour laquelle il se tourna vers la politique coutumiĂšre en vue de se venger contre ses collĂšgues politiques issus en grande partie de la famille Mopipi.

         Il se mit Ă  contester l’autoritĂ© du vieux chef de groupement Bamuguba/Sud, Laisi Kamakangi, ancien serviteur de Mopipi I puis de Mopipi II, placĂ© Ă  la tĂȘte du groupement Bamuguba/Sud pour le rĂ©compenser des services culinaires rendus Ă  la famille Mopipi.

Non seulement Laisi Ă©tait instrument de la domination de la dynastie Mopipi sur les Bamuguba/Sud mais aussi Kiluwe lui reprochait la fainĂ©antise. En effet, depuis son investiture, Laisi n’avait rien rĂ©alisĂ© chez les Bamuguba/Sud. Kiluwe proposait donc de le remplacer. Il lĂ©gitimait ses revendications en affirmant son appartenance au clan Kingamba, un des grands clans influents de l’époque prĂ©coloniale sur une bonne partie des Bamuguba/Sud. Il proposait une fois Ă©lu, la scission de la chefferie des Bakisi en deux puisque trop vaste pour ĂȘtre dirigĂ©e par une seule personne. Voyons ce qu’il Ă©crit Ă  ce propos : « le secteur ou chefferie des Bakisi est trĂšs Ă©tendu, peut atteindre une distance d’environ 400 kms x 400 =1 600 KmÂČ, ainsi, le chef actuel Ă©tant trop vieux et ne voulant pas dĂ©lĂ©guer une partie de son pouvoir Ă  quelqu’un capable de contrĂŽler toute l’entitĂ©, le pays n’a personne pour s’occuper de son administration et tout est paralysé  il existait avant l’indĂ©pendance un projet de crĂ©ation d’un territoire Ă  Kigulube qui rĂ©unirait notre groupement et celui de nos voisins les Baliga avec lesquels nous avions toujours collaborĂ© indĂ©pendamment avant la suppression de nos entitĂ©s incorporĂ©es dans le Secteur des Bakisi. Â»[130]

         Saisies de ces dolĂ©ances, les autoritĂ©s provinciales dĂ©cidĂšrent de lever l’équivoque. Le gouverneur Boji chargea son ministre des affaires intĂ©rieures, NDUME (Laurent), d’enquĂȘter sur les diffĂ©rends Kiluwe – Laisi, d’organiser, le cas Ă©chĂ©ant, les Ă©lections entre les deux hommes et de veiller personnellement au dĂ©roulement de ces Ă©lections. Ce qui fut fait. Kiluwe l’emporta sur Laisi avec 697 voix contre 517.

         La mĂȘme commission organisa les Ă©lections dans le groupement des Baliga entre Mubake (Julien) et Kamabeza Amuli. Le premier a Ă©tĂ© Ă©cartĂ© du pouvoir par Mopipi II en 1963 et remplacĂ© par le second. Mubake sortit victorieux de ces Ă©lections.

Les rĂ©sultats des Ă©lections devaient ĂȘtre soumis Ă  l’approbation du Conseil des Bakisi selon les instructions des autoritĂ©s provinciales.

En date du 17/08/1966, Kiluwe fut confirmé Chef du groupement Bamuguba/Sud.[131]

  • Exercice du pouvoir par Kiluwe chez les Bamuguba/Sud (1965 – 1971).

Une fois confirmĂ© dans ses fonctions de grand notable des Bamuguba/Sud, par le conseil des Bakisi, une campagne de dĂ©nigrement fut entamĂ©e contre Kiluwe par mwami Mopipi. Ce dernier avait d’autant plus peur de Kiluwe qui Ă©tait le seul lettrĂ© au vrai sens du mot de tous les chefs de groupements kisi. Il craignait que tĂŽt ou tard Kiluwe ne porte atteinte Ă  son autoritĂ©. D’ailleurs, Kiluwe Ă©tait ou plutĂŽt se voulait l’incarnation de la nouveautĂ© et du progrĂšs. En plein conseil des Bakisi, tenu le 18/08/1966, le chef Kiluwe fit allusion au problĂšme de payement des chefs de groupements qui, depuis l’accession du pays Ă  l’indĂ©pendance, n’étaient plus rĂ©munĂ©rĂ©s.

On dĂ©cida que, dorĂ©navant, les chefs de groupements seraient rĂ©munĂ©rĂ©s mensuellement selon le nombre d’habitants de leurs ressorts respectifs.[132]

         En outre, Kiluwe appliqua de façon stricte la dĂ©cision des autoritĂ©s provinciales supprimant pour la seconde fois la pratique du bwami dans le territoire de Shabunda.[133]

Il mena Ă©galement une lutte sans merci contre

  • Le paratisme qui devenait une mode en interdisant la prise de repas en commun au barza chez les Bamuguba/Sud et
  • La dĂ©linquance juvĂ©nile en punissant sĂ©vĂšrement les prostituĂ©s et les fumeurs de chanvre.

Sur le plan Ă©conomique, il encouragea l’agriculture, et, pour Ă©couler les vivres des paysans il signa une convention avec la sociĂ©tĂ© miniĂšre Kivu-mines opĂ©rant Ă  Kigulube (dans la Zone de Shabunda). D’autre part, il dĂ©crĂ©ta la mobilisation des paysans Ă  la rĂ©flexion des routes d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et privĂ© en collaboration avec la Kivu-mines. Cette derniĂšre fournissait aux populations de Kiluwe des pioches, bĂȘches, machettes, brouettes,


         Dans le domaine social, il rendit possible l’accĂšs quasi-gratuit des populations aux dispensaires de la Kivu-mines. Il rĂ©glementa le commerce en fixant et en luttant contre la hausse des prix.

         Comme on le voit, le programme de redressement de Kiluwe Ă©tait trĂšs chargĂ© ; une collaboration franche et sincĂšre avec ses supĂ©rieurs s’avĂ©rait nĂ©cessaire pour le mettre en exĂ©cution. Ce qui ne fut pas le cas. En effet, des complots visant Ă  son Ă©limination physique, des accusations portĂ©es contre lui devant les autoritĂ©s et au Tribunal de 1Ăšre Instance de Bukavu n’étaient pas de nature Ă  lui permettre d’administrer convenablement son groupement.

         Apres ces tentatives vaines d’élimination politique de Kiluwe, les partisantes de Laisi et partant de Mopipi se livrĂšrent au sabotage de l’autoritĂ© de Kiluwe, en interdisant aux paysans de payer l’impĂŽt aux percepteurs de Kiluwe, en invitant la population Ă  l’insoumission total au nouveau chef. D’autre part, les populations fideles Ă  Kiluwe dĂ©sobĂ©issaient aux ordres qui Ă©manaient de Shabunda.

En vue de faire rĂ©intĂ©grer les villages partisans de Kiluwe Ă  la juridiction effective de Shabunda, le chef de poste de Kigulube, Mbulanga (Bernardin), se rendit au village natal de Kiluwe, Mulanga. Mais, devant le refus des partisans de Kiluwe de se soumettre Ă  l’autoritĂ© administrative de Shabunda et devant leur tentative de se rebeller, une fusillade Ă©clata Ă  Mulanga. Elle se termina par la mort d’une personne et de plusieurs autres griĂšvement blessĂ©es.

         Les Bamuguba/Sud ont connu une pĂ©riode trĂšs critique pendant l’administration Kiluwe caractĂ©risĂ©e par l’abandon de villages le long des routes et la fuite dans la foret, les famines, etc. Et tous ces malheurs Ă©taient attribuĂ© Ă  l’avĂšnement de Kiluwe au pouvoir.

         Il convient aussi de noter au dĂ©savantage de Kiluwe la rigiditĂ© de son administration Ă  une Ă©poque oĂč il avait intĂ©rĂȘt Ă  faire montre de beaucoup de souplesse. Il torturait, pour se venger, les partisans de Mopipi qui lui tombaient sous les mains et restaura l’emploi des matraques. L’usage de matraques Ă©voquait pour les payants un mauvais souvenir : la pĂ©riode coloniale. En outre, il s’attacha trop aux jeunes et sous-estima le rĂŽle des vieux, surtout des bami. Il sembla oublier que les jeunes sont gĂ©nĂ©ralement mallĂ©ables et qu’ils se laissent entrainer par tous les vents.

         Le grand Ă©vĂ©nement qui porta un coup dur au rĂ©gime Kiluwe reste la suppression du bwami. Curieusement, quelques mois avant l’avĂšnement de Kiluwe au pouvoir chez les Bamuguba/Sud, le bwami fut supprimĂ© pour le seconde fois sur toute l’étendue de Shabunda comme je l’ai dĂ©jĂ  dit. Les Bakisi et le Bamuguba/Sud en particulier accusĂšrent Kiluwe d’avoir Ă©tĂ© Ă  l’origine de cette suppression compte tenu des relations Ă©troites qui existaient entre lui et le gouverneur Boji. Pour preuve, Kiluwe appliqua de la façon la plus stricte la mesure de suppression de la pratique du bwami.

         La coupure entre le bami et Kiluwe, latente au dĂ©part, devint totale par la suite Ă  cause des dĂ©placements de la population et des famines qui ont suivi le rĂšgne de Kiluwe. Les jeunes ne tardent pas Ă  changer de face et Ă  former avec les vieux bami une ligne qui se tourna contre Kiluwe.

         Jusqu’en 1971, Kiluwe dirigeait en droit le groupement de Bamuguba/Sud mais en fait, pendant toute cette pĂ©riode l’insĂ©curitĂ© est telle que personne ne gouvernait, personne n’obĂ©issait. Depuis le 1er mars, sur conseil de ses amis, Kiluwe se retira du pouvoir chez les Bamuguba/Sud.

         En guise de conclusion, nous pouvons affirmer que l’opposition au rĂ©gime Mopipi et partant au systĂšme de chefferie est trĂšs manifeste chez les Bakisi aprĂšs l’indĂ©pendance.

Jusqu’en 1965, Mopipi faisait face Ă  la seule hostilitĂ© des quatre groupements. Depuis 1965, un courant sĂ©paratiste, contestataire est progressivement dirigĂ© par Kiluwe a vu le jour dans le groupement des Bamuguba/Sud dont Mopipi est originaire. La rĂ©action de Mopipi a Ă©tĂ© trĂšs brutale envers ce courant car il risquait de mettre en pĂ©ril la racine mĂȘme de son autoritĂ©. A partir de janvier 1975, Mopipi a dĂ©lĂ©guĂ© une bonne partie de son pouvoir Ă  son petit frĂšre Bitingo Mopipi (François). Mais il est encore trop tĂŽt de parler de ce dernier qui a succĂ©dĂ© Ă  son frĂšre dĂ©funt depuis le 08 mai 1976.

CONCLUSION GENERALE

Nous voici au terme de ce travail intitulĂ© « histoire sociopolitique des Bakisi (Zone de Shabunda). Â»

         Nous avons commencĂ© par une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale des Balega. Le lecteur s’est rendu compte que le peuple lega et kisi en particulier, Ă  l’instar des autres bantu n’est pas originaire du territoire qu’il occupe aujourd’hui ; il est venu du Nord-est de son emplacement actuel et a connu plusieurs pĂ©ripĂ©ties avant de s’installer dĂ©finitivement.

         Si d’un point de vue politique, les Bakisi n’ont pas connu de passĂ© glorieux, sur le plan social, en revanche, les manifestations culturelles sont passionnaires. Comme le dit F. OBRECHTS, l’art lega est l’un de plus beaux de l’Afrique. « Par le caractĂšre Ă  la foi logique est impressionnant de sa stylisation, la sculpture lega est une des manifestations artistiques les plus remarquables de l’Afrique centrale. Â»[134]

Les attaques perpĂ©trĂ©es contre les bami, conservateurs de la culture lega depuis la colonisation jusqu’à ce jour, est la raison fondamentale de la disparition lente mais sure des valeurs traditionnelle lega.

         La vie sociale dans l’ensemble n’est plus en honneur ; les jeunes se dĂ©solidarisent de plu en plus du milieu traditionnel au profit du monde moderne dans lequel ils sont pourtant dĂ©racinĂ©s et mal intĂ©grĂ©s.

         L’imposition d’un chef unique Ă  tous les Bakisi par le colonisateur n’a pas eu de lendemain. DĂ©jĂ , en pleine colonisation, des contestations se sont fait jour mais ont Ă©tĂ© matĂ©es par l’administration coloniale belge.

         Apres l’indĂ©pendance, la lĂ©gitimitĂ© de la dynastie rĂ©gnante (Mopipi) chez les Bakisi a Ă©tĂ© remise en question. Les conflits politiques d’autres fois ont resurgi et les differents clans ou groupements ont revendiquĂ© et revendiquent encore leur autonomie. Chez les Bamuguba/sud, cette hostilitĂ© Ă  la dynastie Mopipi incarnĂ©e en la personne de Kiluwe Muzenze a secouĂ© la collectivitĂ© des Bakisi pendant plusieurs annĂ©es et a mis en pĂ©ril l’autoritĂ© du mwami Mopipi II.

         L’actuel chef des Bakisi, Bitingo, qui est entrĂ© en fonction en 1975, n’a pas encore fait suffisamment parler de lui. Mais Ă©tant donnĂ© qu’il est un intellectuel et un politicien chevronnĂ©, l’on ose espĂ©rer qu’il redressera la situation et qu’il Ă©vitera les erreurs de son prĂ©dĂ©cesseur en accordant une grande autonomie aux diffĂ©rentes entitĂ©s kisi et en assurant la bonne gestion de deniers publics.

         Pour terminer, nous reconnaissons que ce travail n’est pas exempt d’erreur et nous accepterons volontiers les suggestions et les critiques de nos lecteurs.

BIBLIOGRAPHIE

  1. SOURCES
  1. SOURCES ECRITES
  1. Sources d’Archives
  1. Archives officielles de la Zone de Shabunda.
  2. CORBISIER, J.F.M., – Rapport AIMO, Stanleyville, 1932

     – Rapport de sortie de charge de l’A.T. de l’Urega,    Shabunda, (Vers 1930).

  • DEKOSTER (A.T.), Rapport AIMO 1944, Shabunda.
  • DE RYCK (C.D.D.), Annexe Ă  la lettre n°2/678/AO, du 13 novembre 1945.
  • DE VILLENFAGNE de LAEN (A.T.), Chefferie Mopipi, Shabunda, 1926.
  • H. (A.T.), Renseignements politiques sur ces chefferies arabisĂ©es et licenciĂ©es de Shabunda, Shabunda, 1921.
  • JAMSIN, A., Rapport d’enquĂȘte du C.D.D. du Sud-Kivu concernant la circonscription des Bakisi, Annexe I Ă  la dĂ©cision n°87/21.02.06.19 du 1er juin 1960.
  • JOSET (A.T.), Rapport AIMO 1943, Shabunda.
  • LION (A.T.), –    Notice sur le chef Mopipi, Shabunda 1924.

  – Rapport d’enquĂȘte : chefferie Banabanga, Province Orientale, Congo-Belge, District du Kivu, Territoire de Haute-Ulindi, P.V. n°111, Shabunda, 1924.

  • MARMITE (A.T.), De la note du 18/03/1943 du C.D.D.
  • Archives privĂ©es
  • Archives de la mission catholique de Shabunda (Itemene).
  • Sources publiĂ©es
  • SOCIETE DES MISSIONNAIRES D’AFRIQUE PERES BLANCS :

Rapports annuels 1900-1935, Alger, Maison carrée.

Rapports annuels 1935-1945, Alger, Maison Carrée.

Rapports annuels 1945-1959, Alger, Maison carrée.

        B. SOURCES ORALES

LISTE DES INFORMATEURS

  Noms  Age approximatif  Date et lieu d’interviewFonction -ancienne -actuelle
KIGULUBE KIKUNI73 ans22/08/1976 Ă  Kigulube-Chef de clan -Chef de clan
KILUWE MUZENZE45 ans10/01/1977 Ă  Bukavu-Chef de groupement -Dactylographe
KYATENDA PATAULI67 ans03/08/ 1976 Ă  Kigulube-Paysan -Paysan
LUSOMBO AMULI22 ans01/10/1976 Ă  Shabunda-ElĂšve -Instituteur
NDOMBA LUSOMBO64 ans5-10/08/1976 Ă  Kigulube-Paysan -Paysan
NYAKAMANTINTI70 ans15/08/1976 Ă  Kigulube-Sous-chef de clan -Sous-chef de clan
  1. OUVRAGES ET ARTICLES DE REVUES
  1. GENERAUX
  • ANONYME, Congo-Belge et Rwanda-Urundi : Guide du voyageur, IN-FOR Congo, 4Ăšme Ă©d. 1958.
  • BALANDIER, G., L’Anthropologie politique, BibliothĂšque de Sociologie contemporaine, PUF, Paris 1969.
  • CORNET, J., Art de l’Afrique noire au pays du fleuve ZaĂŻre, Arcade, Bruxelles, MCMLXXII.
  • KI-ZERBO, J., Histoire de l’Afrique noire, Hatier, Paris, 1972.
  • MOELLER, A., Les grandes lignes des migrations des Bantous de la Province Orientale, I.R.C.B., 1936.
  • MPASE, N.M., L’évolution de la solidaritĂ© traditionnelle en milieu rural et urbain du ZaĂŻre : le cas des Ntomba et des Basengele du lac Mai-Ndombe, PUZ, Rectorat, Kinshasa, 1974.
  • MULAGO, V., Un visage africain du christianisme, PrĂ©sence africaine, Paris, 1972.
  • PARODI, J., Introduction Ă  l’ethnographie du Congo, Ed. universitaires du Congo Kinshasa-Lubumbashi-Kisangani, CRISP, Bruxelles, 1965.
  • VERHAEGEN, B., RĂ©bellion au Congo, t. 2 CRISP-Bruxelles, IRES-Kinshasa, 1969.
  • WILLAME, J.C., Les provinces du Congo, structure et fonctionnement : Kivu central et Lomami, in cahiers Economiques et Sociaux, CEP, IRES, LĂ©opoldville, n°4, 1964.
  • SPECIALISES
  • BIEBUYCK, D., – La monnaie Musanga des Balega, in ZaĂŻre, VII, 1953,                        pp. 675 – 686.

         – L’art des Balega, sa signification sociale, in Jeune Afrique, Elisabethville, 10Ăšme annĂ©e, n°25 ? 1957, pp. 15 – 17.

         – RĂ©partition et droits de pangolin chez les Balega, in ZaĂŻre, vol VII, n°99, 1953, pp. 899 – 924.

  • DEFAOUR G., – La corde Ă  symbole lega, Centre Bandari, Bukavu,                           1976.

     – Notes sur la structure, le symbolisme, la pĂ©dagogie de      l’esprit du Bwami, Association du peuple lega, Centre de Bandari, Bukavu, 1975

  • DE KUN, N., l’Art lega, TirĂ© Ă  Part d’Africa tervuren VII, 1966, Ÿ, pp. 69-99.
  • DELHAISE (Cmdt.), Les Warega, Cool. De monographie ethnographique, Vol. V. Bruxelles, 1909.
  • KILUWE, V.M., Les milieux ruraux et la civilisation moderne, Isiro, 1Ăšre Ă©dition, 1971.
  1. TRAVAUX
  • BUKANGA, M., L’initiation rega face Ă  la morale chrĂ©tienne, AcadĂ©misa Alfonsiana (ThĂšse de doctorat), Rome, 1973.
  • DUMBO, K., Le rĂŽle du mwami dans la sociĂ©tĂ© lega, trav. De fin d’étude, UNAZA/ISP, Bunia, 1976.
  • KEKAMBEZI, K.A., L’organisation politique des Warega, mĂ©m. De licence, UNAZA/Lubumbashi, 1972.
  • KITOGA, K., Miso’ue ou chants initiatiques lega : approche d’analyse littĂ©raire, mĂ©m. De licence, UNAZA/IPN, Kinshasa, 1972.
  • MANGO, L., Education et formation de la personnalitĂ© du garçon chez les Balega du Kivu au Zaire, mĂ©m. De licence, Louvain, 1974.
  • MUZALIA, W.K., Essai sur l’organisation sociale, politique et Ă©conomique chez les Bakisi de Shabunda, trav. De fin d’études, UNAZA/ISP, Bukavu, 1973.
  • SALUMU, I.K., Essai sur le mythe du pouvoir coutumier et les conflits politiques au sein de la collectivitĂ© des Bakisi (Shabunda), mĂ©m. De licence, UNAZA/Lubumbashi, 1974.
  • SAYIBA, W., Les migrations des Balega, mĂ©m. ENM, Bukavu, 1969.
  • YALALA, K.M., Implantation de l’Eglise catholique dans la Zone de Shabunda, trav. De fin d’études, UNAZA/ISP, Bukavu, 1975.
  1. COURS
  • HENDRICKX, H., Les Doctrines politiques, Cours polycopiĂ©, UNAZA/ISP, Bukavu, 1977.
  • KABANDA, K.K., Anthropologie et Sociologie africaine, Cours polycopiĂ©, UNAZA/ISP, Bukavu, 1973.
  • KABULU, D., SociĂ©tĂ©s africaines, Note de cours, UNAZA/ISP, Bukavu, 1974.
  • NJANGU, C.C., Histoire du ZaĂŻre, Cours polycopiĂ©, UNAZA/ISP, Bukavu, 1974.

ANNEXE I

District du Kivu IL/AG.                                                  Shabunda, le 30/11/1942                                                        Territoire de Shabunda                                                                                    N°12408/AO/C.6

OBJET : Dossier Mopipi,                                                                                          Chef des Bakisi        

                                                                            Cher Mopipi,

                                                                            J’ai l’honneur de vous faire savoir que l’action disciplinaire est ouverte Ă  votre charge pour des motifs suivants :

  1. En  aoĂ»t 1942, vous avez reçu ordre de procĂ©der Ă  une ventilation des Ă©critures du greffe de votre tribunal. Un modĂšle de fiche vous fut remis. En mi-novembre, convoquĂ© par l’A.T. Dessy pour contrĂŽle du greffe, vous avez omis d’exhiber la fiche en question. AdmonestĂ© Ă  ce sujet le 24 courant, vous avez rĂ©pondu qu’il s’agissait d’un oubli. ConvoquĂ© Ă  nouveau le 26 courant, pour suite du contrĂŽle, vous avez Ă  nouveau omis de prĂ©senter la fiche. InterpellĂ© Ă  ce sujet vous avez dĂ©clarĂ© que ce nouvel oubli Ă©tait imputable au greffier Victor. Apres une heure de recherche vaine, vous avez fini par avouer avoir perdu le papier en question depuis longtemps. Il ya a eu en ce domaine inexĂ©cution d’un ordre et mensonge caractĂ©risĂ©.
  • L’enquĂȘte sur les points prĂ©cĂ©dents a fait constater qu’au lieu de contrĂŽler votre greffier comme cela vous avait Ă©tĂ© indiquĂ©, vous avez modifiĂ© toutes les Ă©critures de son livre de caisse, surchargeant le n° des inscriptions, le nom des parties versantes, le n° des quittances et parfois le montant des sommes versĂ©es (mĂȘme chose dans les quittance et le registre de rĂŽle). Cette intervention rend impossible tout contrĂŽle du greffe, par sabotage des documents comptables.
  • InterrogĂ© le 26 courant sur le nom du greffier de votre tribunal du 01/01/1942 au 30/09/1942, vous avez dĂ©clarĂ© l’ignorer.
  • PrĂ©cĂ©demment vous avez portĂ© plainte contre ce greffier, pour dĂ©sertion, suite Ă  cette plainte, il fut recherchĂ© par la police et trouvĂ© dans le bureau de la chefferie, oĂč il prouva toujours avoir Ă©tĂ© aux heures de service.
  • Lors de la derniĂšre rĂ©union du Conseil de Territoire, fin juin 1942, vous avez menacĂ© votre capita Kalikililo de poursuites et d’envoi Ă  Kasese s’il ne rejoignait pas le village du km 54 oĂč il n’a jamais habitĂ©. Officiellement vous avez cachĂ© toutes ces circonstances provoquant un ordre au capita de regrouper ses gens. Zonia, poussĂ© par vous a manƓuvrĂ© tant et si bien que le ravitaillement de la mine Kobitu en a sĂ©rieusement Ă©tĂ© atteint, et le programme de culture compromis pour plusieurs cultivateurs.
  • Dans votre rapport d’activitĂ© d’octobre 1942, vous dĂ©clarez que la rĂ©gion de Mukulumania est menacĂ©e de famine ; que la cause en est l’A.T. Lebaigue qui a mis les indigĂšnes Ă  la construction d’une piste Mukulumania-Shabunda depuis plus de 3 mois. InterrogĂ© par Monsieur Lebaigue, vous avez reconnu qu’il n’était intervenu au rien dans cette affaire qui rĂ©sultait des sanctions prises. Cette affaire lĂ  est beaucoup plus grave que les autres, car elle met en pĂ©ril tout le ravitaillement des mines depuis Tshakindo jusqu’à lubongola (Banakilala, Waroux, Balibua).
  • En juillet 1942, vous avez fait venir les indigĂšnes de Pene-Kamango, pour faire vos cultures. En mi-septembre, j’ai Ă©tĂ© avisĂ© du fait par l’Agronome qui consistait leur absence dans des villages du Nord-Lugulu oĂč leur prĂ©sence Ă©tait indispensable (vous le saviez) pour le programme de guerre.

Lorsque je les ai renvoyĂ©s chez eux, ces gens n’avaient pas touchĂ© un centime chez vous alors que le rachat des corvĂ©es a fait l’objet de plusieurs admonestations aux conseils de territoire. Au moment oĂč je suis prĂȘt Ă  rĂ©pondre le territoire, je dĂ©sire savoir qui est le chef des indigĂšnes de la chefferie des Bakisi. Tous vos sujets se disent gens de Kiziba, chez lequel ils portent toutes leurs palabres, et qui parait ĂȘtre le grand-maitre dans la chefferie.

D’autres indigùnes de votre entourage disposent des policiers et les envoient en mission à leur convenance (voir notamment le juge Salumu Lukango).

  • Vos juges mendient des rations dans les mines qu’ils visitent, vos policiers volent, vos greffiers s’y font porter en tipoy avec leur.
  • Vous venez de passer par les villages de Kilauri, Mokenge, Ngolombe, Kibasonga et Muniema qui ravitaillent les chantiers routiers en bananes. Du coup les apports ont diminuĂ© dans des proportions inquiĂ©tantes, celle de Kibasonga et Muniema sont mĂȘme descendus jusqu’à zĂ©ro.
  •  En aoĂ»t 1942, vous ĂȘtes allĂ© vers l’amont de l’Ulindi : Bamuguba et Baliga. Depuis lors, la piste qui y mĂšne est impraticable. Il n’y a plus ni pont ni passerelles. Un EuropĂ©en a failli se noyer. Je me demande dĂšs lors Ă  quoi vous servez : pas aux Blancs dont vous dĂ©molissez le travail, pas aux Bakisi qui ne connaissent que Kiziba. Dans votre chef lieu, vous ne faites rien non plus, pas mĂȘme prĂ©sider votre tribunal.

Votre intempĂ©rance, de connue, devient manifeste. Les pĂ©riodes de luciditĂ© entre deux crises d’ivresse successive ont actuellement disparu.

Vous devenez la risée de vos administrés, et surtout celle de vos collÚgues de deux autres chefferies du territoire. La plainte que vous avez portée parce que vous restiez sans une seule femme a mis le comble aux coutumes de traditions.

         Je vous prie de m’adresser, toutes explications Ă©ventuelles sur ces faits dans le dĂ©lai de deux jours pour que je joigne au dossier Ă  transmettre Ă  Monsieur le Commissaire de District du Kivu. Un clerc interprĂšte se trouvera Ă  votre disposition pour cette pĂ©riode.

                                                     Pour l’Administrateur territorial absent

                                                     L’Administrateur territorial assistant,

                                                     Lebaigue, L.

ANNEXE II

District du Kivu                                                                                          Territoire de Shabunda

                                    PRO-JUSTICIA                                                    PROCES VERBAL   

Escroqueries Mopipi                                                                                                  et consorts                                                                                                       Article 98. C.P.L.II.

                                      L’an mil neuf cent quarante cinq, le treiziĂšme jour du mois de dĂ©cembre, Nous soussignĂ© Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire Ă  compĂ©tence gĂ©nĂ©rale, Ă©tant Ă  Shabunda avons entendu sous serment, le nommĂ© :

En mai 1944 Mopipi vient Ă  notre village. Il dit : Â«  Comme tes gens  ont renversĂ© les arbres, en faisant leurs champs, sur la piste, comme ton pont sur la riviĂšre Kianingi est en mauvais Ă©tat, tu me payeras 500.. frs d’amande avec tes gens. Â»

Avec mes gens nous réunissons 500 frcs et les remettons à Bornard Pikipiki le greffier.

Nous n’avons pas reçu de quittances

                            Je jure le prĂ©sent procĂšs verbal sincĂšre.

                                                                           L’Officier de Police Judiciaire,

                                                                            Dekoster, l.

Territoire de Shabunda                                                                                     Escroqueries de Mopipi                 PRO-JUSTICIA                                                                               PROCES VERBAL

                            L’an mil neuf cent quarante six, le neuviĂšme jour du mois de janvier, Nous soussignĂ© Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire Ă  compĂ©tence gĂ©nĂ©rale, Ă©tant Ă  Shabunda, avons entendu le nommĂ© Mopipi Alias Paul alias Mulongeki, fils de Motimano et de Wakukasa ex-chef de la chefferie des Bakisi :

– Q. Tu as infligĂ© en mai 1944 une amende de 500 frs Ă  Bulapia parce que la piste Ă©tait encombrĂ©e d’arbres et que le pont sur le Kiniangi Ă©tait en mauvais Ă©tat ?

– R. Non, cela est faux.

– Q. Cette somme fut versĂ©e Ă  Pikipiki ?

– R. Je n’en sais rien.

                            Je jure  le prĂ©sent procĂšs verbal sincĂšre.

Traduit au Chef                                                       L’Officier de Police Judiciaire Mopipi qui signe                                                           Dekoster, L.                               Pour accord.

District du Kivu                                                                                                       Territoire de Shabunda                     PRO-JUSTICIA                                                                               PROCES VERBAL

Escroquerie Mopipi                                                                                                Article 98.C.P.L.II.

                            L’an mil neuf cent quarante cinq, le vingt-septiĂšme jour du mois d’octobre, Nous soussignĂ© Dekoster Louis, G.F., Officier de Police Judicaire Ă  compĂ©tence gĂ©nĂ©rale, Ă©tant Ă  Matili avons entendu sous foi serment le nommĂ© :

Mutingulwa, fis de Kilatu et de Kabalonga du village Kagogo, qui dit : mon cousin , SALIKI capita de ce village, absent actuellement a dĂ» payer en 1944 150 frs d’amende Ă  Mopipi parce que le clerc collecteur Bilatu fils de Idulu, originaire de Kingombe s’était pris de querelle avec deux indigĂšnes, qui refusaient de porter ses bagages, et le pĂšre de l’un d’eux.

Mutingulwa alla se plaindre auprĂšs de Mopipi installĂ© au village Mangene qui infligea au capita du village Saliki l’amende de 150 frs. Il n’y a pas eu de jugement. Aucune quittance ne fut remise.

TĂ©moins : SUMAILI Kikese, cousin du chef Mopipi et le capita MAGENE

                            Je jure le prĂ©sent procĂšs verbal sincĂšre.

                                                                           L’Officier de Police Judiciaire,

                                                                           L. Dekoster.

District du Kivu                                                                                                           Territoire de Shabunda                         PRO-JUSTICIA                                                                           PROCES VERBAL

Escroquerie Mopipi

                            L’an mil neuf cent quarante six, le huitiĂšme jour du mois de janvier, Nous soussignĂ© Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire Ă  compĂ©tence gĂ©nĂ©rale, Ă©tant Ă  Shabunda, avons entendu sous foi du serment les suivants :

SUMAILI Kisese, fils de Kinganda et de Waniozi, cousin du chef Mopipi, qui dit : oui je me rappelle : Bilatu alla se plaindre auprĂšs de Mopipi de ce que les indigĂšnes de Saliki lui avaient cherchĂ© querelle.

Mopipi infligea en dehors du Tribunal une amende de 150 frs de Saliki à Mopipi sans que quittance soit délivrée.

                            Je jure le prĂ©sent procĂšs verbal sincĂšre

                                                                            L’officier de police Judiciaire,

                                                                            L. Dekoster.

District du Kivu                                                                                            Territoire de Shabunda                      PRO-JUSTICIA                                                                              PROCES VERBAL

Escroquerie de Mopipi

                            L’an mil neuf cent quarante six, le huitiĂšme jour du mois de janvier, Nous soussignĂ© Dekoster Louis, Officier de Police Judiciaire Ă  compĂ©tence gĂ©nĂ©rale, Ă©tant Ă  Shabunda avons entendu le nommĂ© :

Mopipi Alias Paul, Alias Mulongeki, fils de Mutimana Mopipi et de Wakukasa ex-chef de la chefferie des Bakisi.

– Q. Pourquoi Sadiki capita du village kagogo a-t-il dĂ» payer une amende de 150 frs suite Ă  une plainte du clerc Bilatu ?

– R. Parce qu’il n’avait pas fourni de porteurs assez vite pour transporter la caisse de l’impĂŽt.

– Q. A quel tribunal ce jugement fut-il prononcĂ© ?

– R. J’ai tranchĂ© tout seul. J’ai mangĂ© ces 150 frs d’amende.

                            Je jure le prĂ©sent procĂšs verbal sincĂšre.

                                                                         L’Officier de Police Judiciaire

                                                                         L. Dekoster.

ANNEXE III

RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo                               Kigulube, le 26/10/1967 Province du Kivu                                                                                                             District du Sud-Kivu                                                                                                  Territoire de Shabunda                                                  N°017/JUST.M.CH./67.                                                                                                      Poste de Kigulube                               

                                                            Transmis copie pour information                                                                 Ă  Mrs :

OBJET : Recherches politiciens                   – l’Administrateur du territoire Kiluwe-Venance.                                             De et Ă  Shabunda                                                                                â€“ le capita Kasaluka du village                                                             Kisanga

                                                                   A Messieurs les Bami Bisimwa                                                           Ferdinand et Nindja de et Ă                                                                    Nyakalonge et Nindja.

                                                                    Messieurs les Bami,

                                                                    Me rĂ©fĂ©rent Ă  l’objet repris en marge, j’ai l’honneur de porter Ă  votre connaissance que veuillez barrer vos limites entre les territoires de Shabunda, Kabare et Kalehe pour interdire l’accĂšs des gens de Kiluwe et veuillez Ă©galement effectuer les recherches de ces hommes politiques dans votre rĂ©gion car ces gens ont tuĂ© deux policiers. Ils ont saisi deux fusils que les policiers possĂ©daient et ils ont saisi Ă©galement plusieurs fusils dont les policiers nationaux qui ont Ă©tĂ© refugiĂ©s avaient Ă  leur disposition.

                                                                     Je vous prie de veiller trĂšs fort Ă  ce sujet et je vous demanderais Ă©galement de les arrĂȘter et de les conduire sur Kigulube pour continuer l’enquĂȘte.

                                                                     En outre, je vous fais savoir que les cadavres des policiers tuĂ©s et les fusils de l’Etat saisis par ces bandits de mercenaires congolais lors de passage sans aucune excitation quelconque de la part de la police restent jusqu’à prĂ©sent introuvables.

                                                                     Pour finir, je vous demande de n’accepter aucun accĂšs des hommes de Kiluwe venance dans votre rĂ©gion car c’est un grand perturbateur de l’ordre public dans la rĂ©gion de Kigulube.

                                                                  Le Chef de Poste de Kigulube,

                                                                  Madiadi Charles Marie-Faustin.

ANNEXE IV

Poste de Kigulube                                       Kigulube, le 04/11/1967

OBJET :                                                     Transmis copie pour information

Suspension fonctions.                                 A :

                                                                  – Mr. Le Directeur provincial des                                                           affaires intĂ©rieures Ă  Bukavu,                                                             – Mr. Le Commissaire de District                                                                     du Lac Kivu Ă  Bukavu,                                                                      – Mr. Le Chef de Poste de Kigulube,

                                                                  A Monsieur l’Administrateur de et Ă                                                              Shabunda,

                                                                  Monsieur l’Administrateur,

                                                                  J’ai l’honneur de porter Ă  votre connaissance que je viens d’apprendre de source sĂ»re, que vous aviez pris une dĂ©cision verbale me suspendant de mes fonctions du Chef de groupement Bamuguba/Sud.

                                                                  Cette dĂ©cision n’étant pas conforme aux rĂšgles administratives ni au DĂ©cret du 10 mai 1957 sur les A.I. Art. 24, je la considĂšre comme arbitraire car elle n’est pas prĂ©cĂ©dĂ©e par des peines moindres : blĂąmes, rĂ©primandes etc.

De quoi me reprochez-vous ?

                                                                  Le mĂȘme jeu m’a Ă©tĂ© jouĂ© par l’ancien ministre des A.I. Mr. Kitukutuku lors de son passage Ă  Shabunda en Octobre 1966, mais dĂ©sapprouvĂ© par le ministre des A.I. du gouvernement central de Kinshasa qui a approuvĂ© mon Ă©lection Ă©tant tout Ă  fait dĂ©mocratique.

                                                                  Il faudrait que cessent les jeux de ce genre qui sont plutĂŽt politiques qu’administratifs et qui prouvent la faiblesse d’autoritĂ© de la part de leurs auteurs. Aucune mesure disciplinaire ne peut ĂȘtre prise contre un agent sans qu’elle lui soit notifiĂ©e par Ă©crit et bien motivĂ©e prĂ©cisant la durĂ©e conformĂ©ment Ă  la loi. Cette soit disant suspension est prise sous l’influence de mes ennemis trĂšs bien connus qui me poursuivent depuis mon avĂšnement au pouvoir dans notre groupement d’origine jaloux de mon rendement bien apprĂ©ciĂ© par mes frĂšres.

                                                                  Il est fort Ă©tonnant de voir que l’autoritĂ© encourage la rĂ©bellion dirigĂ©e contre une autoritĂ© Ă©tablie (voir Acte de reconnaissance signĂ© par votre prĂ©dĂ©cesseur le 17/08/1966).

                                                                  Une loi ne peut ĂȘtre abrogĂ©e que par une autre. Vous voudriez bien notifier ma rĂ©vocation une fois pour toute au lieu de me faire vivre dans une situation incertaine.

                                                                  Veuillez agrĂ©er, Mr. L’Administrateur, l’assurance de ma considĂ©ration trĂšs distinguĂ©e.

                                                         Le Chef de groupement Bamuguba/Sud,

                                                         Kiluwe Venance Kakumbwa.


[1] KI-ZERBO, J., Histoire de l’Afrique noire, Hatier, Paris, 1972, p.5.

[2] DELHAISE (Cmdt.), Les Warega, collection de monographies ethnographiques, Vol. V, Bruxelles, 1909, p.21.

[3] ANONYME, Congo Belge et Rwanda-Urundi : Guide du voyageur, IN-FOR Congo, 4Ăšme Ă©d., p.528.

[4] KITOGA, K., Miso’ue ou chants initiatiques lega : approche d’analyse littĂ©raire, mĂ©m. De licence, I.P.N. /Kinshasa, 1972, p.78.

[5] Extrait du recensement effectuĂ© en 1970 Cfr. ArrĂȘtĂ© n°1236 du 31/07/1970.

[6] Ibidem

[7] YALALA, K.M., Implantation de l’Eglise catholique dans la Zone de Shabunda, trav. De fin d’études, I.S.P. Bukavu, 1975, p.5.

[8] MUZALIA, Z.K., Essai sur l’organisation sociale, politique et Ă©conomique chez les Bakisi de Shabunda, trav. de fin d’études, I.S.P. Bukavu, 1973, p.13.

[9] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.29.

[10] VERHAEGEN, B., RĂ©bellions au Congo, T. 2, CRISP-BRUXELLES, IRES-KINSHASA, 1969, p.24.

[11] MUNTITA : Sorcier et chef du clan Kaluba oĂč les Balega prenaient leurs femmes. Comme nous le verrons, c’est lui, qui inventa le « Bwami Â».

[12] SALUMU, I.K., Essai sur le mythe du pouvoir coutumier et les conflits politiques au sein de la collectivité des Bakisi (Shabunda), mém. De licence, UNAZA/Campus de Lubumbashi, 1974, p.51.

[13] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.342.

[14] CORBISIER, F.J.M., Rapport de sortie de charge de l’A.T. de l’Urega, Shabunda (vers 1930), p.2. (Archives de la Zone de Shabunda)

[15] SAYIBA, W., Les migrations des Balega, mém. E.N.M. Bukavu, 1969, p.41.

[16] SAYIBA, W., op.cit,. p.45.

[17] Ibidem, p.46.

[18] NJANGU, C.C., Cours d’histoire du ZaĂŻre, 2Ăšme graduat ; I.S.P./Bukavu, 1974, p.64.

[19] Ibidem, pp. 65-66.

[20] CORBISIER, J.F.M., Rapport AIMO, Stanelyville, 1932.(Archives de la Zone de Shabunda)

[21] MOELLER, A., les grandes lignes des migrations des Bantous de la Province Orientale, I.R.C.B., 1936, cité par SAYIBA, W., op.cit., pp.28-30.

[22] DE KUN, N., L’art lega, tirĂ© A Part d’Africa-Tervuren XII, 1966, Ÿ, p.72.

[23] VANSINA, J., Introduction à l’ethnographie du Congo, Edit. Universitaire du Congo Kinshasa-Lubumbashi-Kisangani, C.R.I.S.P., Bruxelles, 1965, p.105.

[24] ANONYME, Rapports annuels 1952 – 1953, SociĂ©tĂ© des missionnaires d’Afrique des Peres Blancs, pp.287-288.

[25] DE KUN, N., op.cit., p.72.

[26] MANGO, L., Education et formation de la personnalité du garçon chez les Balega du Kivu au Zaïre, mém. de licence, Louvain, 1974, pp.29-30.

[27] MOELLER, A., op.cit., pp.40-41.

[28] Source : La tradition orale.

[29] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., pp. XIV-XV.

[30] Ibidem, p. XI.

[31] MPASE, N.M., L’évolution de la solidaritĂ© traditionnelle en milieu rural et urbain du ZaĂŻre, le cas de Ntomba et de Gasengele du Lac Mai-Ndombe, PUZ, Rectorat-Kinshasa, 1974, p.89.

[32] Ibidem, p.94.

[33] BIEBUYCK, D., La répartition et droit de pangolin chez les Balega, in Zaïre, Vol. VI, n°9, 1953, p.903.

[34] VERHAEGEN, B., op.cit., pp.32-33.

[35] Information donnée par KYATENDA PATAULI et NDOMBA LUSOMBO (Cfr. Annexe).

[36] TirĂ© des archives de la mission catholique de Shabunda (Itemene) L’UREGA., p.9.

[37] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.150.

[38] Ibidem, p.XII.

[39] Ibidem, pp.153-154.

[40] KABANDA, K.K., Anthropologie et sociologie africaine, Cours polycopié, UNAZA/ISP-Bukavu, 1973, p.23.

[41] Ibidem, p.23.

[42] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.169.

[43] KABANDA, K.K., op.cit., p.23.

[44] Ibidem, p.25.

[45] DELHAISE (Cmdt.), op.cit., p.176.

[46] KABULU, D., Sociétés africaines, Notes de cours, UNAZA/ISP, Bukavu, 1974, p.19.

[47] Ibidem, p.18.

[48] InspirĂ© des archives de la mission catholique de Shabunda : l’Urega, op.cit., p.7.

[49] PARODI, J.L., La politique, Hachette, Paris, 1971, p.382.

[50] BALANDIER, G., L’Anthropologie politique, Bibliothùque de Sociologie contemporaine, P.U.F., Paris, 1969, p.97.

[51] Tiré des archives des missionnaires catholiques (PÚres Blancs) de Shabunda n°A.5.

[52] VASINA, J., op.cit., pp.108-109 citĂ© par BUKANGA, M., L’initiation Rega face Ă  la morale chrĂ©tienne, AcadĂ©mia Alphonsina (ThĂšse de Doctorat), Rome, 1973, p.44.

[53] Inspiré de CORBISIER, J.F., op.cit., pp.8-9.

[54] Information donnée par NDOMBA LUSOMBO.

[55] DEFOUR, G., La corde symbolique lega, Centre de Bandari, Bukavu, 1976, pp.1-2.

[56] Inspiré des archives des missionnaires catholiques PÚres Blancs, op.cit., n°A.4, A.5, A.6.

[57] Les mbembe ou musanga (coquilles d’escargot, cauris) servaient de monnaie chez les Balega.

[58] Baliga, Bamuguba/Sud et Bamuguba/Nord sont trois des sept localités actuelles de la Collectivité des Bakisi.

[59] Information tirées des archives des PÚres Blancs de la mission catholique de Shabunda (Itemene) n°A8, A9.

[60] MILAGA, V., Un visage africain du christianisme, Présence africaine, Paris, 1962, p.75.

[61] DEFOUR, G., Notes sur la structure, le symbolisme, la pĂ©dagogie de l’esprit du bwami, Association du peuple Lega, Centre de Bandari, Bukavu, 1975, p.25.

[62] MANGO, L., op.cit., p146.

[63] BIEBUYCK, D., La monnaie musanga des Balega, in ZaĂŻre, 1953, VII, 7, p.681.

[64] Cfr. Archives de la mission catholique de Shabunda, op.cit., n°10, 11, 12, 13.

[65] DEFOUR, G., Notes sur
 op.cit., p.3.

[66] DEFOUR, G., Notes sur
 op.cit., p.25.

[67] DEFOUR, G., Notes sur
 op.cit., p.4.

[68] Ibidem, p.13.

[69] Notes personnelles du R.P. POUPEYE, 1939, trouvées aux archives de la mission catholique de Shabunda (Itemene).

[70] DUMBO, K., Le rĂŽle du mwami dabs la sociĂ©tĂ© lega, trav. De fin d’études, UNAZA/I.S.P.- Bunia, 1976, p.65.

[71] Ibidem, p.70.

[72] Ibidem, pp.71-73.

[73] DE KUN, N., op.cit., p.73.

[74] Nyangwe est situé actuellement dans la Zone de Kasongo.

[75] WILLAME, J.C., Les provinces du Congo, structure et fonctionnement : Kivu Central et Lomami, in Cahiers Economiques et Sociaux, CEP, IRES, LĂ©opoldville, N°4, 1964, p.119.

[76] KEKAMBEZI, K. A., L’organisation politique des Warega, mĂ©m. de lic. en science politique et adm., UNAZA/Lubumbashi, 1972, p.69.

[77] ZILLAME, J. C., op.cit., p.119.

[78] ANONYME, Guide du voyageur
 op.cit., p.329.

[79] KEKAMBEZI, K. A., op.cit. p. 71.

[80] SALUMU, Y. K., op.cit., p.55.

[81] Un des clans des Bakisi dont la famille Mopipi est issu.

[82] DELHAISE, (Cmdt.), op.cit., p.103.

[83] DE KUN, N., op.cit., p.73.

[84] LION (A.T.), Rapport d’enquĂȘte : Chefferie Banabanga, Province Orientale, Congo-Belge, District du Kivu, Territoire de Haute Ulindi, P.V. N°111, Shabunda, 1924, p.2 (Archives Zone de Shabunda).

[85] Misisi et Kama sont situés dans la Zone de Pangi.

[86] LION (A.T.), op.cit. p.2.

[87] Les licenciĂ©s sont des chefs arabisĂ©s non coutumiers qui, ayant d’abord eu les Arabes pour maitres, servaient les agents de l’E.I.C. et qui furent ensuite remerciĂ©s par ces derniers.

[88] LION (A.T.), Notice sur le chef Mopipi, Shabunda, 1924, p.5. (Archives de la Zone de Shabunda).

[89] DES VILLENFAGNE de LAEN, Chefferie Mopipi, Shabunda, 1926, p.1. (Archives de la Zone)

[90] HENDRICKX, H., Les Doctrines politiques, Cours polycopié, UNAZA I.S.P./Bukavu, 1976-1977, pp.2-3.

[91] SALUMU, I.K., op.cit., pp.91-94.

[92] MUSWELI est situé à environ 150 km au Nord-est de Shabunda.

[93] MOPIPI, MOLINGI et LONGANGI ont été désignés par les Blancs à leur arrivée comme chefs coutumiers.

[94] ORDONNANCE-LOI N°69/012 du 12 mars 1969 sur les Collectivités locales citée par KILUME, V.M., Les milieux ruraux et la civilisation moderne. (Documents politiques), Isidore IÚre édition, 1971, p.8.

[95] H. (A.T.), Renseignements politiques sur ces chefferies arabisĂ©es et licenciĂ©es de Shabunda, Shabunda, 1921, p.1. (Archives de la Zone : copie).

[96] HENDRICKX, H., op.cit. p.3.

[97] LION (A.T.), Rapport d’enquĂȘte : 
 op.cit. , p.3.

[98] Ibidem, p.6.

[99] SAMUMU, I.K., op.cit., p.65.

[100] LION (A.T.), Notices sur le chef Mopipi
 op.cit., p.5.

[101] DEKOSTER (A.T.), Rapport A.I.M.O. 1944, p.6. (Archive de la Zone de Shabunda).

[102] Ibidem, p.6.

[103] DE RYCK (C.D.D.), Annexe à la lettre n°2.678/AO/AI, du 13 novembre 1945.

[104] Ibidem.

[105] DEKOSTER (A.T.), op.cit. p.6.

[106] Ibidem, p.75.

[107] MARMITTE, (A.T.), De la note du 18/03/1943 du C.D.D., (Archives de la Zone de Shabunda).

[108] DEKOSTER (A.T.), op.cit. p.8.

[109] Lettre n°3518/AO/C.8  de DEKOSTER (A.T.) adressĂ©e au C.D.D. du Maniema (Archives de la Zone de Shabunda).

[110] JOSET (A.T.), Rapport A.I.M.O. 1943, p.4, (Archives de la Zone de Shabunda).

[111] Cfr. DĂ©crets du 05 dĂ©cembre 1953 et du 10 mai 1957, et l’article 4 de l’ordonnance-loi du 12 mars 1969 n°69/012 sur les collectivitĂ©s locales.

[112] MOELLER, Rapport du conseil colonial, in bulletin officiel 1953, pp.953-954, cité par MPASE, N.M., op.cit., p.112.

[113] KILUWE, V.M., op.cit. pp.10-12.

[114] Cfr. Décret du 10 mai 1957 du Ministre des colonies Buisseret sur les Circonscriptions IndigÚnes cité par KILUWE, V., op.cit., p.11. Le CollÚge permanent est constitué de membres qui assistent, aident et conseillent les chefs de circonscriptions indigÚnes.

[115] KEKAMBEZI, op.cit., p.96.

[116] Ibidem, p.100.

[117] KILUWE, V.M., op.cit. p.11.

[118] Lettre de l’A.T.A. n°3.194/AO/D3 du 02 septembre 1950 adressĂ©e Ă  l’A.T. Van GEEL, citĂ©e par SALUMU, I.K., op.cit., p. 110.

[119] VERHAEGEN, G., op.cit. pp.29-30.

[120] KILUWE, V.M., op.cit. p.12.

De 1965 Ă  1971 KILUWE a dirigĂ© le groupement Bamuguba/Sud. Actuellement, il Ɠuvre comme dactylographe Ă  l’UNAZA/ISP-BUKAVU.

[121] JAMSIN, A., Rapport d’enquĂȘte du C.D.D. du Sud-Kivu concernant la circonscription des Bakisi, Annexe I Ă  la dĂ©cision n°87/21.02.06.19 du 1er juin 1960.

[122] KILUWE V.M., op.cit.  p ;13.

[123] Ibidem, p.13.

[124] VERHAIEGEN, B., op.cit. p.202.

[125] KILUWE, V.M., op.cit. p.14.

[126] Ibidem, p.14.

[127] Ibidem, p.14.s

[128] Ibidem, p.15.

[129] Ibidem, p.15.

[130] Ibidem, p.17.

[131] Cfr. Instructions MININTERPRO n° 529/18/CAB/A.I./66 du 18 mai 1966.

[132] KILUWE, V.M., op.cit. p.23.

[133] Lettre n°529/18/CAB/AI/66 du 8/05/1966 (Division des affaires politiques).

[134] CORNET, J., Art de l’Afrique noire au pays du fleuve Zaïre, Arcade, Bruxelles, MCMLXXII, p.257.

80 thoughts on “HISTOIRE SOCIO-POLITIQUE DES BAKISI, ZONE DE SHABUNDA (par Roger YALALA KYATENDA MUKUMBUKWA)”
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